« Confiance dans l’action publique » intervention en discussion générale

« Confiance dans l’action publique » intervention en discussion générale

Intervention en discussion générale, lundi 24 juillet 2017

 

Madame la ministre,

Madame la présidente, rapporteure,

Mes chers collègues,

Les projets de loi organique et ordinaire pour rétablir la confiance dans l’action publique, ainsi nommés par le Gouvernement, sont une fois encore des lois de circonstances, des lois de réaction à l’exaspération et l’incompréhension de l’opinion publique. C’était l’affaire Cahuzac en 2013. C’est l’affaire Fillon en 2017.

Vous noterez au passage que ces parlementaires avaient occupé des fonctions ministérielles du plus haut niveau et que ce simple constat devrait nous conforter dans l’obligation d’adopter dans le même temps des règles similaires de probité et d’exemplarité pour les membres du gouvernement, leur cabinet, et la haute administration avec laquelle ils travaillent étroitement.

Aujourd’hui la loi est le produit de la bureaucratie française, ce sont des hauts fonctionnaires qui la rédigent en toute discrétion sans qu’aucune mesure concernant les conflits d’intérêts et le lobbying ne les touchent vraiment. Qui fait la loi en France, d’où vient-elle, qui sont ses rédacteurs ? Moi députée, je suis incapable de vous le dire aujoud’gui. Or, le projet de loi ne concerne que les parlementaires et vous avez supprimé en commision tout ce qui concernait les hauts fonctionnaires et les ministres. Est-ce normal ?

 

Elles sont aussi le fruit plus spécifiquement ici, de circonstances politiques : l’accord scellé entre Emmanuel Macron et François Bayrou sur la promesse d’une loi de moralisation de la vie politique.

Elles sont présentées comme s’inscrivant dans  le travail largement reconnu que nous avons mené depuis 2013, 2015, 2016 avec des lois majeures mettant en place la HATVP, le parquet national financier, des obligations déontologiques pour les fonctionnaires, mais aussi les magistrats et le conseil supérieur de la magistrature. Seul échappe désormais à cette exigence de déclaration d’intérêt et de situation patrimoniale, dans la sphère publique, les membres du conseil constitutionnel. Et pourtant ne rendent-ils pas des décisions insusceptibles de recours dont l’importance doit être entourée de toutes les garanties que texte après texte nous apportons ? Nous reprendrons  avec vous Madame la ministre, la proposition de loi adoptée à ce sujet lors de la dernière mandature, soutenue d’ailleurs par le  garde des sceaux.

I- Remarques générales

1)Ma première remarque est un regret, celui que l’on ne puisse mener une réflexion approfondie sur ces questions fondamentales de déontologie, sur ses principes généraux qui doivent orienter notre travail et non se limiter comme ici à  une succession de réponses précipitées à une opinion publique fracassée par des comportements que les parlementaires « ordinaires » ne pouvaient imaginer.

Une incompréhension sur l’affichage de cette précipitation. Le CE dénonce une étude d’impact insuffisante. Nous aurions pu refuser l’examen de ce texte en Commission pour ce motif.

Nous aurons des propositions d’amendements pour redonner toute son utilité à l’étude d’impact dans l’examen mené par la Représentation nationale sur les projets de loi qui lui seront soumis. 

2) Ma deuxième observation est que ce texte dont l’ambition est de rétablir la confiance dans l’action publique, ne répond aucunement à cette préoccupation fondamentale.

