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Examen dans l'hémicycle du texte luttant contre l'antisémitisme et le racisme

Examen dans l'hémicycle du texte luttant contre l'antisémitisme et le racisme

La proposition de loi visant à renforcer la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste ou antisémitisme a été débattue en séance publique mercredi dernier.

Pour rappel, il s’agit de donner au tribunal correctionnel la possibilité de décerner un mandat d’arrêt ou de dépôt en cas de condamnation pour contestation ou apologie de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, et de délits d’injure et de diffamation lorsqu’ils sont commis envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, appartenance ou non-appartenance à une ethnie, nation, race ou religion déterminée.

Par ailleurs, les contraventions actuellement prévues en matière de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, de diffamation, ou d’injure non publique présentant un caractère raciste ou discriminatoire, sont transformées en délits.

Ces injures seraient alors punies de 3750 euros d’amende contre 1500 euros aujourd’hui, avec circonstance aggravante lorsque le délit est commis par une personne dépositaire de l’autorité publique (1 an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende).

Les sanctions en réponse aux injures publiques quant à elles ne sont pas modifiées. Il s’agit aujourd’hui d’un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, avec circonstance aggravante lorsque l’injure est commise par une personne dépositaire de l’autorité publique (3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende). 

"Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mes chers collègues, 

« Soixante-dix ans se sont écoulés depuis la nuit de l'Occupation, les crimes des nazis et de leurs complices de Vichy. Le temps de l'Histoire a succédé au temps de la Mémoire. Les derniers témoins vont disparaître à leur tour. Et l'antisémitisme est toujours vivant.  […] La tâche est immense et l'enjeu considérable. Car il en va de l'antisémitisme comme du racisme. Ce sont des poisons de la République. A une certaine dose, elle en meurt. » Tels étaient les mots de Robert Badinter, au soir de sa vie, sur ce fléau contre lequel il a lutté sa vie durant. 

Et, il n’est pas besoin d’être juif ou d’appartenir à une communauté pour en défendre les droits. Les principes humaniste et républicain prévalent.

1/ Les crispations identitaires se développent, le racisme et l’antisémitisme s’expriment à découvert. La France est menacée par ces comportements séparatistes. Renouveler l’universalisme au-delà des religions ou des origines est dans notre République, dans la fraternité, qui signifie l’accueil, l’ouverture et non le repli.

Nous sommes tous très préoccupés par la hausse importante des actes antisémites et racistes. 14 930 plaintes ont été déposées pour ces actes en 2023, soit une augmentation de 18% par rapport à 2022. 129 condamnations pour menaces et 112 pour atteintes aux biens en 2023. Depuis le 7 octobre dernier, 281 affaires ont été signalées à la Cour d’appel de Paris. L’Education nationale enregistre une explosion de ces faits dans les collèges et lycées. Il y a nécessité d’agir.

2/ Ce texte entend combler des « vides juridiques » qui empêchent une répression plus dissuasive des infractions à caractère raciste ou antisémite, plus particulièrement s’agissant des injures non publiques. S’il ne pose pas de difficulté et si nous soutenons toutes mesures permettant de combler les trous dans la raquette, nous nous interrogeons toutefois sur l’efficacité du dispositif à répondre efficacement à ce phénomène. 

-L’article 1er, dont le champ a été élargi en commission des Lois et qui donne au tribunal correctionnel la possibilité de décerner un mandat d’arrêt ou de dépôt contre un prévenu condamné à une peine d’emprisonnement pour contestation ou apologie de crimes contre l’humanité, risque d’avoir une application limitée. Ce dispositif impliquera l’émission d’un mandat d’arrêt international, les auteurs de telles injures se trouvant majoritairement à l’international. Les Etats tiers pourront refuser de le délivrer, les délits d’opinion étant exclus des mandats d’arrêt internationaux. La qualification des injures publiques en délit d’opinion dépendra de chaque Etat. 

Par ailleurs, les juristes spécialistes craignent un usage dévoyé potentiel de cette disposition. Mais au-delà des réserves émises pendant les auditions, cet article vient répondre me semble-t-il de manière ponctuelle à cette situation intolérable qui implique une action de cette nature.

-L’article 2, qui transforme en délits les contraventions d’injures racistes ou discriminatoires non publiques, a son utilité en ce qu’il porte un effet dissuasif plus important. Toutefois, selon le CNB, l’aggravation des peines a un effet relatif sur la délinquance. Et surtout, bien que les injures non publiques soient intolérables, ce sont les injures publiques qui sont très préoccupantes. 60% des crimes et délits racistes sont des injures publiques, avec une volonté de diffuser ces idées mortifères et de convaincre des tiers. C’est le phénomène de masse qui abîme nos systèmes démocratiques. 

3/ Aussi, il nous faut en priorité responsabiliser davantage les hébergeurs de sites et les réseaux sociaux, qui ont une responsabilité énorme dans la diffusion des injures, en renforçant la veille opérée par Pharos. Le plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations propose ainsi de créer un guichet unique pour faciliter le traitement des signalements. Nous ne pourrons avancer qu’avec le concours de l’exécutif sur ce point. 

4/ Enfin, dans la suite de l’adoption de notre amendement en commission, prévoyant la proposition systématique de la justice restaurative aux deux parties dans les cas d’injures non publiques, nous avions proposé un dispositif similaire s’agissant des injures publiques. Il a été écarté pour irrecevabilité. La mise en place d’un dialogue entre la victime et l’auteur nous semble ici prendre toute sa place, en ce qu’elle offre un espace d’échange et de confrontation des points de vue et ressentis, et vient réparer un fossé intellectuel immense constitué par le racisme et l’antisémitisme."

Notre amendement prévoyant le caractère systématique de proposition d'une justice restaurative, a été précisé en séance publique, obligeant désormais de proposer ce dispositif à tous les stades de la procédure dans le cas d'injures racistes, antisémites et discriminatoires non publiques. De même, notre amendement créant une peine complémentaire de stage spécifiquement dédié à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations, a été adopté.

Le texte doit maintenant être examiné au Sénat, afin de poursuivre son parcours législatif. 

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