Le budget Justice adopté en séance publique

Le budget Justice adopté en séance publique

Le budget Justice pour 2021 était discuté cette semaine à l'Assemblée nationale. Les crédits prévus par le Projet de loi de Finances 2021 pour la Justice ont été adoptés en séance publique.

Ceux-ci s'élèvent à 8,1 milliards d'euros et sont répartis entre différents programmes: la justice judiciaire, l'administration pénientiaire, la protection judiciaire de la jeunesse, l'accès au droit et à la justice, la conduite et le pilotage de la justice et le Conseil supérieur de la magistrature.

Si le groupe ne s'oppose pas à cette mission Justice, laquelle bénéficie d'un effort budgétaire qu'il nous faut saluer, nous émettons toutefois quelques réserves sur certains points clés. ⬇

"Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers et chères collègues.

Vous avez annoncé une augmentation « historique » du budget justice de 8% par rapport à 2020. Cet effort, nous le saluons en ce qu’il poursuit cet engagement incontournable tendant vers la juste place que doit occuper le système judiciaire dans notre pays.

Précisons, que le budget 2020 avait été revu à la baisse, à 7,5 milliards d'euros, alors que celui-ci était prévu à 7,7 milliards d’euros dans la loi de programmation de la justice en 2019. Le budget 2021 de 8,1 milliards d’euros, comporte ce rattrapage. C’est un différentiel qui vient diminuer d’un tiers l’augmentation annoncée.

La Commission européenne pour l’efficacité de la justice dans son rapport 2020, basé sur les données 2018, dresse un triste constat pour la France. Nous dépensons en moyenne 69,51 euros par habitant, quand les pays européens à richesse équivalente y consacrent en moyenne 84,13 euros. Cela se traduit par une insuffisance préoccupante de magistrats : 3 procureurs pour 100 000 habitants en France contre 12,13 en moyenne dans les Etats membres.  Loin d’en contester les conclusions, faisons de ce rapport un argument supplémentaire à la cause que nous défendons ensemble ici. 

Nous sommes là pour vous soutenir Monsieur le Ministre dans la quête de crédits très substantiellement majorés. Nous ne pouvons plus retarder un engagement demandé avec éclat et les mots qu’il fallait par notre ami et collègue JJ Urvoas, grand connaisseur au surplus du monde du renseignement. Les ressources judiciaires (et policières) doivent être mises sur la table. Le moment est venu d’écrire une nouvelle page pour la Justice, avant que les citoyens ne s’en détournent totalement, et parce que le démantèlement de l’islamisme politique, au cœur de nos préoccupations, exige de la surveillance, de la réactivité, un suivi judiciaire…  donc des moyens.

Ce budget n’y suffira pas. Les tâches qui s’imposent à notre démocratie sont immenses, en lien avec la société numérique qui nous caractérise désormais.  La surveillance et la condamnation des personnes diffusant des propos haineux sur les réseaux sociaux, incitant à la violence, postant les informations privées et mettant ainsi en danger les personnes concernées, imposent vous l’avez dit, des juges à la manœuvre et réactifs. La traque de ce qui ne relève plus de la liberté d’expression, pour préserver la cohésion sociale et garantir la protection, exige des moyens substantiels qu’on ne pourra pas mobiliser dans l’épaisseur du trait.

Vous l’avez compris, ce budget n’est pas à la hauteur du combat qui nous attend. Les précédents ne l’étaient pas davantage. Il est celui d’un fonctionnement amélioré de la Justice que nous connaissons depuis des années. Cette justice qui accueille, tranche des litiges entre particuliers, qui juge des délits et des crimes, condamne, enferme ou fait le choix d’une peine alternative, libère aussi. Cette justice civile et pénale, aux abois depuis des années, qui a montré sa difficulté à gérer le confinement 1, doit être l’objet de notre préoccupation première, celle des parlementaires, celle du Gouvernement quel qu’il soit.

II Ces observations étant faites, quelques remarques sur le budget lui-même :  

Dans Le programme 101 de l’accès au droit et à la justice en augmentation de 10 % par rapport à 2020, l’aide juridictionnelle, action principale de ce programme, enregistre une augmentation de 28,5 millions d’euros. Ce n’est pas suffisant et nous avons dénoncée comme telles les augmentations enregistrées par le passé. Nous savons que ce dispositif « souffre d’un sous-financement chronique ». Tandis que les pays européens à PIB équivalent ont consacré en 2018, 14,59 euros en moyenne à l’aide juridictionnelle, la France n’en a alloué que 7,16. La moyenne européenne est de 9,14 euros. Les avocats sont exploités, mal considérés ce faisant, et avec eux la reconnaissance des droits de la défense est interrogée. Nous y reviendrons dans le cadre du débat.

Le Gouvernement met en valeur une augmentation du budget de + 7 % pour la protection judiciaire de la jeunesse. Mais cela ne signifie que 40 ETPT supplémentaires créés en 2021.

D’une manière générale, dans le champ pénal, si nous voulons que l’alternative à l’enfermement soit une réalité et une réussite, il faut mettre beaucoup de moyens en ressources humaines, pour encadrer les personnes condamnées à des peines alternatives. Une priorité financière aurait sans doute dû accompagner cette transition bienvenue, au final moins coûteuse et plus efficace s’agissant de la lutte contre la récidive.

Enfin, vous avez mis l’accent sur une justice de proximité. On entend cette politique sur le plan pénal mais aussi sur le plan civil. Et dans ce domaine, de bonnes pratiques existent déjà (ex: Chalon/Louhans).

Servant cet objectif, Les Tribunaux judiciaires doivent disposer d’une dotation annuelle de quelques dizaines de milliers d’euros, à leur main, pour mener des actions en faveur de  l’accueil des usagers, des actions de communication afin que la Justice vive sur le territoire, pour amplifier la justice de proximité et peut-être ses résultats.

Malgré le travail admirable des professionnels, qu’ils soient magistrats, greffiers, avocats, personnels des services pénitentiaires, ils ne peuvent suppléer aux carences que nous connaissons. En toute hypothèse, quelque soit le budget dédié, le monde de la Justice n’échappera pas à une révolution culturelle dans laquelle les délais de jugement, la responsabilité, l’ouverture, la considération réciproque des différents acteurs, le numérique et l’éthique, auront toute leur place.

En conclusion, notre groupe ne s’opposera pas à cette mission justice."

Cécile Untermaier,  2 novembre 2020

 

Le groupe a ainsi proposé plusieurs amendements : la création de 1000 postes de surveillants dans les prisons, l'augmentation des crédits affectés à la protection judiciaire de la jeunesse, le renforcement du financement de l'aide juridictionnelle et l'attribution de dotations pour les tribunaux judiciaires.

Le Projet de loi de Finances sera prochainement examiné au Sénat.

A lire aussi