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Mesdames et Messieurs les Députés, Monsieur le ministre,

Je viens défendre devant vous le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises. Ce projet est en droite ligne des exigences de l’Union européenne. Rappelons que c’est à partir de novembre 2006 que la Commission européenne a lancé l’action de mise en œuvre par les Etats membres d’une réduction de 25% à l’horizon 2012 des charges administratives pesant sur les entreprises. Des réformes de simplification des obligations pesant sur les sociétés ont été entreprises dès 1994 au Pays-Bas, 1999 en Belgique, puis ont été élaborées avec réussite à partir de 2005 au Royaume-Uni, 2006 en Allemagne et 2007 au Danemark. L’ensemble de ces pays ont atteint l’objectif de réduction de 25 % défini par l’Union. Ils se sont engagés dans de nombreux projets de simplification par le biais des technologies de l’information (TIC) et de la communication. En Belgique, par exemple, les TIC ont constitué un outil essentiel pour le plan d’action sur la réduction des charges administratives des entreprises. À partir du principe « dites-le nous une fois », une banque de données carrefour des entreprises a été mise en place afin de centraliser les informations détenues par les administrations permettant d’éviter qu’une administration demande à une entreprise de fournir une information qu’une autre administration détient déjà.
La doctrine juridique et économique française avait elle-même souligné dès les années 1990 le danger d’une trop grande transparence, c’est-à-dire obligations d’informations légales pesant sur les entreprises. Cette transparence desservirait le jeu normal de la concurrence entre les entreprises, ce qui explique que beaucoup de petites entreprises préfère payer une amende plutôt que de communiquer des informations qui porteraient atteinte à leur activité. De plus, toutes ces obligations ont un coût : les petites entreprises sont parfois contraintes de créer un service entièrement consacré aux obligations administratives afin de se retrouver dans le méandre administratif, constituant une charge supplémentaire. Si l’information représente « le fluide vital du capitalisme », il convient donc d’en diminuer le poids administratif. La crise économique que traversent les pays industrialisés impose également un certain recul de l’obligation d’informations, notamment en ce qui concerne la fin de vie de la société, et avant elle, de la publicité de sa santé financière. Cela intéresse les procédures collectives qui se sont largement multipliées depuis le début de la crise. La publication de nouvelles financières concernant la santé d’une entreprise victime de problèmes financiers peut entraîner des conséquences désastreuses pour ses activités, et notamment la rupture du crédit-fournisseur vital pour sa prorogation.
La réaction de la France ne s’est donc pas faite attendre, contrairement aux résultats attendus des nombreuses lois de simplification adoptées depuis 2003. En effet, depuis cette année 2003, six lois de simplification du droit et des démarches administratives ont ainsi été promulguées :
– la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ;
– la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit ;
- la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit ;
- Loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures
- Loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit
- la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives.
Seules les lois de 2009 à 2012 concernent précisément le cas des entreprises. Or, le bilan des actions de simplification menées à destination des entreprises n’est guère favorable. Selon l’évaluation établie par le secrétariat général à la modernisation de l’action publique (SGMAP), en mars 2013, sur 348 mesures de simplification engagées en faveur des entreprises depuis 2009 :
- 12 mesures ont été bloquées
- 90 mesures seraient toujours « en cours »
- 145 mesures sur lesquelles il reste difficile de se prononcer, leur suivi ayant été réparti sur plusieurs ministères
- 101 mesures seraient réalisées (soit 29 % des mesures engagées)
            La simplification du droit a souffert d’avoir été intégrée au sein de la révision générale des politiques publiques (RGPP). L’absence de cohérence et de pilotage rationnel de cette réforme, ces carences ayant d’ailleurs été soulignées dans le rapport remis en septembre 2012 par les trois inspections générales – inspection générale de l’administration (IGA), inspection générale des finances (IGF) et inspection générale des affaires sociales (IGAS), a été préjudiciable à la simplification. De nombreux chantiers de simplification se sont enlisés, faute d’étude d’impact et d’expertise suffisante sur leur condition de faisabilité. C’est le cas de la réforme emblématique : « Dites-le nous une fois ». Ce chantier, initié depuis plus de quatre ans sous la précédente législature, s’est poursuivi tant bien que mal.
