Examen de la proposition de loi relative à la dignité en milieu carcéral

Examen de la proposition de loi relative à la dignité en milieu carcéral

La proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention a été examinée mercredi dernier en Commission des Lois.

Ce texte fait suite à une décision du Conseil constitutionnel, laquelle exigeait une loi garantissant le respect de la dignité de la personne humaine en détention. En effet, la France a été condamnée le 30 janvier 2020 par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour les conditions de détention dans ses prisons et l'absence de droit à un recours effectif. Le Conseil constitutionnel, saisi par la Cour de Cassation, dans sa décision du 2 octobre 2020, a décidé qu’il incombait au législateur de garantir aux personnes placées en détention la possibilité de saisir le juge.

Aussi, la proposition de loi prévoit le droit à un recours en cas de conditions "indignes":

1/ La personne plaignante pourra saisir soit le juge des libertés et de la détention, si elle est en détention provisoire, soit le juge de l'application des peines, si elle est en exécution de peine.

2/ Sur les critères de recevabilité de la demande, les allégations devront être circonstanciées, personnelles et actuelles, constituant un commencement de preuve. Le juge fera procéder aux vérifications et recueillera les observations de l’administration pénitentiaire.

3/ Si le juge estime la requête fondée, une procédure en deux temps s'engage :

→ Le juge fait connaître à l’administration pénitentiaire les conditions qu’il estime contraires à la dignité. L’administration doit d’abord prendre des mesures pour mettre fin aux conditions de détention indignes dans un délai compris entre 10 jours et un mois, par les moyens qu’elle estime appropriés.

→ Si le problème n’est pas résolu par l’administration, le juge statue et a le choix entre 3 décisions, lesquelles peuvent faire l'objet d'un appel :

  • Ordonner le transfèrement de la personne.
  • Ordonner la mise en liberté de la personne, si elle est placée en détention provisoire (éventuellement assortie d’un contrôle judiciaire ou assignation à résidence).
  • Ordonner un aménagement de peine si la personne est définitivement condamnée et est éligible.

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Mon intervention en Commission des Lois ↓

Ce texte est une première étape permettant de garantir la dignité en détention. Mais plusieurs écueils ont été identifiés, le groupe a donc déposé des amendements.

La forme que doit prendre la requête de l'intéressée doit être précisée et le choix doit lui être laissé de former ses allégations par écrit ou par oral au cours d'un entretien avec le juge. De même, compte tenu de la difficulté pour le détenu ou le prévenu d'apporter des éléments précis et circonstanciés sur sa situation, les allégations devraient constituer un faisceau d'indices, plutôt qu'un commencement de preuve.

Des amendements ont également été déposés sur les délais tout au long de la procédure, qui pourrait s'étaler sur une période de deux mois et demi en cas d'appel. Le droit à un recours effectif et efficace nous oblige à raccourcir ces délais.

Par ailleurs, suivant une logique de simplification et de rapidité de l'application des mesures, il serait utile que le juge statue directement, sur les mesures permettant de remédier à la situation, au lieu d'enjoindre au préalable l'administration pénitentiaire à prendre ses dispositions. Car si celle-ci ne parvient à pallier le problème après un mois, le juge statuera alors. Au demeurant, dans une procédure de droit à un recours, le juge a toute sa place et ne peut s'effacer derrière l'administration.

Au surplus, un amendement propose une priorisation différente des décisions du juge, avec le transfèrement en dernier recours. En effet, l'éloignement géographique entraîne des conséquences sur les droits du détenu, risquant de le dissuader de jouir de son droit au recours : maintien des liens familiaux, droits à la réinsertion si la personne est déjà engagée dans un projet… 

La cause est effectivement structurelle, avec une surpopulation carcérale endémique. Elle n’aura de sens que si l’administration est en mesure d’offrir des solutions acceptables. Une politique de régulation carcérale apparaît donc indispensable sur le moyen et long terme. C'est pourquoi deux amendements demandant au Gouvernement de remettre un rapport sur les mesures prises contre la surpopulation carcérale et un rapport sur l'application et l'efficacité des dispositions du texte ici examiné ont été déposés.

Le texte issu de la Commission des Lois sera discuté en séance publique le 19 mars prochain et nos amendements seront défendus dans le cadre de ce débat.

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