Séance publique: mon intervention sur la Justice du XXIe siècle

Séance publique: mon intervention sur la Justice du XXIe siècle

Projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle.

Mme Cécile Untermaier, Responsable.

 

Madame/Monsieur la/le président(e),

Monsieur le  Garde des sceaux, ministre de la justice,

Monsieur le président de la commission des Lois,

Messieurs les rapporteurs,

Chers collègues,

Le projet de loi dont notre Assemblée est aujourd’hui saisie pour la troisième et dernière fois vise, comme la loi organique  portant statut des magistrats que nous avons adoptée en juillet 2016,  à la suite d’une commission mixte paritaire conclusive, à  adapter la justice au XXIème siècle, aux exigences de notre temps, à la rendre plus efficace,  plus accessible et en meilleure correspondance avec les attentes du citoyen.

Permettez-moi de saluer une fois encore la qualité du travail effectué par nos deux rapporteurs que sont Jean-Yves le Bouillonnec et Jean-Michel Clément. Nous leurs devons beaucoup et nous les remercions dans cette dernière ligne droite qui nous mène à l’adoption d’un texte examiné à plusieurs reprises. Nous devons remercier nos collègues de la commission des lois, Colette Capdevielle,co- responsable de la première partie de ce texte, notre président de la commission des lois,  mais aussi nos administrateurs et le cabinet dans son ensemble du GDS

Quelques mots de procédure sur ce travail législatif à propos duquel notre président de la République a  exprimé l’importance d’en réduire la durée.

Le projet de loi a été examiné en conseil des ministres en juillet 2015 ; au Sénat en novembre 2015 ; à l’Assemblée nationale en mai 2016 avec vote solennel le 24 mai ; en CMP non conclusive en juin 2016 ; en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale en juillet 2016 ; au Sénat  et à nouveau dans cet hémicycle ce 12 octobre 2016. Soit un peu moins d’un an pour un texte de cette importance. Dans le même laps de temps,  nous avons adopté la loi organique portant statut des magistrats, loi articulée avec le présent projet de loi ordinaire. Le travail a été soutenu. Pourrions-nous accélérer le temps de la procédure dite accélérée ? Très certainement par une seule navette avec le  Sénat. Le va et vient finit par nous donner le tournis.

Enfin, nous sommes là devant le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture avec la possibilité très limitée d’amender le texte puisque seuls sont recevables les amendements déjà votés en commission ou en séance par le Sénat.  Je précise  cela pour éclairer le refus ou l’absence de suite que nous avons réservé à tous ceux et toutes  celles qui nous ont demandé de déposer à nouveau des amendements dans cette séance. « L’entonnoir » est très étroit dans le dernier  chemin de la fabrique de la loi. Il est bon de le rappeler à ceux qui suivent nos travaux.

II- Sur le fond, ce texte est un texte de modernisation de la justice du XXIème siècle ainsi que je l’ai dit en introduction. Il s’inscrit dans une démarche ambitieuse pour la justice, pour le service public de la justice que nous n’avons cessé de défendre ici, nous le groupe majoritaire, ainsi que le Gouvernement, avec Christiane Taubira puis Jean-jacques Urvoas.

Je passerai très vite sur la première partie du texte, nous en avons beaucoup parlé, ce n’est pas la moins importante, elle comporte nombre des dispositions qui ont  provoqué l’échec de la commission mixte paritaire  : la suppression des tribunaux pour mineurs dont la démonstration de l’inutilité n’est plus à faire, le très attendu  transfert des pactes civils de solidarité aux maires ainsi que le changement de prénom, la nouvelle procédure conventionnelle de divorce par consentement mutuel qui permettra de régler plus vite des situations de souffrance, les modalités de modification de la mention du sexe à l’état civil… saluons ici le travail de Pascale Crozon et d’Erwan Binet.

Elle comporte aussi des avancées incontestables visant à rapprocher la justice du citoyen, faciliter l’accès au  service public de la justice avec notamment le SAUJ expérimenté avec succès et désormais à généraliser, redonner leur juste place aux tribunaux des affaires de sécurité sociale  et ceux de l’incapacité en les fusionnant dans un pôle social, ces tribunaux trop longtemps laissés à la marge du service public de la justice, comme Pierre Joxe l’avait dénoncé et démontré avec force dans un ouvrage frappant nos consciences.