Le bilan de la simplification du droit à la française est donc globalement négatif. C’est dans ce contexte défavorable que la simplification a été entreprise par la majorité socialiste, à partir de méthodes innovantes. Suivant les termes du Président de la République, le Gouvernement a souhaité engager un véritable « choc de simplification », de nature à leur permettre de se libérer de certaines tâches administratives pouvant être modernisées, se concentrer sur le cœur de leur activité et, par l'allègement de leurs charges, leur permettre de gagner en compétitivité. Tout en lançant dès l’automne 2012, au titre du Pacte de compétitivité, de croissance et d'emploi, sept chantiers prioritaires de simplification, dont le chantier de suppression des redondances de demandes d'information adressées par l'administration aux entreprises, le Gouvernement a organisé au premier semestre 2013 une vaste concertation des entreprises afin d'identifier les facteurs clés de progrès en ce domaine. Cette concertation entre les acteurs concernés qui était fortement encouragée par le rapport de Thierry Mandon, a incontestablement permis d’éviter les terribles erreurs commises par le Gouvernement précédent dans la mise en œuvre de la RGPP. Les erreurs du passé ne seront donc pas réitérées grâce à la mise en place d’une nouvelle méthode permettant d’aller chercher à la source, auprès des premiers acteurs concernés, les véritables difficultés et de les identifier avec eux directement.
Le pilotage politique et l’interministérialité du processus ont également été renforcés. Son instance décisionnelle, le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP), qui réunit l’ensemble des ministres, est présidé par le Premier ministre. Il se réunit tous les trois mois. Au niveau administratif, le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) a été créé par le décret du 30 octobre 2012, et est placé sous l’autorité du Premier ministre. Il regroupe l’ensemble des services en charge de la politique de modernisation de l’action publique, jusqu’alors dispersés, et instaure une nouvelle cohérence dans la conduite de cette politique.
C'est sur la base du rapport intitulé « Mieux simplifier-la simplification collaborative » remis au début du mois de juillet 2013 au Gouvernement par Thierry MANDON que, lors de sa réunion du 17 juillet 2013, le Comité interministériel de modernisation de l'action publique a arrêté un programme triannuel de simplification de la vie des entreprises, couvrant les différents aspects de leur activité. Plusieurs objectifs sont fixés permettant ainsi de disposer d’un cap bien déterminé afin de supprimer dans les trois ans 80 % des coûts des entreprises liés à la complexité et à la lenteur des procédures, tout en simplifiant le travail des administrations faire évaluer chaque année par la Cour des comptes l’efficacité du plan d’actions annuels déclinant le programme triennal. Le projet de loi d’habilitation aujourd’hui présenté devant vous constitue une réponse efficace à toutes ces carences et une solution pragmatique aux problèmes soulevés par les entreprises.
Le projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnances un ensemble de mesures destinées à simplifier et sécuriser la vie des très petites entreprises (TPE), ainsi que les obligations d’établissement des comptes des petites entreprises. Cet article habilite le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi visant à permettre le développement de la facturation électronique dans les relations de l’État, des collectivités territoriales, et de leurs établissements publics, avec leurs fournisseurs. Il est à relever que les services de l'Etat reçoivent ainsi pas moins de 4 millions de factures chaque année. Factures qui sont imprimées, mises sous plis, affranchies, triées : autant de traitements manuels à faible valeur ajoutée et qui représentent un coût significatif, aussi bien pour les entreprises que pour l'Etat et, pour la gestion des factures qui leur sont destinées, pour les collectivités territoriales. Les nouvelles technologies offrent l'opportunité de progresser vers une relation plus efficace et moins coûteuse.
Toujours à partir de l’usage de ces nouvelles technologies, le projet de loi vise à établir un cadre juridique sécurisé pour le financement participatif, qui est un mode de financement de projets innovants ou de création reposant sur la collecte d’apports financiers d’un grand nombre de particuliers par l’intermédiaire de plateformes sur internet. Des projets spécifiques pourront ainsi être financés par de nombreuses personnes, principalement par l'intermédiaire de sites internet, permettant d'offrir, en particulier aux PME et aux jeunes entreprises innovantes, un outil de financement complémentaire. On retrouve ici ce qui fait l’essence de notre engagement politique socialiste, à savoir la coopération entre tous les acteurs publics comme privés par la refondation d’une véritable solidarité et d’une entraide essentielle à la réalisation de grands projets économiques pour notre pays.
