Examen de la proposition de loi constitutionnelle visant à lutter contre la sur-réglementation

Examen de la proposition de loi constitutionnelle visant à lutter contre la sur-réglementation

I- Dans son rapport sur l’insécurité juridique et la complexité du droit, le Conseil d’Etat faisait état des 10 500 lois et 120 000 décrets réglementaires en vigueur en France.

Dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi, vous évoquez, Monsieur le rapporteur, le chiffre de 400 000 règles issues du processus de réglementation et vous dénoncez les conséquences pour la  compétitivité des entreprises puisque le coût de cette sur-réglementation serait de 48 à 61 milliards d’euros par an.

Mais cette sur-réglementation n'impacte pas que les entreprises, elle pèse sur les professionnels, les magistrats, les femmes et hommes de loi qui ont à vérifier sans cesse si le dispositif législatif ou réglementaire n’a pas été une nouvelle fois modifié.

A cela, il nous faut ajouter  le coût pour les citoyens ordinaires d’une telle inflation normative ; celui de l’insécurité juridique puisque la loi instable nous éloigne de cette exigence selon laquelle  « nul n’est censé ignorer la loi ».

Face à ce problème, toutes les majorités se sont, à un moment ou à un autre,  emparées de ce problème avec plus ou moins de bonheur.

Notre assemblée avait mené une mission importante sur la fabrication de la loi, dans le cadre de la précédente législature, dénoncé le fait que nous votions trop de loi et préconisé une série de bonnes pratiques qui trouvent leur place dans le règlement intérieur pour certaines.

Il s’agissait en particulier de travailler en amont du projet ou de la proposition de loi en exigeant une étude d’impact faisant le point des législations actuelles, identifiant la charge administrative qu’une nouvelle disposition impliquerait pour les entreprises, les administrations et les usagers. Ces dispositions sont toujours d’actualité et il nous appartient de les appliquer. 

Le précédent gouvernement avait tenté de réagir en lançant le « choc de simplification » initié par le Président de la République en 2013. Le bilan était à cet égard plutôt positif puisque sur les 415 mesures dédiées aux entreprises plus de 260 sont aujourd’hui effectives.

Cet élan de simplification résonne donc favorablement dans tous les cercles d’intérêts. Je tiens toutefois à rappeler que nous devons nous méfier de messages simplificateurs et préférer toujours  à la démagogie de la simplification, la pédagogie de la complexité . La société attende de nous législateurs des normes pour encadrer des actions qui peuvent être attentatoires à la santé publique, à l'environnement, etc. Il est de notre responsabilité de dire aussi que la loi est utile.

Ce texte affirme s’inscrire dans cet élan de simplification et  propose des solutions radicales.

 

II- L’article 1er propose d’ajouter un nouvel alinéa à l’article 37-1 :

« Toute loi ou tout règlement qui introduit une nouvelle norme contraignante pour les entreprises doit corrélativement abroger une norme en vigueur ».

Le principe a l’apparence du bon sens mais l’apparence seulement puisque le problème est appréhendé de manière comptable et purement mécanique. Une règle contre une règle. Or, la simplification doit aujourd’hui davantage passer par les exercices de codification des règles existantes afin de mieux garantir leur accessibilité et ce sans considération du nombre de règles impactées. C’est en effet la multiplication des sources du droit qui a conduit à une dispersion des règles entre de multiples codes.

Pour répondre à ce défi de l’inflation et de l’insécurité juridique, c’est une logique qualitative qu’il faut enclencher. Or, ce texte n’envisage cette question que du point de vue quantitatif.

Il me semble donc que c’est bien dans l’examen préalable de l’étude d’impact que cette réflexion doit être apportée et la démonstration d’une loi utile, sans charge supplémentaire, apportée. Un rapporteur spécialement chargé de cette analyse pourrait être nommé par notreCcommission pour tout projet de loi et celle-ci en capacité d’exiger du gouvernement une telle analyse. Cette pratique devrait s’appliquer aux propositions de loi.

L’article 2 propose d’insérer après l’article 37-1 un nouvel article 37-2 :

 « Art. 37-2– Aucune loi ou règlement qui transpose, en droit interne, des dispositions du droit de l’Union, ne peut poser des exigences qui vont au-delà de celles posées dans le texte européen ».

Ce que propose ici les auteurs de cette PPL revient ni plus ni moins à mettre à mal la souveraineté du législateur et donc in fine des parlementaires. L’obligation de transposer les règles édictées par l’Union européenne, ne doit pas empêcher le législateur, s’il l’estime nécessaire, d’aller plus loin afin de mieux répondre à un objectif donné.

Nous sommes tous convaincus des conséquences négatives que font porter, sur les industriels, les exploitants agricoles, les usagers, les sur-transpositions de Directives. Cette conviction est en cohérence avec notre volonté d’harmoniser des règles entre les Etats de l’Union européenne.Mais plutôt que de proposer un abandon de souveraineté qui serait très préjudiciable à notre Assemblée nationale, il nous faut exiger que les parlements nationaux soient davantage impliqués, dans la préparation des Directives et des Règlements. 

C’est d’ailleurs une des tâches qui incombera à l’Assemblée parlementaire franco-allemande, installée ce lundi 25 mars 2019. C'est par ces multiples voies que nous répondrons le mieux aux défis de notre temps et à l’harmonisation attendue des dispositions législatives et réglementaires, au niveau des pays de l’Union européenne. 

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