Egalité salariale : enfin des sanctions

 



Les salaires des femmes demeurent aujourd’hui inférieurs de 27 % à ceux des hommes : ce seul chiffre vaut constat d’une inégalité salariale qui perdure. Le « plafond de verre » reste lui aussi d’actualité : les femmes occupent moins d’un tiers des postes d’encadrement dans les entreprises et elles ne représentent que 17% des dirigeants salariés d’entreprise.

Pourtant, la législation en faveur de l’égalité professionnelle compte déjà presque un demi-siècle d’histoire. Rappelons seulement trois dates clés : en 1972, le principe de l’égalité salariale est inscrit dans le code du travail, assurant la transcription juridique de la revendication « à travail égal, salaire égal ». En 1983, la loi Roudy institue l’obligation du rapport de situation comparée (RSC), outil de diagnostic des inégalités professionnelles et salariales entre les femmes et les hommes dans l’entreprise. En 2011, dans un rapport d’information consacré à l’application des lois sur l’égalité professionnelle au sein des entreprises, la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale dresse un constat éloquent : moins de la moitié des entreprises réalise un RSC et quasiment jamais ce rapport n’est utilisé pour réaliser un plan d’action pour l’égalité salariale.

Le constat est sans appel : l'incitation seule ne suffit pas. Il ne reste donc qu'une solution face à l’inertie : sanctionner. C’est pourquoi, après des mois de discussion, l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a institué pour la première fois une sanction financière équivalant à 1 % des rémunérations et des gains à l’encontre des entreprises d’au moins 50 salariés qui n’auraient pas conclu d’accord d’égalité professionnelle. Cette sanction avait fait naître un réel espoir. Hélas, le décret d’application paru le 7 juillet 2011 y a mis fin. Il avait d’ailleurs été unanimement rejeté par le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle. Nous avions malheureusement raison: à ce jour, aucune sanction n’a été prononcée à l’encontre d’une entreprise n’ayant pas conclu d’accord ou réalisé de plan d’action. Lors de l’examen du projet de loi sur la création des emplois d’avenir par l’Assemblée nationale, en septembre dernier, nous avons toutefois pu remédier à certaines lacunes du droit. Un amendement adopté par l’Assemblée prévoit que dans les entreprises d’au moins 300 salariés, le défaut d’accord est attesté par un procès-verbal de désaccord, redonnant ainsi la priorité à la négociation sur le plan unilatéral. Mais il fallait aller plus loin.

La volonté gouvernementale, énoncée en juin par Jean-Marc Ayrault et Najat Vallaud-Belkacem, de réécrire le décret controversé a offert l’espoir d’une avancée pour tous les partisans de l’égalité professionnelle et salariale. Parce que la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale a toujours veillé au sujet, elle s’est tenue informée de l’élaboration du nouveau décret. Il devrait enfin permettre le progrès : le projet présenté au Conseil supérieur de l'égalité impose aux entreprises d’inclure obligatoirement le champ de la rémunération dans leur accord collectif ou leur plan d’action. Il prévoit aussi l'envoi obligatoire des accords et plans d’action auprès de l’administration du travail. Cela permettra un recensement exhaustif et rapide des accords et plans, et le contrôle sur pièces.

Nous pensons toutefois qu’il faut aller plus loin sur la question du contrôle des entreprises : préciser le délai de dépôt des plans et accords, les modalités du contrôle lui-même. Une circulaire devra y pourvoir. La question des moyens dévolus à l’inspection du travail reste aussi posée : un examen utile des documents déposés suppose une prise en considération qualitative des objectifs fixés au sein de l’entreprise et des résultats progressivement atteints, et pas uniquement la constatation du dépôt ou non des documents. Si la menace de la sanction est nécessaire, elle ne suffit pas : elle doit être assortie de moyens pour être effective et enfin parvenir à l’égalité professionnelle. A l’heure où l’on permet aux entreprises de bénéficier du Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi, nous sommes en droit d’attendre qu’elles s'engagent à améliorer notamment la qualité des emplois occupés par les femmes et à réaliser, dans un court délai, l'égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes, en panne... en dépit de 40 ans de législation.

Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux Droits des femmes de l’Assemblée nationale, députée (SRC) de la Vienne
Cécile Untermaier, députée (SRC) de la Saône-et-Loire


Pascale Crozon, députée (SRC) du Rhône
Sophie Dessus, députée (SRC) de la Corrèze
Martine Faure
, députée (SRC) de la Gironde
Edith Gueugneau, députée (SRC) de Saône-et-Loire
Martine Lignières-Cassou, députée (SRC) des Pyrénées-Atlantique
Ségolène Neuville, députée (SRC) des Pyrénées-Orientales
Maud Olivier, députée de l’Essonne
Monique Orphé, députée de la Réunion
Barbara Romagnan, députée (SRC) du Doubs
Christophe Sirugue, député (SRC) de la Saône-et-Loire

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