Lecture définitive de la proposition de loi réformant la prescription en matière pénale

Lecture définitive de la proposition de loi réformant la prescription en matière pénale

 Monsieur le président,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le président de la Commission des lois,

Messieurs les rapporteurs,

Mes cher-e-s collègues,

Cette proposition de loi dont nous débattons en dernière lecture aujourd'hui illustre bien la très grande qualité du travail législatif qui peut être mené et qui a été souvent celui effectué au sein de la Commission des lois de notre Assemblée ces cinq dernières années.

Une méthode: un texte porté par nos deux rapporteurs Alain Tourret et Georges Fénech, qui a été comme il se doit pour des lois de cette portée, précédé d'une mission parlementaire créée par la Commission des lois de l'Assemblée nationale. Mission qui a conduit après de nombreuses auditions décidées par  nos deux députés, à formuler quatorze propositions tendant à réformer le régime de la prescription en matière pénale et avancer ainsi de manière éclairée  vers un texte difficile, maintes fois abandonné et pourtant très attendu.

 D'autres travaux ont été réalisés avant cette législature, ils ont participé à tracer ce chemin, le monde universitaire, le monde judiciaire, la société civile dans son ensemble, les associations de victimes bien sûr, partageant tous  le constat que les règles légales et jurisprudentielles qui régissent la prescription de l'action publique et la prescription des peines étaient inadaptées aux attentes sociales et au travail répressif de la justice, incohérentes et peu lisibles.

Une méthode enfin de co-construction avec le Gouvernement, la Chancellerie en particulier, au service d'une ambition et d'une volonté de faire correspondre droit et attente de la société. Un État de droit respecté impose ce travail d'adaptation aux nouvelles exigences de notre société  et de sécurité juridique. C’est notre travail de député que de prendre en compte les attentes de la société et désormais depuis la révision constitutionnelle de 2008, de contrôler l’application de la loi.

Une ambition légitime pour l’adoption d’un texte, servie par la qualité, la persévérance et la connaissance du sujet par les deux rapporteurs, qui ont su prendre en compte les avancées jurisprudentiels de juges qui dans la collégialité souvent, avaient déjà fait le constat que le Pardon légal ne pouvait plus dans ces conditions être admis par la société , un Pardon ou un oubli légal qui était ressenti comme la sanction de l'exercice tardif de la justice et un régulateur de son action. Des décisions jurisprudentielles fort heureusement ont montré la voie de cette réforme, notamment en anticipant par le bon sens la computation du délai faisant courir la prescription par exemple.

Une clarification, cette proposition de loi contribue à clarifier le régime juridique dans une politique de simplification de l'action publique engagée par le Président de la République et la Majorité en général depuis le début du quinquennat. Cette simplification contribue ici à reprendre les textes précédents et la jurisprudence et à les refondre afin de rassembler l'ensemble des délais prévus dans des règles générales claires, lisibles et simples. A l'heure actuelle, les citoyens l’ignorent bien sûr, mais il existe un éclatement des textes et une complexité que l'on en vient à ne plus comprendre à compter de quand part le délai de prescription. Cette adaptation des textes tant bien que mal par la jurisprudence s'explique par l'imprécision actuelle de la loi et surtout par son décalage avec l'évolution de la société. Or, la loi n'est pas faite pour se perdre dans des détails qui lui font perdre tout son sens. Elle doit être le socle commun à tous, et définir des grandes lignes, poser les grandes directions et les définitions générales. C'est ce que fait cette loi en posant les grands principes en matière de prescription et de justice.

Deux impératifs doivent être dorénavant conciliés. Il faut assurer la sécurité juridique aux citoyens. En ce sens, il convient que chacun puisse anticiper de manière précise les délais qui s'appliquent à son instance juridictionnelle et saisir les événements qui font partir le délai de prescription. L'idée de prévention et de clarté qui composent le principe de sécurité juridique sont ici essentielles. C'est pourquoi une harmonisation des délais de prescription de l'action publique et des peines est une bonne chose et l'homogénéisation en termes d'imprescriptibilité  du régime des crimes de guerre avec celui contre l'humanité m'apparaît comme aller dans le sens d'une juste simplification.

D'autre part, il faut coller le plus près possible à la réalité de notre société, et celle-ci est de plus en plus complexe. Par conséquent, la simplification trouve ses limites dans la justice. il faut établir un juste équilibre entre la simplification et la sécurité juridique d'un côté, la justice et l'efficacité de l'action publique de l'autre. Par conséquent, l'allongement des délais de prescription de l'action publique est esentiel , notamment en ce qui concerne des délits et des crimes que l'opinion publique ne peut plus supporter aujourd'hui dans un contexte ressenti comme injuste par chacun et qui reste parfois impuni.

Cette idée de justice et de sécurité me semble également parfaitement traduite dans l'amendement adopté en commission des lois qui veut que désormais sont interruptives de prescription les plaintes adressées par la victime à un fonctionnaire auquel la mise en mouvement de l'action publique est confiée par la loi.

J’ai été interpellée dernièrement par des magistrats me faisant valoir l’avalanche de textes et de circulaires qu’ils subissent. Ce texte va générer sans doute d’autres circulaires, le paradoxe étant que la simplification poursuivie comme les grandes réformes, se réglemente aussi. Et ici comme dans tous les textes que nous avons votés, il s’agit d’adapter la justice au nouveau visage de la France. J’ai entendu le message, je le livre à la réflexion de l’exécutif qui en appréciera la portée utile.

Pour conclure, je dirai enfin que l’article 3 disposant de l’allongement du délai de prescription de 3 mois à un an pour les contenus publies en ligne dès lors qu’elle n’est pas parue sur un support papier va à l’encontre de toute analyse juridique sérieuse. Cette proposition du Sénat entache inutilement un texte rigoureux, construit loin des passions et des lobbies et nous aurons à cœur de supprimer cette disposition dans le cadre du dernier débat qui s’ouvre.

 

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