Le mot de la Députée

Le mot de la Députée

« C’est par la démultiplication des formes d’expression des citoyens que l’on répondra à la crise de la représentation » affirme l'historien Pierre Rosanvallon. Le Grand Débat est l’une de ces formes d’expression ayant permis aux citoyens de faire émerger certains sujets, dont les parlementaires doivent aujourd’hui s’emparer. Car la démocratie, ce n’est pas les élus contre les citoyens, mais les élus avec les citoyens.

Nous n’avons pas attendu ce Grand Débat pour nous soucier de l’utile participation citoyenne aux décisions publiques. Dès l’examen du projet de loi de révision constitutionnelle, en 2018, j’ai défendu en vain, la mention, dans la Loi fondamentale, de l’obligation faite aux députés, représentants du peuple, de favoriser et garantir l’expression citoyenne. Derrière ces quelques mots, c’est en réalité une nouvelle démocratie qui se dessine, une démocratie représentative augmentée d’espaces démocratiques offerts aux citoyens.

Au niveau national, il s’agit ainsi de finaliser notre proposition de pétition citoyenne, permettant l’inscription à l’agenda parlementaire d’un débat ou d’une proposition de loi; d’abaisser les seuils actuellement requis dans la Constitution pour organiser un référendum d’initiative partagé; d’associer les citoyens tirés au sort aux décisions de répartition de la dotation de l’Etat réservée aux associations. Ces propositions sont désormais étudiées avec un peu plus d’attention par le Gouvernement. Nous le devons à la mobilisation des Gilets Jaunes, et au Grand Débat qui s’en est suivi.

Mais, le rôle du député est aussi local et il importe que la Constitution le précise. La mise en place d’Ateliers législatifs citoyens et de Conseils citoyens dans notre conscription dès 2012 a été la traduction concrète de ma volonté de favoriser l’expression citoyenne. Tous les citoyens n’ont pas envie de débattre, mais celui qui veut s’exprimer doit pouvoir le faire.  

C’est dans cet esprit que la réorganisation territoriale d’un Etat fort et présent dans nos campagnes, doit se faire en complémentarité avec les parlementaires. Nous sommes en bonne voie avec quelques ouvertures permettant aux députés d’être présents dans les commissions départementales. C’est au bénéfice de tous que cette orientation doit être amplifiée.

C’est pourquoi, la réduction du nombre de députés me paraît un très mauvais signal. Il s’agit d’un engagement électoral trop démagogique pour ne pas exiger une réflexion au fond. Le Grand Débat a fait émerger cette demande de proximité de l’élu national. Il a permis aussi de faire comprendre que cette mesure serait sans effet sur le pouvoir d’achat comme sur les autres priorités exprimées. En revanche, elle renforcerait un exécutif technocratique et parisien.

Le samedi 30 mars, une grande manifestation sur le livre politique s’est tenue à l’Assemblée nationale et j’y participais en tant que membre du jury du livre politique.  Les intervenants ont majoritairement tenu des propos très pessimistes, en faisant valoir la peur dans laquelle se trouve la société, au regard des défis majeurs que sont le réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité, le numérique, la mondialisation, et l’impuissance ressentie de l’Etat. Ces défis majeurs ne doivent pas nous paralyser, mais au contraire nous conforter dans la nécessaire adaptation de nos institutions aux demandes des citoyens du XXIème siècle.

Selon la philosophe Myriam Revault d’Allonnes, primée pour son œuvre lors de cette journée, « le risque inhérent à la démocratie » est d’être « nécessairement imparfaite et vouée à l’inachèvement ». Avec les citoyens, nous devons œuvrer à son perfectionnement.

Cécile Untermaier

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