Je ne reviendrai pas non plus sur les mesures prises tendant à replacer le juge dans son métier de juger et l’exonérant de présidence de commissions et d’autres actes chronophages.

III- Je m’attarderai un peu plus sur la seconde partie de ce projet de loi dont on a moins parlé,  qui traite d’une part  de l’action de groupe, posant ainsi pour la première fois, les règles générales de procédure et facilitant le recours à l’action de groupe pour toutes les personnes lésées dans les domaines de la discrimination, de l’environnement, des données personnelles, etc. C’était un enjeu de justice important que de permettre l’action de groupe laquelle dans certaines circonstances est la seule en capacité de permettre la défense de nos droits et la réparation des préjudices.

Et, d’autre part, des exigences déontologiques s’imposant aux magistrats consulaires et conseillers de prud’hommes. Ces dispositions s’inscrivent en cohérence  dans la suite des textes sur la transparence de la vie publique de 2013 qui avaient ouvert la voie, à propos des principaux acteurs politiques et responsables publics, de la récente loi du 20 avril 2016 sur la déontologie et les droits et obligations des fonctionnaires qui a étendu ces exigences aux agents publics, y compris aux membres des juridictions administratives et des juridictions financières et enfin  de la loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature.

Le texte aujourd’hui en débat, soumet les juges des tribunaux de commerce  comme les conseils de prud’hommes à l’obligation de déclarer leurs intérêts auprès du président du tribunal et pour les présidents et vice-présidents de ces juridictions de  déclarer leur patrimoine auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Ces mesures ont été prises en miroir de celles de la loi organique imposant également l’obligation d’établir une déclaration d’intérêts pour tous les magistrats judiciaires et des déclarations de patrimoine adressées à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) par les plus hauts magistrats judiciaires (dont les présidents et procureurs de la République des tribunaux de première instance) ;

Depuis, le Conseil constitutionnel saisi de la loi organique a rendu  une décision le 28 juillet 2016, par laquelle il considère que l’obligation de dépôt auprès d’une Autorité administrative indépendante  des déclarations de situation patrimoniale de  magistrats a pour objectif de renforcer les garanties de probité et d’intégrité de ces personnes et qu’elle  est justifiée par un motif d’intérêt général. En revanche, il considère qu’en imposant une obligation de dépôt aux seuls plus hauts magistrats judiciaires, le législateur organique traite différemment ces magistrats des autres magistrats exerçant des fonctions en juridiction et méconnait le principe d’égalité devant la loi. Il en résulte donc que l’objectif poursuivi pour être constitutionnel devrait être appliqué à l’ensemble des juges et non à certains magistrats.

Nous avions débattu de cette question, et le principe de faisabilité nous avait poussé à  cette solution acceptable sur le plan de la stricte gestion par la HATVP. Avec 3200 juges consulaires, 15 000 conseillers de prudhommes et 8300 magistrats judiciaires, la HATVP ne pourrait répondre à une telle exigence sans un renforcement très important de ces moyens. Dans l’avenir, la numérisation permettra  peut-être de faciliter la gestion, d’autres pistes pourront être envisagées, un tirage au sort pesant sur l’ensemble des juges, la question est devant nous.

Il nous faut, mes chers collègues, tenir compte de cette décision du Conseil constitutionnel. Le fait qu’il s’agisse de juges de nature et dans des positions statutaires différentes, ne permet pas de penser que la décision du conseil constitutionnel qui ne manquerait pas d’être interrogé sur ce point, serait différente de celle rendue concernant les magistrats judiciaires.  La rupture d’égalité est tout aussi présente. Je vous proposerai de revenir à un dispositif équivalent à celui des magistrats judiciaires dans la loi organique telle qu’elle résulte l’examen par le Conseil constitutionnel.

Ainsi, ne sera conservée que la seule mesure tendant à la déclaration d’intérêt effectuée par l’ensemble des juges. La mesure déontologique la plus importante à mes yeux en ce qu’elle tend à la prévention des conflits d’intérêt dans l’acte de juger. Il ne s’agit pas de dispositions mettant en doute la probité et l’impartialité des juges, mais plus simplement une réponse à une exigence éthique attendue par nos concitoyens.

Pour conclure, mes chers collègues, Je vous invite au nom de notre groupe à adopter ce texte avec fierté et conviction. IL ouvrira la voie à de nombreuses avancées, au profit tant des magistrats que des justiciables.

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