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Constitutionnalisation de l'IVG, abolition de la corrida et référendum d'initiative partagée au programme de la commission des Lois cette semaine

Constitutionnalisation de l'IVG, abolition de la corrida et référendum d'initiative partagée au programme de la commission des Lois cette semaine

La commission des Lois a examiné cette semaine des textes majeurs touchant à la protection de droits fondamentaux, à la protection animale et à la démocratie.

-> Proposition de loi visant à abolir la corrida

En l’état actuel du droit, le fait d’infliger des sévices envers des animaux est puni par le code pénal de 3 ans de prison et de 45 000 euros d’amende. La peine est de 5 ans de prison lorsque les sévices ont conduit à la mort de l’animal. Mais la loi prévoit une exception au nom d’une « tradition locale ininterrompue ». 

Pourtant, une interdiction de cette pratique se propage à travers le monde depuis des décennies : Le Chili, l’Argentine, Cuba et l’Uruguay ont fait le choix d’interdire les corridas, Mexico vient de les suspendre à son tour. En Europe, le Danemark, l’Italie et le Royaume‑Uni ont formellement interdit cette pratique, tout comme la Catalogne.

Cet texte, porté par Aymeric Caron (LFI), et visant à abolir la pratique de la corrida, a fait l'objet de nombreux débats et c'est à titre personnel que je me suis exprimée en commission des Lois.

Je tiens en préambule à réaffirmer que l’interdiction de la corrida n’ouvre pas l’ère de la chasse aux sorcières. Il ne s’agit pas d’interdire toute activité liée à l’animal, mais d’interdire celles basées sur la souffrance animale, qui plus est dans un contexte festif.

Comment peut-on justifier les efforts de lutte contre la souffrance animale, demandés et fournis par les éleveurs, qui tirent leur revenu de l’exploitation et du commerce animal, et admettre dans le même temps la corrida à titre ludique ? 

Nous avions en 2015 créé un nouvel article 515-14 dans le code civil disposant que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. » Il n’est désormais plus défini par sa valeur marchande et patrimoniale mais par sa valeur intrinsèque. Nous ne pouvons de manière cohérente continuer de faire coexister à la fois cette affirmation de sensibilité chez les animaux, et l’agonie terrible endurée par l’animal pendant 20 minutes de combat, lors duquel il est tué à petit feu. 

Le motif de la tradition ne peut pas tout. Défendre la corrida, c’est prioriser la tradition aux principes fondant la société civilisée, à savoir l’éradication de la violence. La protection alléguée du patrimoine ne peut trouver son fondement dans l'inhumanité. D’ailleurs, la corrida est à l’origine une tradition espagnole arrivée en France qu’en 1853. Comme l’a confirmé le Conseil d’Etat en 2016, elle ne peut se prévaloir de faire partie du patrimoine culturel immatériel de la France. 

Contrairement à l’expression de toute puissance de l’Homme sur l’animal, je préfère pour ma part léguer aux jeunes générations des valeurs de respect de la dignité et de l’environnement. Nous avons déjà constaté et continuons de constater ce à quoi le sentiment de toute puissance de l’Homme sur la nature conduisait. 

Alors que des pays ont déjà fait le choix d’interdire les corridas, leur maintien en France fait de notre pays une des exceptions notables, en contradiction avec les valeurs que nous portons historiquement. 

Les Français et Françaises se sont exprimés à 87 % en faveur de la punition de tout acte de cruauté ayant entraîné la mort d’un animal, sans exception. En tant que représentants de la Nation, nous devons suivre l’évolution sociétale tant attendue par les citoyens. 

→ La proposition de loi sur le droit l’IVG et à la contraception

Le texte de l’intergroupe NUPES visant à constitutionnaliser le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), dont je suis cosignataire avec mon groupe, a été adopté sans modification.

Il crée un nouvel article au chapitre VIII de la Constitution disposant que « nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l’accès libre et effectif à ces droits. »

J’ai pour ma part déposé cet automne une proposition de loi qui inscrit à l’article premier de la Constitution que « la loi garantit l’égal accès à l’interruption volontaire de grossesse ainsi qu’à la contraception, dans le respect de l’autonomie personnelle."

En effet, après avoir échangé avec des constitutionnalistes, l’inscription du droit à l’IVG dans un chapitre consacré à l’autorité judiciaire ne me paraissait pas adapté. En revanche, l'article premier est progressivement devenu l’écrin de différents droits en l’absence de titre spécifique consacrant la reconnaissance des droits et libertés. Par ailleurs, je préfère toujours à la formulation négative, la formulation positive, qui pose le droit avec force.

Toutefois, nous ne pouvons que souscrire au texte dans sa visée, d’autant que ce dernier est plus ambitieux que celui de la majorité discuté la semaine dernière en commission. Il protège à la fois le droit à l’IVG et à la contraception, et il inscrit l’accès libre et effectif à ces droits dans la norme suprême, tandis que le texte Renaissance se contente d’affirmer que « nulle femme ne peut être privée du droit à l’interruption volontaire de grossesse. »

Quoi qu’il en soit, à l’heure où de nombreux pays régressent sur les droits procréatifs, nous ne pouvons qu’encourager ces initiatives parlementaires en France. La question reste de savoir si nous y attacherons l’ambition que nous devons à ces droits. 

Ces textes seront examinés en séance publique le jeudi 24 novembre prochain.

-> Proposition de loi constitutionnelle visant à modifier les conditions de déclenchement du référendum d’initiative partagée (RIP)

Ce texte vise à assouplir les conditions de déclenchement du référendum d’initiative partagé : 

- L’impulsion parlementaire avec 1/10ème des parlementaires, soit 93 députés et/ou sénateurs soutenus par 1 million de citoyens

- L’impulsion citoyenne avec 1 million de citoyen soutenus par 1/10ème des parlementaires.  

Aujourd’hui, le RIP ressemble à s’y méprendre à une course d’obstacles. En effet, l’initiative doit d’abord réunir la signature d’1/5ème des membres du Parlement, soit au minimum 185 députés et/ou sénateurs. Seuls les parlementaires peuvent donc lancer la procédure.

Ensuite, le texte qui prend la forme d’une proposition de loi est alors déféré au Conseil constitutionnel qui exerce un contrôle scrupuleux : il veille à ce que l’initiative porte sur un des objets énumérés à l’article 11 de la Constitution (organisation des pouvoirs publics, réformes relatives à la politique
économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent) et il vérifie que la proposition ne méconnaît aucune règle constitutionnelle. 

Il faut ensuite réunir, en neuf mois, les signatures électroniques d’1/10ème du corps électoral, soit environ 4,7 millions de soutiens. La seule initiative ayant atteint cette étape n’a réuni que 1,09 million de soutiens. 

Si toutes les étapes précédentes étaient franchies, il suffirait aux assemblées parlementaires de se prononcer par un vote sur le texte pour mettre fin à la procédure. 

Ce texte, que nous soutenons, a donc pour objet de modifier uniquement le mode de déclenchement du RIP, mais ne modifie pas les autres conditions.