#Administration pénitentiaire

Justice : audition de la Conférence nationale des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation

Justice : audition de la Conférence nationale des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation

Les membres socialistes de la commission des Lois ont auditionné cette semaine la Conférence nationale des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation (CNDPIP) au sujet de la situation des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP).  

Les SPIP, services à compétence départementale qui interviennent sur l’ensemble de la population placée sous-main de justice, tant en établissement pénitentiaire qu’en milieu ouvert (principal milieu géré par les SPIP), œuvrent à prévenir la récidive et à garantir une meilleure réinsertion. 

Ces services restent toutefois méconnus, voire incompris des citoyens. Replacer la probation (pour les affaires délictuelles) au centre de la politique de réinsertion et faire plus de pédagogie est nécessaire. L’administration pénitentiaire ne se résume pas au milieu fermé : 170 000 personnes exécutent leur peine dehors, soit bien plus qu’en milieu fermé. Il est également reconnu que la peine de probation est plus efficace pour lutter contre la récidive et assurer une meilleure réinsertion. 

Cela nécessite plus de moyens, à commencer par une revalorisation statutaire et indemnitaire des directeurs de ces services, qui ont vu une montée en compétences et en responsabilités de ce corps depuis sa création en 2005, sans qu’aucune reconnaissance n’ait été actée depuis. Le corps a perdu en attractivité, il manque actuellement 90 directeurs en France. 

Les recrutements massifs de conseillers d’insertion et de probation doivent continuer. Ces derniers se voient confier entre 60 et 250 personnes, loin de la norme de 60 personnes par conseiller, alors que les missions dévolues aux SPIP se multiplient à raison de l’accroissement des aménagements de peines et des alternatives à l’incarcération.

La réinsertion nécessitant une approche pluridisciplinaire, des psychologues et des assistants sociaux pourraient aussi être utilement recrutés. Par ailleurs, un investissement dans la recherche permettrait une analyse efficace des facteurs réduisant la récidive afin d’appliquer les peines les plus adaptées. 

Les moyens doivent enfin être augmentés pour l’hébergement, l’équipement informatique et un meilleur accès à la culture. Le groupe déposera des amendements lors de l’examen du projet de loi de Finances pour 2023 en suivant les suggestions ainsi exprimées. 

La CNDPIP a fait valoir la nécessité de simplifier l’échelle des peines, aujourd’hui incompréhensible pour les citoyens, ainsi que leur mise en œuvre. Il est proposé de créer trois peines : une peine d’amende, une peine de probation et une peine de prison. Concernant la probation, le juge pourrait prononcer la culpabilité de l’auteur, laisser les SPIP, experts en peines en milieu ouvert, évaluer la peine la plus adaptée et la proposer au juge, qui sera décisionnaire. Les modalités pratiques de mise en œuvre des peines pourraient être laissées à la main des SPIP, désengorgeant ainsi le travail des magistrats. 

Les directeurs des SPIP demandent également un renforcement du lien de confiance avec les magistrats, lesquels, également en nombre insuffisant, ne se saisissent pas toujours des mesures alternatives à la prison existantes. Les magistrats qui font confiance aux directeurs d’établissements pénitentiaires pour mettre en œuvre les peines prononcées doivent faire de même avec les directeurs de SPIP qui ont la responsabilité d’évaluer et de mettre en œuvre les peines en milieu ouvert. Au surplus, la situation de surpopulation carcérale - 118 % de densité carcérale en juin 2022- oblige le juge à décider de la peine en responsabilité et en prenant en considération les conditions d'incarcération ne facilitant pas l’effort de réinsertion. 

Dans cette logique, la détention provisoire pour les affaires délictuelles doit également être limitée, à la fois dans son champ d’application et dans son renouvellement. Cette dernière représente 30 % des personnes détenues alors qu’elles n’ont pas encore été reconnues coupables. Restreindre les cas où elle s’applique, réduire sa durée et limiter, voire interdire son renouvellement, et favoriser dans le même temps l’assignation à résidence sous surveillance électronique permettrait de tendre vers une meilleure réinsertion, tout en diminuant drastiquement la surpopulation carcérale. La définition des modalités pratiques d’assignation à résidence pourrait devenir de la compétence des SPIP. 

Les directeurs de SPIP ont enfin exprimé leur besoin d’un pilotage des mesures en milieu ouvert plus efficace avec les associations. Si leur valeur ajoutée est indéniable, ces dernières ne peuvent prendre en charge les publics sous-main de justice de manière complètement autonome et déconnectée de l’expertise et de la déontologie des SPIP, alors que cette mission relève du service public. D’autant que les SPIP ne connaissent pas toujours les habilitations des associations. Au fait des mesures devant être appliquées, ils devraient pouvoir habiliter eux-mêmes les associations et se voir attribuer une partie du budget aujourd’hui dédié aux associations pour une mise en œuvre plus efficace des mesures. 

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