Outre l’insuffisance des réponses en matière de conflits d’intérêts, l’activité de conseil en particulier, Il manque deux grands axes de réflexion :

L’un sur l’action publique proprement dite et sur la nécessité de garantir l’effectivité des décisions prises par les pouvoirs publics. La confiance passe par la réponse effective et rapide aux problèmes rencontrés par nos concitoyens. ( ex : les agriculteurs et la PAC, un problème de trouble de voisinage qui n’est traité qu’en 5 ans…). La confiance passe aussi par la transparence, la suppression de tous les cas de suspicions d’intérêts, de privilèges matériels inutiles, de carrière hors du droit commun tant pour les élus que pour les membres de la haute fonction publique qui naviguent entre fonction publique et sphère politique, dans un va et vient continuel qui nous oblige à poser des règles de cloisonnement. Quand le seront-elles ? au prochain scandale ? Madame la ministre, pouvez-vous vous engager sur la production d’un texte concernant la haute fonction publique qui nous dirige, puis les collectivités locales dans les six mois qui viennent ? On ne compte plus le nombre de hauts fonctionnaires qui partent pantoufler dans les cabinets d’affaires, créant ainsi une confusion inadmissible entre l’intérêt général et leurs intérêts personnels, surtout financier.

L’autre sur la démocratie, le parlement du non cumul des mandats, l’équilibre des pouvoirs exécutif et législatif, la place du citoyen dans l’action publique.

Nous qui nous sommes mobilisés pour faire adopter ce texte difficile sur le non cumul des mandats, nous l’avons fait pour un parlement du futur qui réponde aux attentes des citoyens, qui fasse entrer le débat participatif dans nos décisions.  Un parlement qui négocie plus qu’il ne suit la volonté de l’exécutif, un parlement où des majorités de conviction se forgent au regard de l’intérêt général. Cette vision est essentielle pour définir les justes règles de déontologie  que nous devons voter.

3) ma troisième observation porte sur l’absence de pertinence de certaines dispositions que vous nous demandez d’adopter dans cette précipitation. Pourquoi nous hâter de supprimer une réserve parlementaire dont la majorité découvre son mode de fonctionnement ?  Nous pourrions l’entourer de garanties de participation citoyenne. Pourquoi déjà et si vite une banque de la démocratie dont le projet est tellement vague que nous ne pouvons nous en dessaisir au profit du Gouvernement, au surplus en l’absence de toute urgence électorale justifiant de débattre dans ce texte de ces questions. Ce caractère vague m’interroge sur sa constitutionnalité, le Conseil constitutionnel ne considérerait-il pas qu’il y a ici une incompétence négative ?

Sur les partis politiques, il y a temps à dire. Il faut garantir l’exhaustivité des comptes des partis, interdire les pratiques de détournement de financement avec les systèmes de micro-parti, les sections locales qui ne sont prises en compte dans le périmètre comptable, les emprunts dont on ne peut pas s’assurer le remboursement et qui sont loin d’être au prix du marché… C’est une réflexion d’ensemble sur la vie politique qu’il faut mener pas des réformettes qui sont pour la plupart inconstitutionnelles ou illisibles.

4)Enfin, ces deux textes sont débattus avec la perspective à l’automne de la révision constitutionnelle… certains dénoncent une absence de méthode, la charrue avant les bœufs comme on dit chez nous.  Cette révision constitutionnelle tend à la réduction d’un tiers des membres du parlement, laquelle ajoutée à une dose de proportionnelle, renvoie à des circonscriptions immenses, enterrant définitivement l’espoir pour les élus que nous sommes de travailler dans la proximité en plus de l’impartialité recherchée.

N’oublions pas que la force du parlementaire est d’être à la fois un élu de terrain et un législateur. S’il perd le terrain, il ne sera plus qu’un législateur et sera très vite dépassé par la compétence juridique d’une haute administration et des cabinets ministériels.

Préservons le Parlement, ne l’affaiblissons pas par des orientations qui là encore sont discriminantes  pour nos campagnes et les acteurs locaux qui y vivent. Vous êtes en train de produire des palrmentaires hors-sol, déterritorialisés, qui ne feront qu’approuver mécaniquement la politique du Président, faute d’expertise de terrain.

Rappelons-nous que c’est à l’échelle locale que se joue la confiance dans la vie démocratique et que le parlementaire qui travaille dans la proximité et l’impartialité est rarement déçu de la qualité du lien de confiance qu’il tisse avec les citoyens.

