Discussion générale sur la proposition de loi sur le secret des affaires

Discussion générale sur la proposition de loi sur le secret des affaires

Intervention en discussion générale ce mardi 27 mars
sur la proposition de loi sur le secret des affaires

 

Madame la Ministre,

Monsieur le rapporteur,

Mes chers collègues,

La proposition de loi dont nous allons débattre aujourd’hui est un texte controversé tant au regard de la méthode que du fond. Il suscite de sérieuses inquiétudes exprimées très clairement dans une tribune publiée dans le Monde, par un collectif puissant par le nombre et la diversité fait de journalistes, chercheurs, économistes, syndicats et associations, tous dénonçant un texte reléguant l’intérêt général et le droit des citoyens à l’information derrière le droit des affaires.

1. Sur la méthode

L’urgence commande selon le gouvernement une proposition de loi dans le cadre de la procédure accélérée pour la transposition avant juin 2018 d’une Directive européenne, adoptée en 2016.

C’est donc une proposition de loi, sans étude d’impact et dans un temps précipité qui nous est soumise. Ce n’est pas le véhicule approprié à un tel texte, né on s’en souvient, sous la pression du lobby des affaires, à fort enjeu pour les libertés fondamentales de l’information et de la communication. La preuve en est que le rapporteur lui-même- dont je ne méconnais pas la compétence et l’honneteté intellectuelle -  a été contraint de déposer de nombreux amendements à son propre texte, ce qui signifie bien la difficile maîtrise d’emblée que nous pouvons en avoir.

La lecture de l’avis rendu par le Conseil d’Etat vous convaincra de la technicité juridique de ce texte et de son caractère non abouti. La définition unique du secret des affaires qu’implique cette transposition, exigeait de nous législateurs, de dresser un état de lieu du droit positif, de rapprocher ce texte des autres secrets protégés par la loi et utiliser de manière juridiquement incontestable, les marges de manœuvre que laisse cette Directive aux Etas-membres.

Cette méthode de travail imposée, qui n’est pas propre à ce texte, finit par nous inquiéter vraiment. L’Assemblée nationale n’est plus le lieu de débat qu’elle devrait être. Elle est sacrifiée à la mécanique d’une efficacité dont nous percevons bien les limites. Et le départ de toutes les forces d’opposition mercredi dernier devrait tous nous alerter.

2. Sur le fond

Nous savons que le point politique est de parvenir à un équilibre entre les entreprises légitimes à protéger leurs informations non divulguées utiles à leur développement face à la concurrence internationale et, les autres acteurs  et les citoyens qui doivent bénéficier de l’information dont on mesure chaque jour les effets déterminants, comme dans le domaine de la sécurité sanitaire et de l’environnement.

Les amendements que nous proposons ont tous pour objectif de préserver cet équilibre et faire que le secret des affaires ne soit pas le paravent derrière lequel nos valeurs fondamentales pourraient être transgressées.

Ils répondent à plusieurs exigences :

1- Garantir la portée du devoir de vigilance inscrit dans la loi du 23 mars 2017, désormais saluée un peu partout dans le monde. Ne pas faire du secret des affaires un moyen pour les multinationales de se soustraire aux impératifs de publication, de transparence et d’information désormais requis par cette loi pour identifier et prévenir des risques d’atteintes aux droits fondamentaux et à l’environnement. Au devoir de vigilance des entreprises fait écho le droit de savoir des citoyens. 

2- Garantir le droit d’alerte, droit fondamental lié à la citoyenneté et le contrôle démocratique et donc le statut du lanceur d’alerte définit pour la première fois dans la loi Sapin II. Le lanceur d’alerte doit pouvoir encore agir pour signaler une menace ou un préjudice pour l’intérêt général. Le texte à ce stade ne le garantit pas.

3- Faire plus que dissuader les procédures-bâillons par des sanctions financières qui sont plus dogmatiques que pragmatiques et trouver le moyen de protéger les ONG, les lanceurs d’alerte, les journalistes, les chercheurs en amont d’un procès dont le rapport de force disproportionné les épuise. Des marges de manœuvres nous sont offertes par la Directive.

4- Enfin sur les évolutions procédurales proposées hors champ de la Directive,en particulier concernant la juridiction administrative, je rappellerai que le principe du contradictoire est un principe consacré par la CEDH découlant du droit fondamental à un procès équitable. Les textes à venir sur les procédures pénales et civiles et l’organisation judiciaire, permettront de revenir sur cette question.

Voilà, mes chers collègues, les quelques observations que je tenais à formuler. Nous disposons de marges de manœuvres importantes pour cette transposition dans notre droit national. Ouvrons ainsi le débat.

 

 

 

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