[video] Mission de réflexion sur l'avenir de nos institutions





1) Le Président de la République doit être une autorité du long terme, mais pas seulement. Le Président doit également remplir une fonction d’arbitrage entre les pouvoirs publics, davantage qu’une fonction de gouvernement. Pour garantir cette dimension d’arbitre, il convient de lui enlever la présidence du Conseil des ministres, mais de lui maintenir l’initiative du référendum.

2) L’ensemble des institutions publiques, Parlement et pouvoir exécutif, doivent avoir une vision à long terme. Les assemblées parlementaires pourraient d’ailleurs disposer d’une commission du long terme réunissant majorité et opposition pour discuter de manière prospective sur les effets des réformes discutées, mais aussi, et surtout, pour préparer les grands chantiers d’avenir et les grands enjeux exigeant des réflexions et des tractations longues et complexes (écologie, refonte fiscale, taxe Tobin, réformes des institutions, etc.).

3) Il ne convient pas de supprimer la semaine de contrôle de l’Assemblée nationale, mais plutôt de la respecter, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Comment peut-on savoir si elle est utile dans la mesure où on en fait quelques chose de très différent en général que ce à quoi elle était destinée au préalable. Cette semaine devrait permettre par exemple aux rapporteurs des textes adoptées durant les années précédentes de venir rendre compte de leur application, de leurs effets, etc. Cette semaine de contrôle doit donc être davantage connectée aux textes législatifs discutés ou adoptés pour être pleinement utiles.
En d’autres termes, il faut recentrer cette semaine sur des problématiques très concrètes, c’est-à-dire en priorité sur l'exécution des textes votés : accélérer le temps parlementaire c'est aussi être vigilant sur la célérité de l'exécutif à faire passer la loi dans la réalité des territoires. Dans le cadre de la loi Croissance et activité, j'ai par exemple demandé un comité de suivi de sorte que les multiples textes qui doivent être pris par plusieurs ministères, le soient sans délai.

4) Concernant le deuxième chambre (chambre haute), il convient de la maintenir mais de la réformer substantiellement :
La représentation des collectivités territoriales ne suffit pas. Le Sénat nouvelle génération doit fusionner avec le CESE, et représenter également d’autres forces vives de la Nation.
Le mélange entre élections directes, indirectes et tirage au sort ne doit pas être exclu.
Il convient d’attribuer à cette chambre un véritable pouvoir législatif (initiative et décisionnel), en maintenant le dernier mot à l’Assemblée nationale. Ce dernier mot doit être également accordé aussi bien en matière législative que constitutionnelle, pour éviter le blocage des institutions, tout en permettant à ce Sénat de faire des propositions de révision constitutionnelle.

5) Il faut inscrire pouvoir judiciaire, voire pouvoir juridictionnel, dans la Constitution en lieu et place d’autorité. Il faut renforcer l’indépendance et l’impartialité de la justice, aussi bien pour les magistrats du siège que pour les magistrats du parquet (indépendance dans la nomination, avec un contrôle indirect, voire un mode d’élection pour certains avancements de carrière, absence de consignes entre Parquet et garde des sceaux, etc.). Ce renforcement doit s’accompagner de strictes obligations déontologiques qui pourraient être contrôlées à la fois par le CSM, pour le côté très pratique, et la HATVP pour des déclarations de patrimoine ou d’intérêts. Les autorités devraient alors être en lien pour éviter deux jurisprudences divergentes.

6) Le Conseil d’État a été très peu évoqué au cours des réunions. Pourtant, au regard des exigences actuelles de déontologie, il serait préférable soit de supprimer la section du contentieux pour en faire une chambre à part entière au sein de la Cour de cassation, soit de supprimer les sections consultatives pour en faire un organe distinct auprès des pouvoirs publics (du Gouvernement notamment, mais avec possibilité de consultation du Parlement pour avis).

7) Le Conseil constitutionnel n’a pas été non plus évoqué, sauf indirectement avec l’intervention de Pierre Joxe. Pourtant, il y a beaucoup à dire !
La composition est très contestable. Il faut exiger d’une part des compétences juridiques et, d’autre part, la démonstration d’une carrière passée au service de l’intérêt général. Il est inadmissible de retrouver des personnalités politiques, lesquels sont nommés en remerciements de leurs bons et loyaux service, avant une éventuelle retraite politique.
La Question Prioritaire de Constitutionnalité (Q.P.C.) exige désormais la création d’une véritable Cour constitutionnelle, ce qui permettra enfin aux citoyens de s’approprier leur Constitution, et d’en faire un pacte social.
Il conviendrait également d’imposer les opinions dissidentes, d’exiger une déclaration de patrimoine et d’intérêts qui serait contrôlée par la HATVP et de prévoir et renforcer les règles de déport et de récusation par les parties (en cas de QPC).

