Réunion de l’Assemblée parlementaire franco-allemande : ma question à la Chancelière

Réunion de l’Assemblée parlementaire franco-allemande : ma question à la Chancelière

Lundi 28 juin s'est tenue l'assemblée plénière de l'Assemblée parlementaire franco-allemande (APFA). Pour rappel, cette institution est chargée de veiller à la mise en œuvre du traité d'Aix-la-Chapelle et de développer la coopération franco-allemande dans de nombreux domaines (environnement, transports, droit des affaires, migration, politique étrangère, défense...). 

L'ordre du jour de la réunion était le suivant :

  • Séance de questions au Premier minsitre français, Jean Castex et à la Chancelière allemande, Angela Merkel.
  • Présentation par les groupes de travail "Pacte vert pour l'Europe" et "Harmonisation des droits français et allemand des affaires et des faillites" de propositions de résolutions recommandant des actions communes.
  • Présentation par les groupes de travail « Politique étrangère et de défense » et « Migration, asile et intégration » de leurs travaux au cours de l’année écoulée.
  • Adoption du rapport sur la coopération parlementaire franco-allemande pour l'année 2020.

→ Ma question à la Chancelière allemande sur l'abstention et sa réponse :

" Madame la Chancelière,

Ce dimanche, le deuxième tour des élections régionales et départementales a eu lieu en France. Nous avons pu constater un nouveau record d’abstention qui s’inscrit dans une tendance baissière de la participation électorale à toutes les élections. Cette abstention est le signe tangible d’une perte d’intérêt pour la vie politique. Cette abstention concerne malheureusement surtout les jeunes et les classes populaires. Le lien entre l’abstention et les conditions sociales, à savoir le salaire et le niveau d’éducation, renforce le problème de légitimité d’une démocratie représentative.

En Allemagne, il y a eu des élections régionales en ce mois de juin, dans le Land de la Saxe-Anhalt. Le taux de participation a été de 60 %, contre 33 % aux élections régionales en France. Pourtant, la Saxe-Anhalt est une région de l’Allemagne de l’Est qui est réputée moins développée et plus pauvre que le reste du pays. Cet écart d’abstention entre nos deux nations se retrouve également chez les jeunes électeurs, le taux de participation électorale des jeunes allemands étant de manière régulière supérieur à celui des jeunes français, à hauteur de 10 % en général.

Le taux de participation électorale en France apparaît très préoccupant, celui de l’Allemagne, certes bien meilleur mais insatisfaisant, nous oblige à agir.

Je m’interroge sur les raisons de cet écart au niveau de la participation électorale.

Pouvez-vous faire état de votre réflexion à ce sujet et aussi des pistes d’amélioration qui vous paraissent utiles à étudier et mettre en œuvre sans retard, en Allemagne, et pourquoi pas en France ? "

 

 

→ Je suis ensuite intervenue sur les enjeux environnementaux du Pacte vert :

"Le pacte vert est une feuille de route encourageante. La protection de l’environnement n’est pas un défi parmi d’autre, le risque est grand que la planète devienne invivable à l’horizon 2050.  Il nous faut accompagner de mesures juridiques et juridictionnelles, le pacte vert. Trois orientations vous sont proposées :

1) Améliorer l’application du droit de l’environnement et l’accès à la justice environnementale : 

Les normes juridiques environnementales souffrent d’un manque lisibilité et de voies de recours facilitées, ce qui pose un réel problème démocratique d’accès au droit pour le citoyen. La convention d'Aarhus qui vise à assurer l’accès à l’information environnementale, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, doit être mieux appliquée en France.

- Il est constaté un manque crucial d’agents dans les administrations et de magistrats qualifiés dans les juridictions, ainsi qu’une très grande insuffisance de moyens matériels (recours aux expertises). Des ratios de bon fonctionnement de la justice environnementale doivent être établis et devenir un objectif partagé au soutien du pacte vert.

2) Mieux lutter contre la criminalité environnementale :

La criminalité environnementale n’est que trop peu sanctionnée aujourd’hui. Les externalités négatives causées par une activité dommageable sont supportées essentiellement par la société. 90% des dommages ne sont pas réparés. Et quand les peines sont prononcées, celles-ci sont insuffisamment dissuasives et proportionnées au préjudice.

Par ailleurs, le problème doit être traité plus en amont. Nous savons tous que le retour à l’état antérieur n’est jamais réellement possible. Par exemple, les procédures de référés, utiles à l’acteur économique comme au défenseur de l’environnement, sont anciennes et inadaptées en France. Il nous faut travailler sur des procédures de référés, qui permettent au juge d’éviter que le dommage ne se produise.

3) Pousser l’idée de création d’une juridiction supranationale dans le domaine pénal :

La création d’une Cour pénale internationale ou européenne en matière environnementale représenterait un signal fort de la prise de conscience des enjeux climatiques et de la protection de la biodiversité. Les dommages écologiques étant pour bon nombre d'entre eux transfrontaliers, une approche supranationale est pertinente. Quand bien même les dommages sont localisés, la chaîne des responsabilités implique bien souvent des acteurs dépassant les frontières nationales. 

Une telle évolution supposerait de reconnaître un 5ème crime international, "le crime d'écocide", sur lequel la Cour aurait un pouvoir juridictionnel, auprès des quatre autres crimes définis dans le statut de Rome.

Le champ d’action de la Cour pénale internationale, en l’état, est limité car elle a vocation à poursuivre les personnes physiques et non les personnes morales et les Etats, alors que ces deux derniers sont les principaux responsables de dommages environnementaux. Une autre option serait la mise en place d’une Cour européenne de justice pour l’environnement qui permettrait aux citoyens de disposer d’un dernier recours dans le cas où ils auraient épuisé les juridictions nationales de leur pays. Un tel projet démontrerait l’engagement de l’Union européenne et de la Commission, qui a récemment publié sa stratégie pour la biodiversité.

Les discussions ainsi menées, avec la société civile, les universités, les praticiens du droit, dans nos deux pays, a été la nécessité de poursuivre la réflexion au sein d’un sous-groupe dédié à ce sujet."

Cécile Untermaier, le 28 juin 2021

La presse en parle