#Débat citoyen

Retour sur l'Atelier législatif citoyen consacré à la fin de vie

Retour sur l'Atelier législatif citoyen consacré à la fin de vie

Lundi dernier s’est tenu à Tournus l’Atelier législatif citoyen (ALC) sur le projet de loi fin de vie, en présence de nos intervenants, la Docteure Pascale Seynaeve, cheffe du service des soins palliatifs en Saône-et-Loire ainsi que des membres de son équipe, Sylvie Longeon-Curci, déléguée pour le Rhône et la Métropole de Lyon de l’Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité (ADMD), Julien Auriach, professeur de philosophie et réalisateur du podcast sur l’aide à mourir « pentobarbital », ainsi que le président et l’ancien président du conseil de l’ordre des médecins de Saône-et-Loire.  

Après une présentation de la législation actuelle et des principales mesures du projet de loi, chaque intervenant a présenté sa position, puis s’en est suivi un débat avec l’audience. La qualité des interventions a contribué à l’esprit constructif et apaisé de cet atelier difficile sur le plan éthique et émotionnel, et permettra d’alimenter les débats à l’Assemblée nationale.

Il est apparu incontournable de renforcer les soins palliatifs et pour les professionnels de santé dans leur majorité, de mettre en oeuvre et consolider le dispositif législatif existant avant d’ouvrir la voie de  l’aide active à mourir. L’offre de soins palliatifs ne permet de prendre en charge qu’une personne en ayant besoin sur deux, 22 départements ne disposent pas d’une offre hospitalière en soins palliatifs et ceux en disposant sont sous-dotés en lits, l’offre à domicile est également sous-dimensionnée, et la formation des personnels insuffisante, tout cela alors que les besoins augmentent fortement. 

L’ouverture de nouvelles « maisons d’accompagnement » semble déconnectée de la réalité du territoire. En outre, alors que le texte prévoit un accompagnement en fin de vie plus global, cet objectif est en réalité déjà satisfait selon notre auditoire, depuis des années grâce aux soins physiques, psychiques, sociaux et spirituels menés par les équipes de soins palliatifs. Je tiens ici à leur exprimer ma reconnaissance pour leur travail difficile et tant attendu et espéré par une population en souffrance.

D’après les témoignages des soignants, la demande d’aide à mourir n'est pas exprimée par le malade en  soins palliatifs. La sédation profonde et continue prévue actuellement comme la fin de l'acharnement thérapeutique portée par la loi de 2002, peuvent répondre à cette question fondamentale de mettre fin à sa vie dans des conditions très encadrées. 

Admettons tous ensemble que le contexte de santé publique en France qui comprend un hôpital en très grande difficulté financière et en manque de personnel, malgré la très grande compétence des professionnels présents, des EPHAD hors de prix et à l'image abimée par les dernières affaires de type Orpéa, les déserts médicaux et des services d'urgence débordés... peut laisser penser que ce texte viendrait finalement régler par défaut ces carences. Il est vrai que la Suisse propose un service de santé public de meilleure qualité, ouvert à tous et a pu sans réserve de cette nature, s'être engagée dans cette voie possible.  Mais ne diabolisons pas, mesurons en revanche l'importance d'apporter les garanties attendues de nature éthique à cet important sujet. 

Pour l’ADMD, l’accès universel aux soins palliatifs est également une demande pressante pour l’association, mais elle défend depuis des années  la légalisation de l’aide active à mourir, considérant que les moyens légaux actuels ne sont pas suffisants et fait valoir les résultats de la Convention citoyenne sur la fin de vie dont 76% des membres se sont exprimés en faveur de ce dispositif. Elle propose notamment de supprimer l'échéance à court ou moyen terme du pronostic vital, difficile à apprécier pour le corps médical.

Enfin, le professeur Auriach a rappelé les risques de dérives de l’ouverture à l’aide active à mourir, comme cela a été relevé en Oregon, Belgique ou encore Canada, avec un risque d’élargissement du champ d’application de la loi par la pratique. Le danger ici pointé est celui consistant à fermer les yeux sur les conditions de vies des personnes qui sont susceptibles de demander l’euthanasie ou le suicide assisté, à savoir les personnes malades, âgées, handicapées, précaires et isolées. Cette question fondamentale est au coeur de l'éthique que doit comporter ce texte de loi. Quelles sont les garanties apportées par le législateur pour que la décision de l'aide à mourir résulte d'un libre choix et non d'un choix résultant d'une pression extérieure ou intérieure. Cette alternative à la vie ne doit pas signifier le chemin possible pour éviter des frais d'hébergement en EPHAD, obligeant les enfants si les ressources de la personne âgée sont insuffisantes et les frais collectifs de l'assurance maladie, que la société pourrait considérer comme excessifs. Cette alternative ne doit pas être celle des personnes isolées et précaires.

Le débat avec le public s’est ensuite ouvert. Ce dernier s’est montré en majorité, plutôt en faveur de l’évolution législative, et a émis plusieurs propositions. Des amendements citoyens seront ainsi déposés, en particulier sur la mise en place d'un comité d'éthique local, d'une transparence dans la mise en application de ce dispositif comme du précédent, de garanties  d'accès aux soins palliatifs, ( développement des unités mobiles de soins palliatifs, venant au domicile de la personne malade), de soutien aux aidants, de suppression des maisons d'accompagnement, ( leurre d'une structure nouvelle sans moyens dans un contexte de santé publique très préoccupant avec un hôpital public en très grande difficulté financière et des déserts médicaux partout en France).  

Je renouvelle mes remerciements aux intervenants et aux personnes présentes pour les échanges de points de vue, nourrisant ainsi le débat public.