Discussion générale sur le projet de loi constitutionnelle

Discussion générale sur le projet de loi constitutionnelle

Monsieur le président, Madame la ministre, Madame, Messieurs les rapporteurs, Mes chers collègues,

Le professeur Pactet affirmait : « Le droit constitutionnel est un droit vivant, un droit en mouvement, qui évolue au cours du temps ». Il nous incombe aujourd’hui d’améliorer la Constitution en l’adaptant à l’évolution de notre société, plurielle et complexe.

Le projet de révision de la majorité cherche à atteindre une meilleure efficacité de la procédure législative. Des propositions seront faites en ce sens par notre Groupe. Mais, au lieu de s’intéresser véritablement à la maîtrise du temps de discussion, problème récurrent du Parlement dès son origine, cette révision constitutionnelle fragilise l’assemblée nationale en revenant sur les droits de l’opposition qui avaient été renforcés en 2008. La restriction du droit d’amendement et la confiscation de l’ordre du jour par l’exécutif, véritable retour à la Constitution telle qu’elle fut rédigée en 1958, met un terme au Parlement comme lieu de « l’épreuve de la discussion ». Attention à ne pas faire de la loi la norme de la technostructure française dont le contenu serait le seul produit d’une vision unilatérale et opaque de l’administration et de l’exécutif. La loi a besoin de discussions publiques et parlementaire pour représenter l’ensemble des courants d’opinion et d’expression de notre société. Et, les abus d’amendements que nous avons parfois constatés et dénoncés, doivent trouver une solution de bon sens dans le règlement et des règles déontologiques admises par tous les parlementaires.

De nombreux parlementaires, en renfort du projet initial, ont tenté de prendre en compte les enjeux actuels, préservation de l’environnement et participation citoyenne notamment. La réforme est cependant inaboutie et laisse sur le bord de la route un grand nombre de ces enjeux.

La préservation de l’environnement est un enjeu vital pour les générations présentes et futures. Un pas en avant a été effectué par la majorité à travers l’inscription, à l’article 1er de la Constitution, de la protection de l’environnement et de la diversité biologique, ainsi que de la lutte contre les changements climatiques. Cet article est en effet la clé de voûte de notre loi fondamentale, consacrant les grands principes de la République. Or, le principe de non-régression, essentiel pour débattre sereinement des progrès en matière de protection de la nature, n’a aujourd’hui qu’une simple valeur législative. Il apparaît essentiel qu’il figure désormais à l’article 1er. Pourquoi ne pas d’ailleurs ajouter le terme « écologique », parmi l’énumération solennelle des caractères de notre République ? Loin d’être incantatoire, ces modifications constitueraient comme le souligne Yann Aguila « une nouvelle avancée, en permettant d’inscrire la protection de l’environnement au cœur même de l’identité de notre République ».

 

La participation citoyenne est un deuxième enjeu que le projet de révision n’a pas pris à la bras le corps. Alors qu’un « sentiment de mal représentation », comme le soutient Pierre Rosanvallon, ronge notre démocratie, il faut permettre au peuple de prendre « une figuration concrète pour l’action ». La réforme du Conseil économique, social et environnemental ici proposée constitue un contournement malheureux des pouvoirs du Parlement. C’est au sein de celui-ci que doivent être initiées et se développer des procédures participatives. Par la participation, il s’agit d’ engager la discussion et faire ressortir toutes les énergies et l’inventivité de notre société. La proximité avec le citoyen est une exigence de l’élection au suffrage universel. Elle est mise à mal par la réduction radicale du nombre des députés et cette absence d’ouverture du parlement au citoyen. « La politique ne doit pas être l’art d’empêcher la population de se mêler de ce qui la regarde », la formule est de Paul Valéry.

Dans le même sens, la transparence et la déontologie qui garantissent l’impartialité et la lutte contre les conflits d’intérêts sont constitutives des valeurs de notre République et devraient trouver toute leur place au sein de ce projet de révision. Il en va de la confiance citoyenne que de pouvoir contrôler ceux qui agissent en son nom et lui imposent le respect de nouvelles règles. Le citoyen exige un droit de regard sur le travail de ceux qui le gouvernent, et on peut les comprendre. Dans le but de parachever les efforts entrepris depuis plusieurs années, il est essentiel que les mécanismes de contrôle de la probité des responsables publics, de prévention des conflits d’intérêts et de transparence de la vie publique soient inscrits au cœur du texte fondamental qui représente nos valeurs communes. Alors que « la transparence est une gardienne publique de l’intégrité », alors que la transparence est devenue une « forme d’exercice d’un pouvoir citoyen », alors que la transparence est le meilleur moyen de développer les lumières citoyennes, la majorité s’oppose à tout initiative dans ce sens.

De même, le numérique constitue un défi majeur pour la société mondiale tant il bouleverse les droits et libertés fondamentaux. Soyons un peu audacieux chers collègues, et inscrivons parmi les premiers États au Monde certains grands principes - la protection des données personnelles, ou encore un droit d’accès à internet – dans notre texte suprême. Le Président Macron l’avait lui-même proclamé lors de la campagne présidentielle ; « le numérique doit participer à l’exercice de la démocratie ».  Tirons les conséquences du travail transpartisan que nous avons mené pendant un an sur ces différents sujets.

Enfin, je terminerai sur la question des biens communs. Il s’agit de l’ascension irréversible d’une ancienne et nouvelle catégorie juridique, qui contraint entre autre la dimension individuelle des droits de propriété telle que définit par le code civil. Les thématiques que je viens d’évoquer, l’environnement avec les ressources vitales que sont l’eau, l’air, la nature, mais aussi les paysages, la révolution numérique, l’économie collaborative, constituent des communs qui nous relient et nous animent.  Notre Constitution est ce qui nous rassemble tous autour de valeurs qu’il convient de soustraire à des logiques de concurrence, d’économie et même à certaines pressions sociales. Réfléchissons alors à notre Constitution dans cette perspective d’y inscrire les valeurs et les principes dont notre vie commune, notre collectivité dépend. Faisons-en sorte que la Constitution soit aussi le socle de nos valeurs communes et universelles.

Pour conclure, on voudrait souligner qu’en rejetant systématiquement nos amendements, en particulier ceux qui visent à garantir des droits et libertés supplémentaires aux citoyens, la majorité semble avoir oublié que la Constitution, comme l’affirmait Benjamin Constant, est « la garantie d’un peuple ». Il est de notre devoir de le lui rappeler.

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