#Transparence

Lanceurs d'alerte : lecture et adoption des textes issus de la commission mixte paritaire

Lanceurs d'alerte : lecture et adoption des textes issus de la commission mixte paritaire

Les propositions de loi du député Sylvain Waserman (LREM) relatives à la protection des lanceurs d'alerte et au rôle du Défenseur des droits dans cet office, ont, après avoir été examinées par l'Assemblée nationale et le Sénat, fait l'objet la semaine dernière d'une commission mixte paritaire (CMP). Sept députés et sept sénateurs ont discuté sur les dispositions encore en débat. La CMP ayant été conclusive, l'Assemblée nationale a procédé à la lecture de la version définitive cette semaine.

→ Mon intervention :

"Monsieur le Président,

Monsieur le Rapporteur,

Mes Cher-e-s collègues, 

En introduction, je tiens à féliciter le rapporteur pour la qualité de sa proposition de loi, et la méthode de travail utilisée associant tous les acteurs. Il nous faut aller vers la meilleure protection de l’intérêt général et cela passe par la protection de l’engagement risqué de nos concitoyens. Nous en sommes encore loin, si on regarde le sort des lanceurs d’alerte de par le monde. Comment ne pas penser aux actions vaines pour que l’asile politique soit accordé à Julian Assange ?

La position du Sénat était inacceptable. Les dispositions exprimaient un recul par rapport au droit existant en France et en particulier la loi Sapin II, et donc des mesures illégales au regard de la clause de non-régression que comporte la directive. 

Deux points développés devant vous : 

1er point :  La PPL a réussi le difficile équilibre entre d’une part, conserver le champ large de la loi Sapin II de 2016, transposer les avancées de la directive européenne, et d’autre part, protéger les lanceurs d’alerte, sauvegarder les secrets protégés et les intérêts des personnes mises en cause. 

L’avancée majeure de ce texte réside dans la suppression de la hiérarchie des canaux de signalement, internes, externes, puis divulgation publique. La possibilité est désormais offerte de saisir directement le canal externe, c’est-à-dire la justice, le Défenseur des droits, les ordres professionnels ou les autorités administratives. Et, sur la divulgation publique, qui sera permise en dernier recours si aucune réponse n’a été apportée par le canal externe, nous attendons que le décret précise un délai aussi bref que possible et en toute hypothèse inférieur à six mois. 

Nous saluons 1) le retour à une définition plus englobante et donc protectrice des lanceurs d’alerte 2) la protection des « facilitateurs », personnes morales ayant aidé les lanceurs d’alerte, et enfin 3) la solution trouvée d’une prise en charge des frais de justice pour la défense du lanceur d’alerte financés par une provision à la charge de l’attaquant, prononcée par le juge.  

2ème point :  Le travail de protection des lanceurs d’alerte est loin d’être fini. Nous savons tous le prix à payer pour ceux qui osent dire la vérité dans l’intérêt général.  

a) Une amélioration de leur protection passera par plus de soutien psychologique et financier, avec la création d’un fonds ad hoc. Nous savons que l’article 9 est quasi inopérant et que les autorités externes compétentes sont incapables de mettre en place un tel dispositif.  

b) La marche que nous devrons franchir sera celle de permettre au lanceur d’alerte de disparaître au profit d’une personne morale, qui peut avoir cette vocation de lutter contre la corruption ou de défendre l’intérêt général. Celle-ci dispose souvent des ressources nécessaires et reste moins exposée que le lanceur d’alerte. 

c) Il nous faut favoriser le déploiement des canaux internes, notamment dans les administrations, quasi-absents dans le service public. Ceci participe de la culture déontologique dont nous voulons la diffusion.  Nous pouvons regretter l’analyse consistant à considérer que le recours libre à un canal externe, incitera les administrations ou les entreprises publics à se doter d’un réseau interne. Ce seul pari sur l’incitation traduit un manque d’affirmation politique de la lutte contre la corruption et l’atteinte à l’intérêt général. Le service public dans son acception la plus large, doit refléter par ses engagements, cette recherche d’exigence et d’exemplarité. 

En conclusion, les lanceurs d’alerte ne sont pas l’alpha et l’omega de l’Etat de droit, mais une composante de ce dernier. L’alerte ne se substitue pas au dispositifs de contrôles adaptés qui doivent être mis en place par la puissance publique. Les dernières révélations sur la gestion dramatique de certains EPHAD, poursuivent l’objectif de l’intérêt général. Si l’Etat répond en diligentant des enquêtes, il ne remplit pas pour autant son office, s’il ne met pas en place un dispositif de contrôle de nature à prévenir les graves manquements dénoncés. 

La protection des lanceurs d’alerte s’inscrit dans le développement vertueux d’une culture déontologique, dont nous devons tous, à tous niveaux nous emparer.  

Sans surprise, nous voterons ce texte. Je vous remercie. "

Les deux textes seront discutés la semaine prochaine au Sénat puis prochainement promulgués, entérinant ainsi une avancée considérable dans la protection des lanceurs d'alerte.