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La proposition de loi constitutionnelle de La France insoumise (LFI) visant à instaurer un droit de révocation des élus a été examinée en séance publique

La proposition de loi constitutionnelle de La France insoumise (LFI) visant à instaurer un droit de révocation des élus a été examinée en séance publique

La semaine dernière, la proposition de loi constitutionnelle visant à instaurer un droit de révocation des élus déposée par La France insoumise (LFI) a été examinée en séance publique, mais n'a pas été adoptée.

Pour rappel, le mécanisme envisagé est celui d’un référendum d’initiative citoyenne à l’issue duquel pourraient être révoqués les élus : président de la République, parlementaires et élus locaux. L’initiative pourrait être engagée à partir du tiers de la durée totale du mandat. Une pétition référendaire devrait réunir un pourcentage suffisant du corps électoral d’origine. Lors de la procédure, l’élu aurait la possibilité de défendre son bilan. La majorité des votes serait nécessaire pour obtenir la révocation. 

J'ai, pour ma part, exprimé des réserves sur ce texte qui risquerait de produire des effets contreproductifs :

"Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Rapporteur,

Mes chers collègues, 

1/ Un Français sur deux ne connait pas son député, 4 Français sur 10 remettent en question l’utilité de l’Assemblée nationale. L’abstention ne fait qu’augmenter, atteignant des chiffres terrifiants aux élections régionales avec plus de 65% d’abstention.  Le diagnostic d’une crise de la démocratie est posé depuis longtemps.  La défiance de la société civile à l’égard des gouvernants trouve en partie ses racines dans le fonctionnement actuel de nos institutions : exécutif fort, fait majoritaire, centralisation des décisions par l’administration, faiblesse du Parlement… Les citoyens y voient un mépris de leurs préoccupations et de leur expression par le vote. 

2/ Nous sommes d’accord sur le constat. Mais le remède ici proposé, à savoir la révocation d’un élu en cours de mandat, par référendum, appelle plusieurs observations :  

a) Les référendums décisionnels sont prévus par la Constitution qui définit leur objet. Il n’est pas fait mention de révocation des élus, ni de référendum pouvant porter une telle action. C’est donc bien une proposition de loi de nature constitutionnelle qui devait être déposée. 

b) Ce dispositif très discuté en ce moment, en particulier depuis les gilets jaunes, existe dans d’autres pays.  Aux Etats Unis par exemple avec la procédure du Recall, très éloignée de ce que vous proposez et qui s’inscrit dans un tout autre contexte. Il en est de même de la Suisse qui dispose d’un système de révocation collective d’une assemblée, sur la base d’une pétition citoyenne. 

c) Ce mécanisme, c’est la critique la plus fréquente, risque de provoquer une instabilité permanente. Il est sain dans une démocratie que les élus puissent aller au bout de leur mandat. A l’issue de ce dernier, les électeurs ont la liberté de reconduire les sortants, ou pas. Je crains que l’émergence progressive en France de haine et de défiance contre les élus trouve ici un terreau pour l’enrichir. 

d) Le temps long du travail de l’élu est une nécessité et une garantie de politiques de qualité. Cette nouvelle temporalité fait peser le risque que ce dernier soit dans la seule recherche de satisfaction à court terme de son électorat. 

e) Une telle procédure de révocation pourrait conduire les élus à gouverner à vue avec comme objectif principal de ne pas déplaire. C’est une façon d’introduire le mandat impératif, contraire à notre Constitution, remettant en question le principe de la liberté d’appréciation. 

Ainsi, pour répondre à la désertion des urnes, on demanderait aux citoyens d’y retourner, avec l’idée que ce n’est pas forcément pour une période de 5 ou 6 ans qu’il choisit un candidat. Est-ce le meilleur moyen d’inciter à bien peser son choix ? Et, ce doute mis en avant sur l’engagement des élus est-il le meilleur moyen de redonner confiance dans les et la politique ? 

3/ Des réponses à l’affaiblissement de la représentativité doivent être mises en œuvre. 

a) Le non-cumul des mandats que nous avons voté en 2014 participe pleinement de cette exigence que nous devons à nos électeurs, un mandat lisible dénué de conflits d’intérêt laissant au député toute latitude pour développer sur le territoire des outils de participation, d’association des citoyens. Je pense aux ateliers, au jury citoyen et au référendum local qui pourrait être aussi dans la main du parlementaire.

b) Je pense aussi à une réelle articulation du travail entre les élus locaux et nationaux quelle que soit l’appartenance politique des uns et des autres. Il nous faut pour cela franchir le gué que nous oppose les gouvernements, jaloux de leurs prérogatives. Le contrôle de l’application des textes que nous avons votés in situ doit devenir une réalité et pour cela la loi doit nous aider à aller dans les préfectures mais aussi les assemblées d’élus et les tribunaux pour apprécier l’application des textes votés. 

Encore faut-il pour conserver la confiance dans la démocratie délibérative, qu’il n’y ait pas de décalage monstrueux entre l’attente exprimée (Grand débat, convention citoyenne pour le climat etc.) et les décisions prises ensuite, tout du moins sans une explication claire et contradictoire. Où est la coïncidence entre ce que l'on a sous les yeux et la réponse politique ?  Mais, la révocation n’est pas une des solutions

En conclusion : Nul doute qu’il nous faut trouver des mécanismes pour améliorer la représentativité des élus et faire réponse aux attentes, en particulier de la jeunesse. Il est urgent de renforcer la responsabilité politique de l’Assemblée nationale. Les articles 49 et 50 de la Constitution posent le principe de la responsabilité gouvernementale et la démission est collective. Le fait majoritaire rend quasi inopérante cette disposition. C’est pourquoi nous devons travailler, dans le cadre d’une révision constitutionnelle prochaine, à la mise en œuvre d’une responsabilité individuelle des ministres devant l’Assemblée nationale, une procédure bien sûr encadrée, mais de nature à changer le regard porté par l’exécutif sur le pouvoir législatif et celui des citoyens sur leur assemblée nationale.  

Notre groupe votera contre cette proposition de loi posant le principe de la révocation."

Le texte a finalement été rejeté par l'Assemblée nationale.