LE MONDE Loi Macron : premières escarmouches à l’Assemblée



Loi Macron : premières escarmouches à l’Assemblée
LE MONDE | 17.12.2014 à 11h35 • Mis à jour le 17.12.2014 à 12h48 | Par Patrick Roger et Bertrand Bissuel





Alors que l’examen du projet de loi « pour la croissance et l’activité » débute le 26 janvier 2015 à l’Assemblée nationale (et non plus le 22, comme annoncé initialement), les protagonistes affûtent déjà leurs argumentaires. Mercredi 17 décembre, une mission d’information parlementaire, présidée par la députée Cécile Untermaier (PS, Saône-et-Loire), a rendu un rapport très riche sur les professions juridiques réglementées, l’un des volets les plus importants – et les plus controversés – du texte porté par le ministre de l’économie, Emmanuel Macron.

Elle formule une vingtaine de propositions, dont treize sont communes à Mme Untermaier et au « corapporteur », Philippe Houillon (UMP, Val-d’Oise). Certaines d’entre elles vont dans le sens de la « loi Macron » – en suggérant des aménagements –, d’autres défendent des options radicalement inverses. Le ministre de l’économie a indiqué, mardi, devant des députés, qu’il prendrait en compte les idéessusceptibles d’« enrichir » son texte.
Point de divergence
Le dialogue entre l’exécutif et les parlementaires s’annonce serré. Plusieurs dispositions du projet de loi « croissance et activité »inspirent de fortes réticences aux députés, de la majorité mais aussi de l’opposition, comme le montrent les recommandations de la « mission Untermaier ». Celle-ci est résolument opposée à la création d’un statut d’avocat en entreprise. Cette mesure est réclamée depuis des années, en particulier par les juristes d’entreprises qui souhaiteraient ainsi bénéficier de la confidentialité des échanges avec leur employeur, tout comme les correspondances entre les avocats et leurs clients. « Le lien de subordination [entre le juriste et la direction de la société] apparaît comme incompatible avec l’indépendance qui constitue l’“ADN” de la profession d’avocat », relèvent les auteurs du rapport. De même, Mme Untermaier et M. Houillon considèrent que les passerelles existant aujourd’hui entre la profession de juriste d’entreprise et celle d’avocat ne doivent pas être ouvertes « à l’excès ».


Autre point de divergence : la création de structures associant des professionnels du droit et de l’expertise-comptable. La « loi Macron » entend les favoriser, alors que la mission d’information parlementaire, elle, est très réservée, notamment parce qu’elles pourraient compromettre « l’indépendance des premiers » : les experts-comptables peuvent, en effet, ouvrir le capital de leur société à des investisseurs extérieurs à leur secteur. Mme Untermaier et M. Houillon jugent plus pertinent de faciliter les rapprochements entre professionnels du droit.
Sur la question des tarifs, les députés sont d’accord avec M. Macron, notamment sur l’idée d’impliquer l’Autorité de la concurrence, qui serait ainsi appelée à jouer les forces de proposition, le pouvoir de décision restant entre les mains du ministère de la justice. Mais des membres de la mission sont plus circonspects face à la mesure prévoyant de fixer un prix pour chaque prestation oscillant entre un minimum et un maximum (corridor tarifaire) : elle risquerait, à leurs yeux, d’entraîner une forme de dumping dans les professions concernées.
Devant la commission spéciale de l'Assemblée nationale constituée mardi pour examiner« sa » loi, M. Macron a voulu avant tout apaiser les multiples inquiétudes qui se sont manifestées. « Je suis ouvert », a-t-il martelé, soucieux de « déminer » tous les éventuels sujets de crispation. Sans rien lâcher sur le fond. « N’ayez pas peur des libertés qu’on donne. La société du choix, c'est aussi la société de l’émancipation », a-t-il lancé, en réponse à ceux qui voient dans le texte une « régression ».
Ainsi, sur la mise en place du statut d’avocat en entreprise, M. Macron s’est dit prêt à évoluer. « Je n’en fais pas un point dur », a-t-il précisé, souhaitant cependant trouver une solution « qui réponde aux besoins d’un certain nombre de grands groupes qui ont recours à des avocats d’entreprise étrangers ». Son propos faisait suite aux critiques formulées par le rapporteur de la commission spéciale, Richard Ferrand (PS, Finistère) : « Les dispositions envisagées paraissent incompatibles avec les exigences déontologiques de la profession d’avocat. »
« Trouver un équilibre »
S’agissant du travail dominical, point de clivage sensible à gauche, M. Macron s’est dit persuadé qu’« il existe une voie de progrès qui nous permettra de trouver un équilibre ». « Ce n’est pas à Paris de décider, comme un point fixe, le nombre de dimanches qu’il conviendrait d’ouvrir », a-t-il défendu, souhaitant que le texte « donne plus de libertés aux élus locaux » et inclue les intercommunalités dans le dispositif.
Sur les compensations à accorder aux personnels employés le dimanche, il a écarté la règle, un temps envisagée, d’un doublement de la rémunération pour les entreprises de plus de 25 salariés, estimant qu’elle était « facilement contournable » et qu’elle risquait de fragilisercertaines zones. « Il n’est pas possible de prévoir une compensation uniforme pour toutes les branches, a-t-il affirmé. Pas de seuil, donc, mais renvoi aux accords de branche ou de secteur, avec un pouvoir bloquant. Pas d’accord, pas d’ouverture [dominicale]. »
Au terme de quatre heures d’audition, qui ont vu se succéder une vingtaine d’intervenants, le ministre semblait avoir ouvert la voie à un débat parlementaire plus apaisé que les premières réactions pouvaient le laisser supposer.

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