II- Sur les textes  eux-mêmes et sur les dispositions médiatiquement annoncées :

Oui, à l’interdiction des emplois familiaux, l’exaspération de l’opinion publique devant le népotisme pratiqué par quelques élus au profit de membres de leur famille, est le moteur de cette disposition qui s’impose à nous au regard du caractère gravissime des dérives d’emplois fictifs observées. Ce critère de parenté est inédit, il s’impose parce que la présomption de soupçon est trop forte.

Même si faire obstacle à un tel emploi alors qu’on en a les compétences, l’envie, l’expérience professionnelle a soulevé des doutes légitimes ; mais au-delà de ce critère, il nous faut garantir l’effectivité du travail accompli, la mise à disposition des partis, réfléchir sur les conditions de recours aux collaborateurs et assistants parlementaires, comme d’ailleurs aux membres des cabinets, dans la transparence et l’égalité des chances.

  • Oui au quitus fiscal, oui à l’extrait de casier judiciaire vierge, amendement reprenant notre PPL adoptée à l’unanimité dans la dernière mandature. Et faisons en sorte que la numérisation urgente des services de la justice permettent l’impression facilitée d’un tel document avant les élections de 2020.
  • Oui  au contrôle des frais de mandats, nous avons des propositions réalistes et  efficaces en la matière.
  • Oui à la transparence dans le financement des partis politiques, mais nous devons aller plus loin, pour limiter notamment l’émergence de partis qui n’existent que pour bénéficier de l’aide publique et améliorer la transparence. Des amendements de collègues vont dans ce sens.
  • Oui à l’introduction de nouvelles incompatibilités avec le mandat de parlementaire et interdisons l’activité de conseil, de manière radicale, telle que d’ailleurs l’avait fait valoir notre président de la République. Est-ce normal que les fonctionnaires députés soient placés en situation de disponibilité tandis que ceux exerçant dans le secteur privé puissent continuer à cumuler leur activité avec le mandat parlementaire
  • Non à une définition du conflit d’intérêt « maison » pour les parlementaires qui gommerait de manière très contestable l’existence  de conflit d’intérêt public avec d’autres intérêts publics.
  •  Non à une suppression dans ce texte de la réserve parlementaire, nous aurons des propositions en ce sens à vous faire.
  • Non à la suppression des avancées du Sénat, ayant adopté des dispositions concernant les membres du gouvernement, leurs collaborateurs, et –insuffisamment- la haute fonction publique.
  • Oui à des mesures que nous allons vous proposer de non cumul des indemnités des parlementaires avec d’autres mandats électifs, d’encadrement de leurs activités professionnelles etc. le prochain scandale médiatique se nichera là.
  •  Oui à la responsabilisation enfin des ministres, des élus, donc justiciables, de leur gestion des fonds publics, devant la Cour des comptes ainsi que le propose le député René Dosière.

De nombreux amendements seront discutés. il ne s’agit pas d’une guerre de tranchées. Mais de la démocratie et de notre exigence de la voir garantie dans ses équilibres et objectifs de clarification de l’exercice du mandat électif  et du pouvoir politique.

Cette loi est la sixième loi concernant la vie politique et le financement des partis, en 30 ans. Le terme d’action politique convient mieux que celui d’action publique. (MODEM)

Mais cette loi suffira-t-elle ? ou au contraire contribuera-t-elle à accroitre la méfiance au constat que ces lois et règlements sont sans effet pour éradiquer la corruption du champ de la vie politique. Il ne nous faut pas seulement corriger des comportements, mais prévenir, anticiper des comportements qui détruisent le lien de confiance.  Ce texte en l’état n’y répond pas.  Il nous faut le compléter au plus vite dans le sens sus-évoqué concernant la haute fonction publique qui nous dirige et les collectivités locales. Ma demande d’une commission prenant acte des règles de déontologie adoptées et de leur nécessaire extension à d’autres sphères et de leur évolution demeure tout autant. 

 

 

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