Mon intervention en Commission Mixte Paritaire sur le statut des magistrats

Mon intervention en Commission Mixte Paritaire sur le statut des magistrats

Projet de loi organique relatif aux garanties statutaires,
aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature

Lecture des conclusions de la CMP
(lundi 11 juillet 2016 – 10’)

Mme Cécile Untermaier, rapporteure

 

Madame/Monsieur la/le président(e),

Monsieur le ministre,

Monsieur le président de la commission des Lois,

Chers collègues,

Le projet de loi organique dont notre Assemblée est aujourd’hui saisie pour la dernière fois vise à adapter le statut de la magistrature aux exigences de notre temps.

La commission mixte paritaire, qui s’est réunie au Sénat le 22 juin est parvenue à un accord tout à fait satisfaisant : les plus importantes avancées du texte ont été préservées et les points les plus délicats ont été retravaillés conjointement. Je salue, à cet égard, l’excellente qualité d’écoute et de coopération de mon homologue du Sénat, M. François Pillet.

En première lecture, sur les 43 articles votés par le Sénat, l’Assemblée nationale en avait adopté 10 conformes et ajouté 11 additionnels. La CMP était donc saisie de 44 articles : un accord a pu être trouvé sur chacun d’entre eux.

 

Dans de nombreux cas, c’est le texte issu des travaux de notre Assemblée en première lecture qui a été retenu par la CMP.

Il en va ainsi par exemple :

– de l’élargissement des conditions d’accès aux concours d’entrée à l’Ecole nationale de la magistrature ;

– de l’enrichissement des perspectives de carrière des magistrats, qui repose notamment sur la création de nouvelles fonctions hors hiérarchie, destinée à renforcer les postes d’encadrement intermédiaire et supérieur dans les plus grandes juridictions, mais également sur la revalorisation des fonctions de magistrat placé ;

– il en va également de l’extension de la procédure dite de la transparence ;

– de l’article consacrant le droit syndical des magistrats ;

– ou encore des dispositions réformant les procédures disciplinaires.

Dans d’autres cas, la CMP a, au contraire, opté pour le texte du Sénat, ainsi notamment :

– en matière d’assouplissement de l’obligation de résidence des magistrats ;

– en matière de déclarations de patrimoine des membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), lesquelles relèveront de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Enfin, la CMP a, d’un commun accord entre ses membres, modifié certaines dispositions qui restaient en discussion :

– s’agissant de l’extension du recrutement sur titres des auditeurs de justice, qui concerne au premier chef les docteurs en droit ayant exercé les fonctions de juriste assistant pendant au moins trois années, la CMP s’est entendue pour réduire leur durée de scolarité à l’Ecole nationale de la magistrature de moitié au moins ; Nous espérons du Gouvernement que dans la partie réglementaire, cette réduction soit généreusement et utilement très en dessous de cette barrière législative. Je n’oublie pas de rappeler que les députés avaient suggéré de limiter cette dernière formation à un an, pour le bien de tous, par considération avec la compétence et la pratique professionnelle de trois ans,  mais aussi pour le soulagement des deniers publics et l’affectation plus rapide de ces nouveaux magistrats dont la justice comme les justiciables ont tant besoin.

– pour ce qui concerne le statut du juge des libertés et de la détention, la CMP a convenu, comme le souhaitait l’Assemblée nationale, d’en faire une fonction spécialisée, avec les conditions de nomination et de rémunération que cela implique, tout en précisant que le juge des libertés et de la détention doit être un magistrat du premier grade au moins ;

– la CMP a également décidé, à propos des modalités d’évaluation des magistrats, que les chefs de cour d’appel devaient tenir compte, lors de l’élaboration de leur bilan d’activité biannuel, des rapports de l’inspection générale de la justice intervenus depuis leur installation ;

– la CMP a supprimé la transmission au futur collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire des déclarations d’intérêts du premier président et du procureur général de la Cour de cassation. Elle a préféré retenir un mécanisme de déclaration interne au CSM, applicable à chacun de ses membres, y compris donc au premier président et au procureur général ;

– nous avons également supprimé la publicité des avis individuelles du collège de déontologie, afin d’éviter toute interférence avec les missions dévolues au CSM ;

– la CMP a étendu les compétences des magistrats à titre temporaire au contentieux des contraventions et à la composition pénale, en cohérence avec le projet de loi ordinaire ;

– enfin, nous avons complété les dispositions relatives au Conseil constitutionnel, en particulier pour prévoir une entrée en vigueur différée – dans six mois – des nouvelles règles de recevabilité des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) en matière pénale.

Au total, je tiens à souligner que l’ensemble de la sphère publique sera désormais couverte par des exigences déontologiques renforcées.

Les lois sur la transparence de la vie publique de 2013 avaient ouvert la voie, à propos des principaux acteurs politiques et responsables publics.

La récente loi du 20 avril 2016 sur la déontologie et les droits et obligations des fonctionnaires a étendu ces exigences aux agents publics, y compris aux membres des juridictions administratives et des juridictions financières (pour lesquels ont été créés un « collège de déontologie de la juridiction administrative » et un « collège de déontologie des juridictions financières »).

Le projet de loi (ordinaire) de modernisation de la justice du XXIe siècle, que nous examinerons tout à l’heure, soumet les juges des tribunaux de commerce à l’obligation de déclarer leurs intérêts auprès du président du tribunal et à déclarer leur patrimoine auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Cette dernière obligation incombera également aux présidents et aux vice-présidents des conseils de prud’hommes.

Quant au projet de loi organique dont nous débattons présentement :

– il étend à tous les magistrats judiciaires l’obligation d’établir une déclaration d’intérêts et de procéder à un entretien déontologique avec leur chef de juridiction (qui pourra, en cas de doute sur une situation de conflit d’intérêts, saisir pour avis le collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire) ;

– en outre, des déclarations de patrimoine devront être adressées à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) par les plus hauts magistrats judiciaires (premier président, procureur général, présidents de chambre et premiers avocats généraux de la Cour de cassation ; premiers présidents et procureurs généraux des cours d’appel ; présidents et procureurs de la République des tribunaux de première instance) ;

– enfin, les membres du Conseil constitutionnel ne pouvaient être laissés à l’écart de ces évolutions. Compte tenu de l’éminence des missions de cette institution, mais aussi de sa juridictionnalisation croissante, nos concitoyens n’auraient pas compris que les mêmes exigences d’exemplarité ne lui soient pas transposées. C’est pourquoi le projet de loi organique met en place un système interne de déclaration d’intérêts, applicable tant aux membres nommés qu’aux membres de droit ayant siégé au moins une fois, suivant le modèle du dispositif en vigueur pour les membres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et également retenu – je l’ai dit tout à l’heure – pour les déclarations d’intérêts des membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Les déclarations de patrimoine, quant à elles, concerneront les membres nommés du Conseil constitutionnel et seront transmises à la Haute Autorité, conformément au « droit commun » en la matière.

Pour conclure, mes chers collègues, il me reste à vous indiquer que mercredi 6 juillet, le Sénat a adopté ce projet de loi organique dans sa version élaborée par la CMP, moyennant l’adoption d’un seul amendement du Gouvernement (amendement de coordination avec le projet de loi ordinaire). Je vous invite à faire de même aujourd’hui, ce qui ouvrira la voie à de nombreuses avancées, au profit tant des magistrats que des justiciables.

A lire aussi