Colloque de la Cour de Cassation « La place de l’autorité judiciaire dans les institutions »

Colloque de la Cour de Cassation « La place de l’autorité judiciaire dans les institutions »

 

 


Réunissant parlementaires, magistrats et universitaires, de France comme de l’étranger, autour d’une réflexion sur la place de la justice dans nos institutions, le colloque organisé par la Cour de Cassation, ce mercredi 25 mai 2016, avait pour ambition de s’interroger sur les contours et les enjeux d’une évolution à venir de notre système judiciaire.




Quelques éléments de mon intervention au colloque organisé par la Cour de Cassation au sujet de la nomination des magistrats:


" Poser cette question de la nomination des magistrats, c'est poser la question de l'indépendance de la justice. TRois observations:

La première tient au mode de nomination évidement des magistrats du parquet et des magistrats du siège. Le projet de révision constitutionnelle emportant l'avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature pour la nomination des magistrats du parquet est indiscutablement une mesure renforçant l'indépendance du Parquet en ce qu'elle rapporte le statut du parquet de celui du siège. Mais nous ne pouvons pas en cacher les limites. L'avis conforme s'exerce sur une proposition de l’exécutif.
Le dispositif dit "de la transparence" permet à chacun et au CSM de connaître tous les candidats qui se sont présentés. C'est ainsi que la liste dressée par la Direction des services judiciaires, transmise au CSM, comporte les noms de tous les magistrats candidats et un nom souligné correspondant à la proposition du Garde des sceaux.

Dans la pratique, le CSM n'est pas en capacité d’examiner l'ensemble des candidatures et n’exerce donc que de façon très ponctuelle, le pouvoir que lui donne cet avis conforme. La question pour l'ensemble des magistrats (parquet et siège) appartenant à un Corps unique, reste entière. Cette réflexion n'est pas nouvelle. Elle doit prospérer de ce qui existe en Europe et notamment en Belgique.

Le vrai pouvoir est détenu par l'autorité qui propose et non par celle qui émet un avis. Cette réforme radicale a été évoquée par le Premier Président de la Cour de Cassation dans un article des "Matinales du Monde" du 23 mai 2016. Elle l'a été aussi lors de l'audience solennelle de janvier 2014 par le Procureur général près la Cour de cassation, Jean Claude Marin. Mais, je fais le constat que nous ne sommes pas en capacité de mener actuellement une telle réforme. L'avis conforme dans son principe est déjà rejeté par une grande majorité de l'Opposition, finalement très réservée à une indépendance de l'autorité judiciare.

La deuxième en lien avec cette première observation est relative au statut de magistrat et la capacité pour le Corps judiciaire à faire vivre cette indépendance dans la société. Comme d'autres institutions, la Justice n'a plus la confiance des citoyens, je le constate tous les jours. La réforme de 2008 avec une carte judiciaire qui a vidé des territoires ruraux de sa présence avec la désorganisation qui s'en est suivie, y'est pour beaucoup.
 
Dans ce contexte, l'indépendance de la justice ne doit pas signifier la coupure d'avec le monde environnant, les gens, le monde professionnel, elle doit rechercher l'ouverture.
Or, je constate un statut des magistrats très fermé sur lui-même, ouvrant une porte trop étroite, et ne parvenant pas à refléter la société. Ceci ne remet pas en cause l'excellence professionnelle des magistrats et des greffiers mais l'absolue nécessité de préserver ce niveau d'exigence.
L'École Nationale de la Magistrature est une école d'excellence, une école professionnelle de très grande qualité formant des magistrats de haut niveau. Mais je suis persuadée qu'il importe de s'interroger sur son modèle de recrutement et de faire un grand pas vers les professionnels du droit, les avocats spécialisés, les commissaires de police, les experts du monde associatif, à raison de leur compétence élevée dans un domaine particulier. Une chambre commerciale accueillant un avocat spécialisé dans le droit des affaires, un commissaire de police remplissant la fonction de procureur, un universitaire etc etc sont autant de compétences auxquelles la magistrature doit enfin ouvrir ses portes.
 
Le caractère généraliste de la formation de l'école professionnelle doit se conjuguer à la spécialité d'excellents professionnels, au service des justiciables. Il ne s'agit pas comme c'est le cas actuellement, de se limiter à un accueil temporaire ou à temps partiel de personnes qualifiées mais bien d'intégrer celles-ci, ainsi que les greffiers méritants, dans un cursus équivalent.
 
Nous avons tracé un chemin en ce sens avec le projet de loi sur le statut des magistrats, examiné, la semaine dernière et voté hier, mais il faut amplifier ce changement culturel. C'est à ce prix que la justice renouera le lien de confiance avec les citoyens.
 
La troisième observation, complémentaire de cette réflexion, est relative à l'attente de la société sur les questions de déontologie. Dans le monde où les intérêts s'entremêlent, il faut souligner l'importance du Conseil de déontologie tel que prévu dans le projet de loi.
 
Conclusion
 
 
- Rappeler les gages donnés par le Gouvernement de respecter l'indépendance de la justice depuis 2012.
- La loi du 25 juillet 2013 inscrit dans l'article 31 du code de procédure pénale le principe d'impartialité dans la conduite de l'action publique.
L'abrogation de la faculté pour le ministre de la Justice d'intervenir par voie d'instruction, dans les procédures pénales particulières.
- L'idée portée par la Cour de Cassation d'un Procureur général de la Nation, responsable devant le Parlement, est une idée qui me plaît. Il s'agit d'une réforme globale que nous n'avons pas les moyens politiques de mettre en place. Mais il faut y travailler et avancer en ce sens.

 

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