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Projets de loi Justice : examen en séance publique

Projets de loi Justice : examen en séance publique

L’hémicycle a discuté cette semaine du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice et du projet de loi organique d’ouverture, de modernisation et de responsabilité du corps judiciaire. 

Le premier texte fixe les objectifs et orientations du Gouvernement en terme de justice jusqu’en 2027, tandis que la seconde réforme en profondeur l’accès à la magistrature. 

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Les principales dispositions du projet de loi d’orientation :

-Renforcement des moyens budgétaires et humains : 11 milliards en 2027, soit +60 % en deux quinquennats, et recrutement de 10 000 emplois d’ici à 2027 (1500 magistrats et 1500 Greffiers). 

-Objectif de 15 000 places supplémentaires dans les prisons, modernisation des palais de justice, amélioration de la numérisation

-Réforme de différentes procédures pénales :  extension des perquisitions de nuit, activation à distance d’appareils électroniques aux fins de géolocalisation et de captation d’images et de sons, limitation de la détention provisoire, renforcement des droits du témoin assisté, développement du travail d’intérêt général, amélioration de l’indemnisation des victimes…

-Réforme de la justice commerciale avec l’expérimentation des tribunaux des activités économiques et de la contribution économique à la justice commericale. 

-Réforme de la procédure de saisie sur rémunération, désormais confiée aux commissaires de justice. 

-Renforcement de l’équipe autour du magistrat pour plus de collégialité 

-Port de caméras individuelles par les agents pénitenciers en cas de besoin

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Les principales dispositions du projet de loi relatif à la magistrature :

-Réforme des concours d’accès à la magistrature judiciaire 

-Renforcement de la flexibilité du personnel afin de pallier le manque d’effectifs

-Evaluation des chefs de tribunal et de cour d’appel 

-Renforcement de la responsabilité des magistrats 

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Mon intervention dans l’hémicycle présentant la position du groupe sur ces deux textes :

« Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, Messieurs les Rapporteurs Jean Terlier, Erwan Balanant, Philippe Pradal, Didier Paris, Chers Collègues,

Ce débat s’ouvre dans un contexte douloureux.  Nos pensées vont bien sûr à ce jeune Nahel de 17 ans mais aussi aux forces de police et de gendarmerie et aux maires, politiques de proximité, qui nous rappellent aujourd’hui combien la proximité est essentielle et que c’est peut-être la leçon des événements actuels. Et ceci est aussi valable pour la justice, dont l’indépendance ne doit pas signifier l’indifférence sur nos territoires. 

Je ferai trois observations en préambule de ce texte. 

En juillet 2022, 73% des Français affirment que la justice fonctionne mal. Cette défiance est alarmante. La justice doit retrouver la confiance démocratique. Elle le doit puisque la fragilité d’un système judiciaire peut-être le cheval de Troie d’un éventuel exécutif épris d’autoritarisme. Les régimes polonais et hongrois le démontrent en sévissant contre les minorités et en bafouant les principes les plus consubstantiels de l’Etat de droit. Notre rôle de législateur est d’engager ici la justice dans la voie d’une réforme systémique, de conserver l’équilibre avec une justice indépendante, dotée des moyens qu’elle requiert pour assurer sa mission.

Nous devons aussi questionner l’intelligence artificielle, la justice digitale, l’informatisation du droit qui modifie l’élaboration de la loi. Il s’agit pour nous de mettre les moyens sur ce sujet pour dessiner le chemin de la justice dans ce nouvel univers. Quel est l’engagement du Gouvernement sur ce point ?

Enfin, nous examinons ici deux textes

Un projet de loi organique qui ouvre les voies d’accès à la magistrature. Nous voulons vous convaincre d’associer davantage les universitaires et adopter des amendements de clarification de l’exercice du juge et de déontologie, à nos yeux essentiels. Sous réserve de ces avancées, nous trouverons ce texte plutôt bon. 

Un projet de loi ordinaire qui porte d’abord une majoration de crédits à saluer et une ordonnance qui porte codification du code de procédure pénale. Et enfin un rapport annexé, qui concentre nos insatisfactions et nos espérances, canalise nos frustrations. Sans effet normatif, il nous libère des articles 40 et 45, décapiteurs de nos innovations.

I Une réforme systémique appelée par Jean-Marc Sauvé, qui implique :

-Un budget. Vous y répondez avec une augmentation substantielle des moyens budgétaires et 10 000 emplois supplémentaires d’ici 2017. Cela permet de rattraper progressivement notre retard en Europe. 

-Une révolution numérique qui impose une réorganisation des services judiciaires et de la déconcentration. Pour nous, le zéro papier en 2027 n’est pas gagné.

-Une poursuite de la collégialité en construisant une équipe autour du magistrat, associant l’existant, c’est-à-dire les greffiers et en faisant appel aux forces vives du droit.

-Une considération de l’ensemble des acteurs (auxiliaire de justice, greffiers, acteurs du SPIP…). Je pense aussi aux éducateurs spécialisés de la protection judiciaire de la jeunesse, en sous-effectifs, en manque de moyens et en perte d’attractivité.

-Le placement du juge au cœur du litige. Ce que ne font pas la réforme des saisies rémunérations et le transfert des compétences des activités agricoles et des associations aux tribunaux des activités économiques. Pour ce dernier, c’est une occasion manquée de fédérer les professionnels du droit et les sachants du monde de l’entreprise. Et pour la première qui concerne les populations vulnérables, c’est finalement complexifier voire ne plus permettre le recours au juge. 

II Une réforme systémique qui ne doit pas oublier ses fondamentaux

A. Une prison qui réinsère 

Les 15 000 places de prison ne pourront pas être délivrées d’ici 2027. Les prisons resteront surpeuplées et perdurera un système aussi couteux qu’inefficace. Celui d’une usine à récidive dans laquelle les conditions sociales et psychologiques des 73 800 détenus se dégradent sous écrou. Le constat est sans appel : le taux de récidive atteint près de 40%. Le débat doit prospérer sans propos populiste.

B. Une indépendance qui protège

Le juge des libertés et de la détention est un acteur essentiel dont la présence doit être renforcée. Ce n’est pas ce que nous constatons dans le texte et c’est une des raisons – pas la seule – de notre opposition à l’élargissement aux nouvelles techniques d’investigation.

C. Une indépendance qui n’est pas l’indifférence

Parce que la justice est au service des citoyens, il importe de confronter en permanence les attentes légitimes de ces derniers à travers des espaces de discussion et « d’attention à autrui », principe déontologique énoncé par le Conseil supérieur de la Magistrature et réappelé par le magistrat Denis Salas. La justice restaurative, chemin parallèle à la justice dite classique, opportunité de rédemption et de réparation devrait être davantage identifiée dans le texte et les moyens dédiés. Elle est un outil efficace au service des violences conjugales. La promesse d’un texte futur ne doit pas nous faire oublier l’urgence de légiférer.

Dans un contexte de colère, sachons trouver les voies de la construction dans un débat apaisé et respectueux des autres. »

Nous avons déposé environ 70 amendements en cohérence avec les observations exprimées lors de la discussion générale. Certains, relatifs à la procédure pénale, à la justice pénale des mineurs ou encore à la publication de données statistiques sur le recours à certaines techniques spéciales d'enquête, ont été adoptés. 

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