Première Assemblée parlementaire franco-allemande

Première Assemblée parlementaire franco-allemande

Messieurs les présidents,

Mes chers collègues allemands et français,

L’Union européenne est aujourd’hui menacée d’un statu quo qu’elle ne peut se permettre de tolérer, face à l’importance et l’urgence des défis auxquels elle a à faire face. Elle rencontre de nombreux obstacles, tant au Conseil de l’Union avec des Etats qui refusent le principe de solidarité et s’arque boutent sur le principe d’unanimité, qu’au sein du Parlement européen avec une part croissante de députés démagogues et eurosceptiques. De nouvelles voies de coopération doivent donc être trouvées pour avancer et créer du consensus entre les peuples.

  • L’Assemblée par ses propositions, doit impulser et servir une ambition partagée pour une Europe efficace et protectrice des peuples.

Aujourd’hui, le rôle des parlements nationaux constitue le chaînon manquant de la construction européenne. Dans ce cadre, l’Assemblée constitue un prometteur espace public européen, en capacité de faire émerger un espace de délibération transnational plus large.

Elle sera là pour contrôler l’application des décisions conjointes de nos deux pays prises dans le cadre du conseil des ministres franco-allemand.

Et, par les sujets qu’elle traitera, et par la publicité des débats qui en sera faite, son rôle sera aussi d’encourager de nouvelles initiatives bilatérales qui pourront servir de base à des propositions législatives européennes.

Certes, elle ne disposera pas d’un pouvoir de décision, mais elle sera force de persuasion.

Pour que l’Assemblée puisse mener à bien sa mission et être crédible et observée avec attention, elle doit sans délai se saisir des enjeux fondamentaux que sont la transition écologique et la transition numérique.

En premier lieu, il serait donc utile que l’Assemblée se mette d’accord, dès sa première réunion, sur une série de priorités dont elle aura à délibérer.

Les sujets relatifs aux normes environnementales, qui préoccupent les citoyens dans leur vie quotidienne et leur harmonisation à l’échelle des Etats que demandent les entreprises, doivent être appréhendées de manière prioritaire et pragmatique par notre assemblée.  Je pense à l’absolue nécessité de donner un prix au carbone pour faire émerger une autre économie européenne qui protège les femmes et les hommes et la planète.  Je pense aussi à un sujet brûlant, celui des pesticides que nous savons acteurs de la disparition de la vie de la terre. Je pense enfin à la nécessité de prévoir au meilleur niveau une clause environnementale incontournable dans nos marchés publics et privés.

La convergence fiscale et sociale s’inscrit dans cette problématique et doit constituer un des premiers sujets de discussion. Alors que les pays de l’Union européenne se livrent aujourd’hui à une concurrence fiscale exacerbée, la règle de l’unanimité paralyse l’action de l’Union en matière fiscale. Nombreux sont alors ceux qui appellent l’Assemblée à montrer l’exemple. Une fiscalité plus efficace, sur le plan environnemental et social, tendant à l’harmonisation entre nos deux pays, serait un premier pas important, et observé par nos voisins.

En second lieu, pour le dynamisme et la crédibilité de notre coopération, les groupes politiques doivent dépasser les clivages partisans, aborder sans tabous, les sujets difficiles et préparer les parlements à prendre des positions pouvant influencer utilement nos gouvernements. Nous avons ici la chance de construire ensemble. Saisissons-la.

  • L’Assemblée est aussi l’occasion de s’inspirer des pratiques législatives de chacun de nos pays

L’Allemagne possède à bien des égards une longueur d’avance sur ses partenaires. C’est le cas en matière de contrôle de subsidiarité puisque l’Allemagne a investi dans le contrôle parlementaire, à la fois au niveau national et au sein du Parlement européen. Mais c’est aussi le cas en matière de coordination législative. En effet, le Bundestag dispose depuis plusieurs années d’une véritable représentation permanente à Bruxelles, alors que l’Assemblée nationale ne dispose que de deux fonctionnaires à Bruxelles. La France gagnerait à s’aligner sur le niveau allemand de contrôle et de travail en amont des textes européens, en permettant une coopération renforcée à ce sujet.

La France gagnerait à prendre exemple sur l’Allemagne en organisant avant chaque Conseil européen, un débat dans l’hémicycle précédé d’une intervention du Premier ministre s’exprimant sur les questions à l’ordre du jour. Celui auquel j’ai eu la chance d’assister jeudi dernier au Bundestag nous a tous convaincu de la nécessité d’aller dans cette voie.

Cette collaboration doit enfin être l’occasion de réfléchir ensemble et de remettre en question la fabrication de la loi, qu’elle résulte ou non d’une transposition de Directives. L’actualité nous commande, du moins en France, d’investir et de réinventer le champ de la participation des citoyens, et du rôle des élus dans le domaine législatif, et le contrôle de l’exécutif. L’Assemblée doit ainsi être un lieu d’échange inédit et fructueux sur cette problématique.

« L'enjeu est de faire passer la coopération franco-allemande dans une nouvelle dimension », disiez-vous Monsieur Schäuble. Oui, dans une nouvelle dimension assurément.  Notre jeunesse nous oblige. Notre responsabilité est immense.

Saisissons l’opportunité de cette Assemblée pour avancer ensemble sur les défis et enjeux de demain. L’Europe se transformera par notre détermination conjointe.

Je vous remercie.

Cécile Untermaier,

Députée de Saône-et-Loire,

Membre du bureau de l’Assemblée franco-allemande.

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