Le projet de loi touche également directement au droit du travail. La recherche d’une meilleure harmonie dans les relations entre l’entrepreneur et le salarié passe par un effort de simplification des obligations administratives. À ce titre, est organisée par le projet de loi une nouvelle conciliation entre la simplification des obligations faites aux employeurs en matière d’affichage et de transmission de documents à l’administration et la volonté réaffirmée de préserver la bonne information des salariés et le contrôle de l’inspection du travail. Ainsi la loi clarifie les règles applicables à la rupture du contrat de travail pendant la période d’essai, en précisant l’articulation entre deux exigences : le respect d’un délai de prévenance avant de mettre fin à la période d’essai et le fait que le délai de prévenance ne peut pas avoir pour effet de prolonger la durée de la période d’essai. Le projet de loi ici présenté permet d’allier harmonieusement la protection des salariés, la transparence légale des entreprises et l’efficacité économique.
Enfin, dans le prolongement des missions parlementaires sur les procédures collectives et la justice commerciale, le projet de loi prévoit de nouvelles orientations gouvernementales en matière de traitement des entreprises en difficulté, tout en mutualisant les bonnes pratiques entre les juges consulaires. C’est à juste titre que le projet de loi cherche à favoriser le recours aux procédures de prévention, notamment en permettant au président du tribunal de grande instance de recourir au mécanisme de l’alerte. Dans le même sens, la loi favorise la recherche de nouveaux financements de l’entreprise bénéficiant d’une procédure de conciliation et améliore les garanties pouvant s’y rattacher.
Conformément aux souhaits exprimés par la mission parlementaire sur la justice commerciale, le projet vise à promouvoir, en cas de procédures collectives, la recherche d’une solution permettant le maintien de l’activité et la préservation de l’emploi, par des dispositions relatives notamment à une meilleure répartition des pouvoirs entre les acteurs de la procédure, au rôle des comités de créanciers, à l’amélioration de l’information des salariés et aux droits des actionnaires. Ce texte renforce la transparence et la sécurité juridique du droit des entreprises en difficulté, notamment en complétant les critères de renvoi d’une affaire devant une autre juridiction, en améliorant l’information du tribunal et en facilitant la prise en compte par celui-ci d’autres intérêts que ceux représentés dans la procédure en précisant les conditions d’intervention et le rôle du ministère public et des organes de la procédure.
Si toutes ces mesures vont dans le bon sens, la présidente de cette mission parlementaire se permet se souligner que quelques efforts doivent encore être effectués en direction de la prévention des conflits d’intérêts et des procédures d’alerte. On aurait pu s’attendre à trouver ces exigences dans le présent projet de loi plutôt que de les disperser en les inscrivant dans un futur texte dont nous attendons  toujours le dépôt à l’Assemblée nationale. Par ailleurs, dans le cas où une liquidation s’avèrerait incontournable, le projet de loi ne droit pas oublier l’absolue nécessité de garantir une meilleure transparence de l’évaluation et de la liquidation des actifs d’une société par les mandataires financiers. Trop souvent, la vente des actifs, qui est pour le chef d’entreprise un véritable traumatisme, s’effectue dans l’opacité, à un coût nettement inférieur à celui du marché et ne permet pas à l’entrepreneur qui en est victime de combler son passif et de redémarrer une nouvelle activité.
Pour conclure, je tiens à rappeler toute l’importance de la loi dans notre État de droit. Cette importance découle évidemment de l’élection au suffrage universel des parlementaires qui sont les premiers représentants du peuple français. C’est pourquoi, j’insiste sur la nécessité d’associer les parlementaires, par le biais d’un groupe de travail, au suivi de la rédaction de ces ordonnances, et ce d’autant plus que ces textes seront rédigés à partir de rapports rendus par des missions parlementaires. L’expertise nationale des élus de la Nation est plus que jamais indispensable à la réalisation de nos réformes politiques.
Et comme disait Antoine de Saint-Exupéry, « La vérité, ce n'est point ce qui se démontre, c'est ce qui simplifie. ». Je vous demande alors d’adopter ce projet de loi de simplification au nom de la vérité des besoins et des exigences de notre société et de ses acteurs.

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