8) Il conviendrait de développer les ateliers législatifs citoyens. Le tenue d’ateliers, puis les amendements issus de ces ateliers devraient être inscrits dans le rapport du rapporteur d’un projet ou d’une proposition de loi à l’Assemblée. Cela permettrait de valoriser cette technique auprès des autres députés, mais aussi de montrer à la société civile que ses interventions, ses idées sont représentées et retenues à l’Assemblée.

9) Par extension, les amendements citoyens devraient être quasiment systématiques. Ils devraient être déposables par le biais d’un site Internet ; un rapporteur pour chaque texte pourrait se charger de les sélectionner, selon des règles de transparence et des critères de sélection stricts. Les amendements retenus seraient ensuite débattus publiquement et éventuellement adoptés. Tout ce processus doit se retrouver dans les rapports ou annexes aux textes législatifs, afin de donner une visibilité pour les citoyens.

10) Je souhaite insister sur une proposition que j’ai esquissée lors de la réunion du 13 février 2015. Il s’agit de créer une fête de la politique, un modèle ayant été proposé par Bruce Ackerman aux États-Unis (v. J.F. Kerléo, « Faites de la politique, Fête de la politique », Huffington post, 2 juin 2014).
Il s’agirait avant chaque grand rendez-vous électoral de permettre aux citoyens de se réunir, de se rencontrer, afin de discuter et de débattre des grands enjeux et des priorités politiques, économiques, sociales sur lesquelles les partis politiques doivent faire des propositions et se positionner. En ce sens, les citoyens pourraient pleinement s’accaparer de la politique, avoir l’impression que la campagne politique est faite pour eux, et répond à leurs besoins, leurs attentes. Cette journée réinventerait le vivre-ensemble en France dans le contexte de pluralisme des idées, opinions, religions.
Autrement dit, il s’agirait d’une journée laboratoire au service de la prochaine élection présidentielle. Cette journée dégagerait des idées que la société civile pourrait s’approprier puisqu’elle en serait à l’origine, plutôt que de se voir imposer des thématiques par les partis politiques, relayées par des médias qui ne reprennent que le sensationnel au détriment du fond, pourtant parfois exigé par les citoyens.

11) Dans le cadre de la réforme du non cumul, je souhaite insister sur le fait qu’il est impératif que le député puisse exiger d’être entendu par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales (éventuellement EPCI) de sa circonscription. En cas de divergences politiques entre les élus locaux et le député, le risque est de couper ce dernier de tout lien avec les élus de sa circonscription. Celui-ci doit donc, à sa demande, pouvoir être entendu par les collectivités pour exposer la politique suivie à l’échelle nationale et recueillir les remarques et commentaires des élus.
Je souhaite d’ailleurs déposer une proposition de loi en ce sens.
Par ailleurs, le non-cumul ne signifie pas (et ne doit pas signifier) réduire le nombre des députés. Nous avons voulu le non-cumul, pour permettre précisément à chaque député, loin des conflits d'intérêt, de se consacrer à la  tâche immense de légiférer. Il faut inventer une assemblée du non-cumul, avec une implication forte du parlementaire dans le territoire où il est élu. A la fois, travailler en amont des lois avec les citoyens et revenir vers eux pour constater les effets de la loi. Porter la citoyenneté, les valeurs républicaines, trouver avec les représentants du gouvernement, une coopération efficace ( celle-ci est à inventer, normer, aujourd'hui elle résulte trop des personnalités de chacun).

12) La procédure à deux navettes doit être supprimée. Il faut une seule navette avec une CMP et si la CMP échoue, une dernière lecture devant l'AN. En revanche, il faut donner un peu plus de temps aux parlementaires pour étudier les textes. La procédure accélérée ne peut être envisagée que pour des textes courts (limités à un certain nombre d’articles).

13) Je suis favorable à la suppression du droit de dissolution du Président, et au maintien de la responsabilité du Gouvernement. En revanche, cette suppression pourrait être compensée par une autodissolution (Allemagne, et récemment Angleterre), laquelle interviendrait lorsque les parlementaires qui votent une motion de censure pour renverser le Gouvernement ne réussissent pas à se mettre d’accord sur un nouveau Premier ministre.
Cela implique d’intégrer en droit français, la motion de défiance constructive à l’allemande. Le Parlement renverse le Gouvernement par un vote à la majorité qualifiée, le même vote devant permettre un accord sur le nouveau Premier ministre. En cas d’échec, le Parlement, ou l’Assemblée nationale, est auto-dissoute, et le Gouvernement renversé.

14 ) Le droit gouvernemental : exiger une meilleure codification des textes sur le pouvoir exécutif, avec des règles stables sur le fonctionnement des cabinets ministériels, les relations entre PM et PR, PM et ses ministres, sur la rédaction des lois ( qui fait quoi en la matière, c'est un mystère).

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