Coopération parlementaire franco-allemande : mon intervention

Coopération parlementaire franco-allemande : mon intervention

LA COOPERATION FRANCO-ALLEMANDE : UN ENJEU EUROPEEN FONDAMENTAL

Je salue et remercie nos collègues députés allemands, ici présents dans l’hémicycle, lesquels  ont participé à la rédaction du présent accord, mais aussi les administrateurs du Bundestag et de l’Assemblée nationale pour le travail constant et de grande compétence qu’ils ont effectué dans ce cadre.

Construite sur la base d’une réconciliation entre nos deux pays la coopération franco-allemande a constitué dès l’origine un enjeu majeur de la construction européenne. C’est l’esprit de la déclaration de Robert Schuman, le 9 mai 1950 :

« L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : l’action entreprise doit toucher au premier chef la France et l’Allemagne. »

Depuis lors, la coopération franco-allemande n’a cessé de se renforcer. Elle s’exprime aujourd’hui plus modestement dans un autre registre, mais un registre qui nous tient à cœur, celui de la nécessaire association des parlementaires. Cette nouvelle page, il nous appartient de l’écrire, dans un contexte très tendu et grave, de doute sur l’Europe, de doute sur nos politiques, de doute sur nos valeurs qui ne sont pas assez fortement et clairement exprimées de manière unitaire  par les pouvoirs exécutifs.

C’est à l’occasion du 55ème anniversaire du traité de l’Élysée, que notre groupe de travail franco-allemand a été mandaté pour préparer cet « Accord parlementaire franco-allemand ».  Il l’a fait sur la base juridique de l’article 34-1, un vecteur juridique qu’il nous semble pertinent d’avoir retenu. 

Trois observations :

La première : l’objectif est de mettre en place une nouvelle Assemblée parlementaire franco-allemande et d’institutionnaliser ainsi des liens, pas seulement pour répondre à des besoins transfrontaliers, mais pour réfléchir ensemble aux questions qui se posent dans nos deux pays et en Europe.

Cet objectif est-il porteur d’espoir pour nous les députés français, à un moment où l’antiparlementarisme va bon train ? Cet acte de coopération arrive à un moment où nous sommes nombreux ici à combattre les discours populistes qui tendent à discréditer notre travail , mais tout autant à nous  interroger sur le rôle du député de 2017, le nouveau député du non-cumul des mandats, de son rôle local et national,  au regard d’un exécutif très puissant et qui  constitutionnellement et naturellement est moins au fait des aspirations de la population.

Nous serons au rendez-vous de cette modernité. Il faut pour cela donner un rythme à ce travail interparlementaire au sein de nos commissions.  Ne nous épuisons pas dans la rédaction du règlement intérieur, lequel au regard du pouvoir décisionnel d’un tel groupe, ne justifie pas de crispations.

La Commission des lois à laquelle j’appartiens, est un cadre propice à des réflexions et des avancées fructueuses à ce sujet, mais aussi à d’autres qui concernent la justice, le droit de la famille…

Deuxième observation : l’objectif est de contribuer à esquisser des solutions communes aux divergences constatées dans différents domaines ; divergences qui conduisent à affaiblir l’Europe toute entière : vaste programme au menu duquel sont inscrites la question environnementale,  la question migratoire, les enjeux de protection sociale, les travailleurs détachés,  l’harmonisation fiscale, l’imposition des géants du numérique etc. Apportons ensemble de la clarté politique et exigeons de nos dirigeants, qui siègent au sein du Conseil européen, de parler davantage et de parvenir à définir le socle de nos valeurs communes.

Dernière observation : cet Accord donne toute sa place à l’institution parlementaire dans nos pays respectifs et tend à créer des liens étroits entre nos Représentations nationales et à rapprocher les droits français et allemands. Mais soyons prudents sur ce point.

C’est le moment de réfléchir ensemble à ce qu’est la Loi et à  promouvoir la légistique.

La légistique, entendue comme la science de la loi, l’activité législative, en quelque sorte le produit de notre travail, demande à être reconnue, enseignée dans les facultés de droit (et peut-être même avant). Branche du droit constitutionnel et/ou de la philosophie, elle doit s’attacher à la fabrication de la loi, (les procédures), à l’application de la loi, à la nature et la finalité des lois.

Elle implique aussi l’émergence d’un droit gouvernemental  organisant enfin et nous en disant plus sur  l’élaboration de la loi dans nos administrations respectives.

Ceci est une orientation pragmatique et éminemment politique puisqu’elle vise à donner à d’autres acteurs que nous-mêmes, la charge d’évaluer notre travail et nous accompagner dans cette réflexion partagée.

Comme l’affirment Richard Ferrand et son homologue allemand Wolfgang Schäuble : « Cent ans après la Première Guerre mondiale, les assemblées de France et d’Allemagne montrent combien l’amitié politique de deux nations jadis ennemies peut être féconde ».

Cette affirmation mérite que nous la confirmions en nous attelant sans relâche à ce travail de coopération dans une institution aussi fondamentale pour nos démocraties que sont le Bundestag et l’Assemblée nationale.

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