Le texte « séparatisme » examiné en séance publique

Le texte « séparatisme » examiné en séance publique

Le projet de loi "confortant le respect des principes de la République" a été une nouvelle fois examiné à l'Assemblée nationale après l'échec de la commission mixte paritaire entre les deux chambres du Parlement.

 

"Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Rapporteur,

Mes Cher-e-s Collègues,

Nous voici réuni pour discuter une énième fois du projet de loi séparatisme, avec le sentiment que tout a été dit, mais que rien n’a été pris en compte. Je ferai trois observations dont la première tient à la nécessaire clarification de ce qu’est le principe de laïcité.

I/ Ce texte entend faire respecter le principe de laïcité et lutter contre l’islamisme radical. Sur l’objectif, nous sommes évidemment totalement d’accord. Nous n’avons cessé de le dire. Nous avons demandé aussi que soit aussi interrogée l’application effective des dispositifs de lutte contre le terrorisme, mis en place, après les terribles attentats de 2015 et les mesures qui ont suivi.

Il est pour autant étonnant que sur un texte sur la laïcité, aucun effort dans l’étude d’impact, dans l’exposé des motifs ou dans un préambule du texte, ne soit précisée ce que recouvre ce principe de laïcité. Après plusieurs décennies d’apaisement, les questions religieuses ont fait leur retour. La montée en puissance d’un islam radical soulève des questions spécifiques, qui n’ont pas grand-chose à voir avec les religions et ce principe de laïcité dont le conseil constitutionnel considère comme inhérent à l’identité constitutionnelle de la France.

La mission complexe ne devait pas vous effrayer. Cet effort de clarté, nous le devons à nos concitoyens. Vous le devez aussi aux référents laïcité dont vous décidez la création.  Vous le devez aux français, qui ne savent pas comment cette laïcité se traduit en droit et en pratique.

Il s’agissait simplement de reprendre l’article 1er de la loi de 1905 affirmant la liberté de conscience avec pour corollaire la liberté de religion, l’article 2 concernant la séparation de l’Etat et des Eglises, laquelle se traduit par la neutralité des personnes exerçant une mission de service public, consacrée depuis dans la loi du 20 avril 2016. Il s’agissait par une définition que nous vous avions proposée de rassembler les éléments constitutifs de la laïcité, y compris la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2004, pour aider à la compréhension de la loi et à l’application de ce principe. Ce fil rouge nous a manqué tout au long des débats et manque à l’intelligibilité de ce texte.

Etait-il si difficile d’écrire ensemble que la République assure la liberté de pensée, de conscience et de religion en garantissant le droit de manifester son appartenance religieuse comme son absence d’appartenance religieuse, ainsi que, le cas échéant, de changer de religion ; que la République garantit une stricte neutralité des personnes exerçant une mission de service public vis-à-vis de leurs usagers et réciproquement, qu’elle interdit à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers.

Il était par ailleurs indispensable de rappeler ici que la loi de 1905 a prévu la condamnation des dérives possibles des religions, contestant les lois de la République, de punir pénalement sévèrement tout abus commis au nom de la religion.

On peut partager ou non, l’intérêt des mesures prises ici. En revanche, il était essentiel que nous sachions tous de quoi nous parlons quand nous évoquons ce principe de laïcité.

II/ Les mesures prises suscitent beaucoup d’inquiétudes tant sur la remise en question du principe de laïcité que sur le champ des libertés fondamentales.

1) Nous dénonçons, avec Jean Baubérot, un texte qui affirme renforcer la laïcité, alors qu’il porte atteinte à la séparation des religions et de l’Etat. Un rôle beaucoup plus important est accordé à l’Etat, dans l’organisation de toutes les religions et leurs pratiques. De nouvelles contraintes sont imposées aux Eglises qui ne posaient pas de problème pour tenter de les faire admettre à un culte, le culte musulman dont les représentants conviennent d’ailleurs, des efforts à poursuivre pour que leurs responsables locaux et nationaux soient mieux identifiés, en responsabilité.  

2) Nous nous inquiétons des nouvelles contraintes imposées aux associations cultuelles et plus largement au monde associatif, sur lequel nous devons jeter non pas un regard naïf, mais un regard bienveillant, au soutien de leurs actions. Evidemment que pas un euro ne doit aller à une association constituant un danger pour la République. En revanche, ce sont beaucoup de crédits qui devraient être réservées à ces associations agissant dans de multiples domaines et qui font la cohésion sociale. Le contrôle sans largesse dans l’accueil, ne peut que décourager les associations, notamment celles tissant du lien social dans les quartiers difficiles. Toutes redoutent un contrat d’engagement républicain, mal défini, mal compris, devenant un outil de sélection à la main des autorités.

Ce projet tape à côté de ses objectifs, ne touche pas à l’essentiel, et jette la confusion sur nos véritables ennemis. Il y a, d’une part, les religions et un principe de laïcité qui les gouverne et protège notre liberté de croire, de ne pas croire et il y a, d’autre part, l’instrumentalisation funeste et mortifère de la religion par quelques-uns.

Quelle que soit l’utilité de certaines mesures de nature préventive ou répressive, que nous voterons sans difficulté, le respect des principes républicains impose la mobilisation de toutes les collectivités et de toutes les politiques publiques qui doivent faire cohésion. Cela passe aussi par le soutien sans faille des services publics et de leurs agents, par un Etat fort sachant garantir par une organisation sans faille les moments démocratiques majeurs de notre histoire."

Cécile Untermaier, le 28 juin 2021