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Extrait du Journal d'une députée de campagne

Extrait du Journal d'une députée de campagne

« A quoi sert un député ? C’est à tous ceux qui se sont déjà posé cette question que s’adresse ce livre. On connaît bien ce qu’on pratique, et il est donc naturel que les Français ignorent le détail de nos actions ; mais il est de notre devoir de parlementaire de les éclairer à ce sujet.

J’ai souhaité, à travers cet ouvrage, expliquer nos missions, combats, et contraintes, par une plongée sans artifice dans le quotidien du député. C’est dans le cadre d’un récit linéaire que s’inscrit le choix de cet agenda ouvert, laissant le lecteur libre d’aller comme il le souhaite, entre mon travail à l’Assemblée nationale et celui en circonscription.

Aucune semaine ne ressemble à une autre. En revanche, toutes ont en commun, le rythme si particulier du député qui va d’un endroit à un autre de sa circonscription, de celle-ci à Paris et au sein du Palais Bourbon, de salles de commission à l’hémicycle, en passant par la conférence de presse et les rendez-vous divers et variés. L’intensité et la diversité de cet agenda sont finalement celles de nos villes et de nos campagnes.

Raconter

C’est à partir du constat d’un impensé juridique autour du rôle local du député que m’est venue l’idée de raconter le quotidien d’un parlementaire, dont le travail en circonscription est méconnu, voire négligé.

J’ai donc principalement retenu, dans ces sept jours, le fil conducteur qu’est l’agenda du député au fil des heures, dans une circonscription, acteur solitaire entouré de ses collaborateurs.

« J’ai résolu », disait Georges Bernanos dans le Journal d’un curé de campagne, « de faire le journal d’un jeune prêtre, à son entrée dans une paroisse. Il va chercher midi à quatorze heures, se démener comme quatre, faire des projets mirifiques. »

Ce sera donc le Journal d’une députée de campagne. La comparaison s’arrête là, révérence oblige. Ce n’est pas dans le Nord de la France, ni dans la commune d’Ambricourt que se déroule ce récit, mais dans une circonscription située dans le sud-est de la France, en Bourgogne. Et là où le curé est sans illusion sur ses faiblesses et la condition humaine, c’est au contraire avec la volonté de convaincre et de faire un travail utile que j’ai souhaité mener mon action.

La quatrième circonscription de Saône-et-Loire est une France en miniature de 112 000 habitants et 1965 km2, avec une diversité remarquable des paysages et des activités. La Bresse bourguignonne, dont Louhans est la capitale historique, est faite de bois et de prairies, de champs cultivés et de bocage. Elle se présente comme un pays d’eau constellé de centaines d’étangs, bordé par la Saône à l’ouest, traversé par le Doubs et par un riche réseau de rivières. A l’ouest, la circonscription englobe une partie de Chalon-sur-Saône, dont le nord se compose d’un quartier prioritaire et d’une vaste zone industrielle en plein renouveau après une difficile reconversion imposée par la fermeture du site Kodak en 2005. Le Tournugeois au sud-ouest comprend des sites emblématiques comme l’abbaye Saint-Philibert de Tournus et le site médiéval de Brancion, témoignages de son riche patrimoine. Et, pas moins de quatre restaurants étoilés, jusqu’à encore récemment, dans la seule ville de Tournus. Cette campagne offre une richesse naturelle et culturelle d’une qualité rare justifiant le projet de Parc naturel régional de Bresse, dont vous suivrez l’évolution au fil des jours que relate ce récit.

Le député est un être hybride, partagé entre une circonscription et l’Assemblée nationale. Il m’incombait donc aussi de vous faire le récit d’évènements caractéristiques du travail mené à Paris. Ce travail parlementaire est ignoré du grand public, qui ne connaît au mieux que les Questions Au Gouvernement (les fameuses « QAG »). Celles-ci ont désespéré plus d’un de mes invités par leur ambiance aussi indisciplinée que brouillonne, invités qui m’ont souvent fait part de leur déception devant de tels comportements. Mais, ces QAG, très médiatisées, sont finalement peu représentatives de l’activité du député.

La plupart d’entre nous ignorent la manière dont les textes sont modifiés, examinés, votés, et selon quels rythmes, quelles auditions, quelles prises parole, et quels accords… L’Assemblée est finalement une sorte de vaisseau dont on ne perçoit que l’hémicycle, mais qui repose en réalité sur une quille profonde et solide dans laquelle les idées se bousculent et tentent de répondre aux défis majeurs du XXIe siècle.

Défendre

Certes, ce livre s’adresse à toutes celles et ceux qui veulent comprendre et connaitre le rôle du député, mais il vise aussi tous ceux qui doutent de son utilité. Ce récit cherche donc à convaincre, ou du moins atténuer le jugement sévère porté sur les femmes et hommes politiques, dont la très grande majorité ont le souci de remplir au mieux leur difficile mission.

Nous entendons trop souvent, et de manière complaisante, le discours du député comédien ou déserteur de l’hémicycle. Cette vision simplifiée, raccourcie, nourrit un antiparlementarisme dangereux, et une crise de la représentation à la fois préoccupante et dure à supporter pour un parlementaire qui en est l’un des principaux acteurs.

L’enjeu de cet ouvrage est donc de taille. Démocratique d’abord, puisqu’il vise à réhabiliter l’Assemblée nationale et ses députés qui en font le coeur battant de la République. Il s’agit ensuite de redonner confiance, puisqu’en expliquant ce travail quotidien, on doit convaincre de son intérêt. Il faut aussi permettre au citoyen de renouer avec les institutions, d’en faire une juste critique, sans qu’il ne voit le  Parlement, comme un lieu obscur où des lois projetées par le Gouvernement, sont votées par une majorité qui dit oui et une opposition qui dit non.

Il n’y a pas d’un côté la haute sphère de l’hémicycle, la force symbolique de la loi, les ors de la République, et de l’autre côté, la terre, la boue dans les chemins, les maisons oubliées sur le bord de la route, la difficulté pour les petits villages d’être animés. Loin d’opposer ces deux mondes, il faut les réunir. Ce monde vivant fait la richesse du mandat du député et sa complexité.

Dans la suite du Parlement du futur, l’écriture de ce journal m’a donc amenée à exposer différentes propositions que je fais au cours de cette législature. Raconter, défendre, ne suffisent pas ; le parlementaire se doit de réfléchir à la place qu’il occupe au sein des institutions ainsi qu’à celle qui doit être faite au citoyen. »

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