Mon entretien dans "Challenges" concernant l’égal accès aux professions juridiques

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Ce décret embarrassant sur les notaires qui vide la loi Macron de tout son sens

Par Héloïse Bolle

Le 22.12.2016 à 18h07

Ce décret du 9 novembre a autorisé les notaires installés à postuler pour les nouveaux offices. Les jeunes notaires sont furieux, et officiellement, tout le monde se range de leur côté. Pourtant les protestations sont timides. 

Un décret du 9 novembre a autorisé les notaires installés à postuler pour les nouveaux offices. C’est un mystère législatif non élucidé, oublié dans les vapeurs d’alcool de la fin d’année, qui fait grincer des dents chez les jeunes notaires. Un décret signé du Garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, daté du 9 novembre dernier, qui autorise les notaires déjà installés à se porter candidats au tirage au sort pour l’attribution de nouveaux offices. Logiquement, les candidatures ne se sont pas fait attendre, et elles sont rapidement montées au nombre de 30.000.

Pour le moment, le tirage au sort a été suspendu par le Conseil d’Etat, pour « insuffisance de garanties procédurales ». Mais le décret du 9 novembre, lui, n’a pas encore été remis en cause. Ainsi, les fameux insiders, ces notaires installés, qui se sont organisés depuis longtemps pour ne créer de nouveaux offices qu’au compte-goutte, et ainsi préserver leur chiffre d’affaires, peuvent toujours se porter candidats.

On se pince. Après avoir entendu Emmanuel Macron, auteur de la fameuse loi sur la croissance et l’égalité des chances, défendre son texte avec vigueur en dénonçant la mainmise des insiders sur un marché fort peu concurrentiel, voici qu’un dernier décret vient dénaturer entièrement ce texte, censé introduire davantage de concurrence et favoriser la libre-installation.

Un texte totalement contraire à l’esprit de la loi, donc. Mais un texte contre lequel tout le monde, y compris son auteur, s’insurge avec une vigueur… très modérée.

Les jeunes notaires remontés

Ceux qui ont le plus de mal à digérer la nouvelle, ce sont les jeunes notaires, diplômés, salariés des études. Ils sont titulaires des mêmes diplômes que leurs employeurs mais exclus jusqu’ici de l’installation, puisque le nombre d’offices était quasiment verrouillé (4.570 en 2015, selon le conseil supérieur du notariat, et moins de 70 créations en dix ans selon l’Autorité de la concurrence). Dans le même temps, entre 2005 et 2013, plus de 10.000 notaires ont été diplômés. « Une main d’œuvre bien formée, compétente, pas chère et totalement captive », s’emporte Jean-Charles Persico, diplômé notaire et Président de LIDN, Liberté d’installation des diplômés notaires. C’est pour ces jeunes notaires non installés que la création de 1.002 offices (pour 1.650 notaires) était prévue. Ce d’autant que les zones très peuplées sont plutôt sous-dotées par rapport aux zones rurales, et que les notaires y croulent sous la demande. Jean-Charles Persico a formé un recours devant le conseil d’Etat contre ce décret. « Nous demandons que seuls les primo-installants puissent candidater », explique-t-il.

A la Chancellerie, on explique que Jean-Jacques Urvoas, pourtant auteur du fameux décret, y était à l’origine totalement hostile, et refuse de porter le chapeau. « C’est un arbitrage gouvernemental qui ne lui a pas été favorable », explique un membre de son équipe.

« Un arbitrage à Matignon qui ne respecte pas l’esprit de la loi n’est plus un arbitrage, mais une censure du vote des parlementaires », s’agace la députée Cécile Untermaier, rapporteur avec Richard Ferrand de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances. Les deux parlementaires se sont d’ailleurs émus dans un courrier adressé à Jean-Jacques Urvoas le 24 novembre dernier. « Nous savons combien vous êtes attaché au respect de l’esprit de la loi. Nous sommes aujourd’hui très inquiets de son éventuel détournement », écrivaient-ils.  A ce jour, ils n’ont toujours pas reçu de réponse. « Nous allons lui demander qu’il vienne expliquer devant la commission d’application de la loi comment il en est arrivé là », affirme Richard Ferrand. « Le vrai sujet, s’irrite Cécile Untermaier,  ce n’est pas de permettre à des sociétés existantes d’avoir des tentacules pour capter une nouvelle clientèle, mais bien d’ouvrir la profession à de nouveaux officiers publics ministériels. Nous voulons la création de nouveaux postes ». Remontés, ils certifient qu’ils ne lâcheront pas l’affaire. « Mais pour le moment, ça ne passionne pas les foules, parce que c’est compliqué à expliquer », admet Richard Ferrand.

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