L’environnement à l’article 1er de la Constitution: Discussion générale

L’environnement à l’article 1er de la Constitution: Discussion générale

"Monsieur le Président,

Monsieur le garde des Sceaux,

Monsieur le Rapporteur,

Mes cher-e-s collègues,

L’inscription de la protection de l’environnement à l’article premier de la Constitution envoie un signal fort pour ouvrir le chemin indispensable à un véritable changement, à un monde d’après, que nous commande l’état de la planète. L’examen du texte appelle des observations sur la procédure comme sur le fond.

I/ Sur la procédure :

Le texte du Gouvernement reprend mot pour mot celui de la Convention citoyenne pour le climat. « La République garantit la préservation de la biodiversité et de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ». Celle-ci doit être adoptée en termes identiques par le Sénat et l’Assemblée selon l’article 89 de la Constitution, avant d’être soumise à référendum, selon l’engagement pris par le Président de la République devant la Convention citoyenne.

Ainsi posée, cette décision du chef de l’Etat, interroge évidemment sur la sincérité de cet engagement pour un tel référendum, sur la tentation qui s’offre au Gouvernement de faire porter au parlement la responsabilité de l’échec de sa mise en œuvre. Cet engagement questionne donc sur l’instrumentalisation de nos assemblées et de l’outil référendaire, à des fins politiciennes.

Tout cela n’aide pas à un débat serein. Et, à titre personnel, c’est dans le cadre d’un Congrès, permettant en outre une troisième lecture, que j’aurais souhaité que cette révision constitutionnelle, fût adoptée, et ce, d’autant plus que la question en débat résulte précisément déjà d’une consultation citoyenne. Sachant qu’un référendum tend souvent à se muer communément en plébiscite, le risque d’une issue négative ne peut être balayée d’un revers de main.

Et, si, me direz-vous, c’est d’abord l’affaire du pouvoir en place, c’est aussi la nôtre, car un « Non » opposé pour des raisons politiques, au sortir d’une crise sanitaire, après celle très sérieuse des Gilets jaunes, pourrait être considéré comme le refus de poursuivre les actions en faveur de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique.

II/ Sur le fond :

1) Beaucoup, à droite, remettent en cause l’utilité de ce projet de loi constitutionnelle, arguant que la Charte de l’environnement remplit cette mission, qu’elle appartient au bloc de constitutionnalité et que le principe de protection de l’environnement s’est vu reconnu comme un objectif de valeur constitutionnelle.

Je reprends pour ma part la réponse faite par le Conseil d’Etat à cette interrogation : « le caractère prioritaire de la cause environnementale, s’agissant d’un des enjeux les plus fondamentaux auxquels l’humanité est confrontée, justifie qu’elle prenne place à cet article aux côtés des principes fondateurs de la République. ». Cette affirmation est d’autant plus précieuse qu’elle s’inscrit dans un avis très critique vis à vis de ce projet de loi constitutionnelle.

D’autres  agitent le chiffon rouge en faisant valoir que cette inscription à l’article 1er  confèrerait une prééminence à la préoccupation environnementale sur les autres normes constitutionnelles. On serait tenté de dire « pourquoi pas ?», mais, au demeurant,  l’analyse juridique confirme l’absence de prééminence d’un principe constitutionnel sur un autre par ce texte et aucune hiérarchisation donc, n’est à dénoncer. La convention citoyenne pour le climat avait fait une proposition en ce sens, nous sommes quelques uns à avoir déposé des amendements disposant au niveau constitutionnel, du principe de non régression ou d’amélioration constante. Mais, il n’a pas été donné suite ni à cette proposition de la Convention, ni à nos amendements.

2) Le champ de la réflexion parlementaire sur le texte est quasi limité à quatre verbes, garantir contre préserver et lutter contre agir : « Elle garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique ».

Le texte issu de notre commission des Lois, qui n’est pas en débat puisque dans le cadre d’une révision constitutionnelle ce n’est pas ce texte qui est examiné, conserve le verbe agir du Sénat et rétablit le verbe garantir. Nous sommes d’accord sur ce point. Le verbe « garantir », que l’on retrouve mentionné à plusieurs reprises dans la Loi fondamentale, impliquerait davantage la responsabilité de l’Etat dans le domaine de l’environnement. Il reprend, en outre, une proposition de mon groupe défendue lors du projet de révision constitutionnelle en 2018, comme celle de la Convention citoyenne pour le climat.

Vous vous étiez engagé, en première lecture, Monsieur le garde de Sceaux, à défendre ce terme et ce qu’il revêt d’assurance dans l’engagement pour la cause environnementale. Au demeurant, l’obligation de résultat - qui n’est pas admise dans l’actuelle formulation du texte - ne devrait pas être considérée comme un problème mais un objectif politique que nous demandent les citoyens et les générations futures.   

Oui, « La maison brûle » toujours. Ne restons pas les bras croisés à la regarder se consumer. Ainsi, qu’en est-il de la préservation de la biodiversité ? En moins de 50 ans, son érosion s’est accélérée de manière dramatique : ce sont 60% des espèces sauvages qui ont disparu. 44%, c’est l’augmentation de la concentration du CO2 dans l’atmosphère au cours des 150 dernières années. Nos actions jusqu’ici sont insuffisantes pour contenir le réchauffement en dessous de 2 degrés. Ce dernier constitue un multiplicateur de menaces et un accélérateur d’instabilité.

III/ Quelle que soit la formulation adoptée, que sa portée ne soit que symbolique, il est de l’intérêt de tous de faire entrer l’environnement dans l’article 1er. La mention de la diversité biologique est essentielle, la diversité biologique, c’est la faune sauvage, les espèces végétales, et les habitats naturels. Elle ne doit pas être oubliée. Elle doit être au centre des débats et de notre action. Certes, le réchauffement climatique, c’est très important. Mais, ce n’est pas tout, cela n’absorbe pas toute la problématique environnementale. Lubrizol, pour ne prendre qu’un exemple, ce n’est pas le réchauffement climatique…

Et,  quelle que soit l’issue de ce texte,  il ne peut cacher l’immense tâche qui nous attend, nous les législateurs, au quotidien des textes examinés. Nous devons mener des réformes de fond  qui aident à la non régression de notre droit. Nous n’en prenons pas toujours le chemin, je veux parler ici, à titre d’exemple, dans le cadre de la loi sur le climat,  de la réforme des référés par exemple, qui devait permettre au juge et au citoyen d’agir en prévention de dégâts irréversibles et là, le Gouvernement n’a pas voulu aider sa majorité à franchir le pas."

 

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