#Semaine de contrôle

Mon intervention sur les difficultés des services pénitentiaires

Mon intervention sur les difficultés des services pénitentiaires

Lors de cette semaine de contrôle à l'Assemblée nationale (temps réservé aux député-e-s pour contrôler la politique du Gouvernement), le groupe Les Républicains a inscrit à l'ordre du jour, un débat sur les suites à donner aux propositions de la commission d'enquête sur les dysfonctionnements et les manquements de la politique pénitentiaire.

Ladite commission créée cet été, et dont j'étais membre, a rendu son rapport en novembre dernier avec 55 propositions concernant la problématique de surpopulation carcérale, de l'éducation, des conditions de travail pour le personnel, la question de l'évolution souhaitable de la réponse pénale, etc...

→ Mon intervention :

"Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Madame la Rapporteure,

Mes cher-e-s Collègues,

Je tiens à remercier mes collègues et les administrateurs pour les travaux de qualité qui ont été menés. Je regrette toutefois que cette commission d’enquête soit en réalité une mission d’information, dressant le constat d’une situation que nous avons explorée au cours de ces cinq ans et des lois votées.  

J’ai tenu à rappeler au démarrage de nos travaux que l’esprit de cette commission ne pouvait être la remise en question du travail du personnel pénitentiaire et des services pénitentiaires d'insertion et probation (SPIP), que nous saluons ici pour leur engagement. 

Parler de prison c’est parler de surpopulation carcérale, de réinsertion, de lutte contre la récidive, d’aménagements de peine. C’est aussi parler de bonnes pratiques et de réussites.

Parler de prison, ce n’est pas parler de son abolition comme de la peine de mort en 1981, mais à tout le moins dire et rappeler que la majeure partie des peines sont purgées en dehors des murs de la prison. Parler de la prison, c’est faire sa pédagogie tant l’opinion publique est sévère de plus en plus avec les détenus et se détourne d’une politique pénitentiaire qui ne l’intéresse pas. C’est un sujet qui n’est pas rentable du point de vue électoral et pourtant, il signe la société et la qualité de notre démocratie. 

50 % des personnes interrogées dans une enquête de 2018 considèrent que les prisonniers en France sont trop bien traités, 21% qu’ils sont traités de manière correcte et 17% seulement jugent qu’ils ne sont pas assez bien traités. 12% ignorent tout de ce monde. 

Faisons donc œuvre de pédagogie. En ce sens je ferai quatre remarques :

1) La réalité carcérale en France est celle que nous connaissons tous, régulièrement dénoncée, et condamnée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH). A ce jour, on compte 69 500 détenus pour 60 800 places, soit 11% de personnes incarcérées en plus en un an. 36 établissements présentent un taux d’occupation supérieur à 150%. 

La France fait partie des Etats européens dont les prisons sont les plus encombrées. Et, je m’interroge sur le sens de voir ici rappelée, en proposition 23 du rapport, la date butoir du moratoire au 31 décembre 2022 pour le respect de l’encellulement individuel. Cessons de nous mentir à nous-mêmes, nous n'y parviendrons pas à ce stade. Pourtant, les conditions de détention ne sont pas une fatalité. Avec la crise sanitaire, pour la première fois depuis 20 ans, le taux d’incarcération était passé en dessous des 100%. 

2) Quel que soit le crédit que l’on porte à l’engagement de création de 15 000 places d’ici 2027, celui-ci doit s’accompagner d’une politique adaptée de l’emprisonnement tant nous savons que : « Plus on construit, plus on remplit ». 

C’est la piste majeure formulée dans ce rapport. Il est urgent de dépénaliser certains types de délits, de réduire le recours à la détention provisoire, d’augmenter le recours aux peines alternatives, à l’aménagement de peines, de développer la libération conditionnelle. 

3) La réinsertion ne se fera pas sans un effort accru sur l’enseignement et la formation en prison. 

Les besoins sont importants : plus de la moitié des personnes détenues n’ont aucun diplôme, le taux d’illettrisme est de 10%. Pourtant sur l’année scolaire 2019-2020, seuls 29% de la population carcérale était scolarisée et 6 heures d’enseignement hebdomadaire étaient en moyenne consacrées par personne, avec une disparité en fonction des régions. La commission d’enquête aurait pu dresser le palmarès des régions qui participent à cet effort de formation. 

4) Enfin, nous aurions pu terminer ces travaux par une liste des bonnes pratiques.

Elles existent en particulier au centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand, avec la création de référents chez les surveillants de prison,  avec la mise en place d’une boulangerie et d’un CAP, avec les voies expérimentées dans l’insertion de l’association « Tremplin, Hommes et patrimoine », impliquant des détenus dans la restauration des édifices.

Ajouter à ce sujet que les associations qui font un travail remarquable, au soutien de la lutte contre la délinquance, de la réinsertion, de la lutte contre les violences intrafamiliales, souffrent d’un manque cruel de moyens. Une course permanente aux subventions, aux appels à projet alors qu’il faudrait stabiliser ces associations par des financements actés sur plusieurs années. 

Tout cela pour dire que derrière ces questions d’enfermement et de Justice et celle du budget dont le montant majoré doit être réglé rapidement, et ce malgré l’opinion majoritaire négative à ce sujet, des femmes et des hommes se mobilisent pour conserver du sens à leur métier. Il nous faut les écouter et soutenir leur engagement."

Le débat s'est poursuivi par des questions adressées par les députés au garde des Sceaux sur la politique pénitentiaire.

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