Travailleurs détachés : une avancée, des incertitudes

Travailleurs détachés : une avancée, des incertitudes

La Directive sur les travailleurs détachés pose de longue date la question du dumping social tant sont nombreux les manquements ou contournements. C’est pourquoi diverses initiatives ont été engagées lors du quinquennat précédent (avec en particulier le travail du député Savary) pour y remédier, au plan européen comme au plan national. C'est, par exemple, l’adoption d’une proposition de loi en 2014 renforçant la lutte contre la concurrence sociale déloyale.

Comme pour toute question européenne, les gouvernements, soucieux de faire évoluer le droit, s'inscrivent dans une démarche pour aboutir à un texte de compromis. C'est ce qui a été fait par le passé, c'est ce qui est fait aujourd'hui. Le Président de la République a maintenu l’inscription de cet enjeu à l'agenda européen et obtenu un texte de compromis : cela mérite d'être dit. Il ne s'agit pas pour autant de crier victoire, parce que les interrogations et les incertitudes demeurent s'agissant d'un accord dont la portée se trouve de droit et de fait limitée.

Lors de la négociation, le gouvernement français a tout misé sur la durée du détachement, érigeant en totem le passage de 24 mois à 12 mois. Ceci est d’autant plus surprenant que la mesure risque d’être inutile quand la durée moyenne d'un détachement est de moins de 4 mois. L'accord prévoit également 6 mois supplémentaires - portant ainsi la durée à 18 mois - et son entrée en vigueur est repoussée à 2022, au mieux…Elle risque d'être  par ailleurs inapplicable dès lors qu'aucune mesure de contrôle de la durée n'a été prise contrairement à ce que nous proposions à l'Assemblée nationale.  

Surtout, l’accord exclut le transport routier et renvoie Sine Die les négociations sur le « Paquet mobilité », fragilisant ainsi l’application du principe fondamental « à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail » dans le secteur du transport routier. En l'état, ce compromis non seulement entérine les conditions d'un dumping social dans les transports, mais il créée une discrimination entre les travailleurs détachés selon leur secteur d’activité. Un autre chemin était pourtant possible, comme l’ont montré  les eurodéputés de notre majorité en contribuant la semaine dernière à faire adopter au Parlement une position qui ne sacrifiait pas les routiers.

Cette Directive représente l'expression négative de l'Europe, d'une Europe de la concurrence déloyale et du dumping social. 

 

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