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Examen d'une proposition de loi du groupe LR relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile

Examen d'une proposition de loi du groupe LR relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile

La commission des Lois, en pleine discussion sur le projet de loi immigration cette semaine, examinait également mercredi matin la proposition de loi constitutionnelle d’Eric Ciotti relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile.

Les députés LR conditionnent leur soutien au projet de loi immigration au vote de cette proposition de loi. Dans ce contexte de surenchères, ce texte se devait de monter d’un cran et c’est le cas avec des mesures qui mettrait la France hors la loi internationale. « Arrêter l’immigration de masse », voilà le mot d’ordre de ce texte. 

Mais c’est le désordre juridique que ce texte entend instaurer et le renoncement à certains droits fondamentaux. 

Résumé des dispositions

Article 1er Interdiction de se prévaloir de son origine face aux lois de la République. Mais cette obligation est déjà garantie par le principe de laïcité. 

Article 2 Champ du référendum législatif étendu à tous les projets de loi organiques et plus seulement ceux établis à l’article 11 de la Constitution. L’idée est de mener des référendums sur les questions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France ainsi que le droit de la nationalité, sans contrôle de constitutionnalité

Article 3 Exception à la supériorité des traités internationaux et traités UE. Il serait possible de passer outre une convention internationale ou un traité de l’UE. Mais rester au sein de l’Union européenne sans faire primer les textes européens est incompatible en l’état du droit européen. C’est une régression pour notre pays, bâtisseur de l’Europe. La France n’a pas vocation à se comporter comme la Hongrie ou la Pologne. Elle doit être le fer de lance d’une coopération renforcée sur les questions migratoires. La ratification des traités par les Parlements nationaux permet déjà d’émettre des réserves sur des dispositions internationales. C’est dans la construction que l’on fait entendre notre voix et non dans l’exclusion.

Article 4 Naturalisation sous condition d’assimilation. Il ne s’agit donc pas seulement d’intégration mais d’assimilation, sans que l’on sache à quoi renvoie une telle notion. 

Article 5 Droit du sol remis en cause à Mayotte. Les personnes nées à Mayotte de parents étrangers ne seraient françaises que dans les conditions fixées par la loi. 

Article 6 Fixation par la loi de quotas d’autorisations d’entrées sur le territoire. 

Article 7 Eloignement de tout étranger constituant une menace. 

Article 8 Limitation du droit d’asile. Les demandes d’asile ne pourraient être formulées que dans les représentations diplomatiques ou les postes consulaires de la France ou à la frontière. Il serait statué définitivement sur ces demandes avant que le demandeur ne soit entré sur le territoire national. 

Mon intervention 

« Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, mes Chers Collègues, 

            Nous voici réunis pour examiner un texte relatif à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile, et vous ajoutez de la surenchère à la surenchère, brisant ainsi le monopole qu’avait le Rassemblement national sur ce sujet… « Immigration de masse », « chaos migratoire », voilà le mot d’ordre de cette PPL qui se fonde sur le fantasme d’une submersion migratoire sans fondement statistique et participe à l’agitation des peurs. 

1/ Sur la forme, c’est un texte d’affichage politique, qui cherche à exister face au projet de loi du Gouvernement, et c’est un texte voué à l’échec à raison de son ineffectivité. En tant qu’élus, nous portons une lourde responsabilité républicaine et je m’inquiète de voir le parti LR répondre aux sirènes du populisme qui monte en Europe : les Pays-Bas, l’Italie, la Hongrie, la Slovaquie et d’autres pays où l’extrême-droite gagne du terrain. 

Un sujet aussi important que celui de l’immigration commande l’honnêteté intellectuelle. Si elle augmente en raison des désordres géostratégiques, des guerres ou du réchauffement climatique, elle est loin de justifier les peurs qui sont agitées : pour moitié, l’immigration est liée aux migrations estudiantines ; pour un quart, elle est liée au travail et pour un dernier quart elle est liée aux demandes d’asile. 

2/ Sur le fond, c’est un texte au mieux inutile et apportant de la confusion juridique, au pire, dangereux et mortifère pour les droits fondamentaux. 

           A/ Inutile, en son article 1er qui interdit de se prévaloir de son origine ou de sa religion. Cet article vient par une formulation négative ajouter une disposition, alors que la Constitution pose déjà très clairement le principe de laïcité en son article 1er. 

              B/ Un texte qui par ailleurs instaure de l’insécurité juridique. 

L’article 3 rend inintelligible le principe de la hiérarchie des normes, bien admis et qui dans son application, n’a pas mis en évidence des excès. Une telle mesure aurait pour conséquence de conduire à l’inapplication du droit international auquel l’Etat français est partie, avec tous les désordres que cela implique. 

            Une insécurité juridique due également à des notions trop vagues : identité constitutionnelle à l’article 3, assimilation à l’article 4, sans que l’on sache ce que cela recouvre. 

            C/ C’est enfin un texte dangereux et mortifère pour les droits fondamentaux. 

L’extension du champ des textes pouvant être soumis au référendum (art 2), ce sans contrôle de constitutionnalité -le Conseil constitutionnel rendant un simple avis et non une décision – porte le risque d’atteintes aux principes, droits et libertés garantis par la Constitution par le biais du référendum. C’est tout l’esprit du constituant de 1958 puis de 1995 qui est méprisé puisqu’il s’agissait d’exclure les référendums susceptibles de susciter des tentations démagogiques. 

La priorité est davantage de faciliter l’accès au référendum d’initiative partagée dont les conditions d’activation sont très restrictives, que de contourner la Constitution via le référendum. 

Enfin, la remise en cause du droit du sol (art 5), l’application de quotas d’immigration (art 6) et la limitation du droit d’asile (art 8) bafouent cette tradition française et républicaine de l’accueil. Les quotas sont parfaitement inadaptés, les conventions internationales consacrant des droits qui n'ont pas vocation à varier selon de prétendues capacités d'accueil. 

Mon groupe votera contre ce texte, qui va à l’encontre de la nécessité de bâtir une politique migratoire claire, humaine et donc efficace, une politique équilibrée, laquelle dans le cadre de la loi fondamentale actuelle peut allier sécurité et fermeté et accueil, tout cela est possible. »

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