Adoption du texte Accélération et simplification de l'action publique à l'Assemblée

Adoption du texte Accélération et simplification de l'action publique à l'Assemblée

Le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) a été adopté à l'Assemblée nationale cette semaine. Pour rappel, le projet de loi comporte cinq titres:

  1. La suppression de commissions administratives
  2. La déconcentration de décisions administratives individuelles
  3. La simplification de procédures applicables aux entreprises
  4. Diverses dispositions de simplification
  5. La suppression de surtranspositions de Directives européennes en droit français

J'ai, pour ma part, voté contre ce texte, pour les raisons évoquées lors de mon intervention. ⬇

 

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Monsieur le Rapporteur,

Chers collègues,

Le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique a connu une forte inflation avec un triplement du nombre de ses articles depuis son dépôt initial.

Je ne vous cache pas que le caractère particulièrement hétéroclite des mesures qu’il contient rend l’appréciation globale du texte et son intelligibilité difficiles. Elle pose surtout la question de la constitutionnalité de nombre des mesures proposées, tant la horde de cavaliers législatifs est imposante.

Nous sommes en quelque sorte, face à la voiture balai des lois PACTE, ELAN, Energie et climat ou encore Confiance dans l’action publique. Dans le contexte économique, social et sanitaire que nous connaissons, il n’est effectivement pas exclu que ce texte comporte les dernières réformes de libéralisation du quinquennat.

Nous regrettons que le Gouvernement ait largement contribué à la frénésie inflationniste en déposant pas moins d’une quarantaine d’amendements portant articles additionnels depuis la 1ère lecture devant le Sénat, pour un texte qui comptait 50 articles au départ.

Si nous ne remettons pas en cause la possibilité pour le Gouvernement de proposer des articles additionnels, il ne saurait s’autoriser, Madame la Ministre, à produire ainsi un quasi texte bis, en s’extrayant par ce biais des obligations que lui fait l’article 39 de la Constitution en matière d’études d’impact et d’avis du Conseil d’Etat.

Cela est d’autant plus problématique quand le Gouvernement propose, par exemple, de créer un tout nouveau régime exceptionnel en matière de commande publique, sans aucune étude d’impact et avec un exposé des plus sommaires.

En matière de marchés publics, nous craignons fortement que les desserrements opérés sur les règles de seuil et de publicité ouvrent la porte à une recrudescence de la corruption tant la liberté donnée aux acheteurs publics sera grande.

Aucune évaluation du Gouvernement n’a été opérée sur ce sujet qu’il s’agisse de ce risque, de l’accès à la commande publique des petites entreprises, ou des incidences pour les finances publiques.

Mais plus encore que le respect des procédures et la méthode du Gouvernement, c’est bien le fond de nombreuses dispositions du texte qui nous inquiètent vivement.

Je l’ai évoqué, nous ne disposons d’aucun élément permettant d’apprécier les conséquences des articles 44 quater et quinquies qui prévoient de nombreuses dispositions dérogatoires en matière de passation de marchés publics, ou sur le nouveau dispositif pérenne relatif aux circonstances exceptionnelles. 

Nous craignons également l’effet cumulatif des dispositions prévues dans ce projet de loi en matière d’environnement et d’urbanisme.

Nous ne comprenons pas que, quelques mois après le rendu du rapport sur la catastrophe de Lubrizol, votre première action législative consiste à alléger les procédures et réglementations relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement.

Ceci étant, entre ces mesures, le projet de loi relatif à la réautorisation partielle des néonicotinoïdes et le renvoi aux calendes grecques des propositions de la convention citoyenne sur le climat, nous avons bien compris que le tournant écologiste du Gouvernement n’avait de visée qu’électorale à l’orée d’élections municipales qui elles aussi ont constitué pour vous une catastrophe industrielle.

Prenons ces mesures dans le détail.

La possibilité donnée au Préfet d’autoriser le commencement de certains travaux avant la fin des évaluations environnementales dans certaines conditions n’est pas acceptable.

Vous vous rangez derrière le fait que de tels travaux seraient réalisés aux frais et risques des porteurs de projet et que ceux-ci ne préjugent évidemment pas des autorisations d’exploitation. Cependant, vous oubliez le fait que ce qui peut porter une atteinte irréversible à l’environnement peut être aussi simple que la route qui va relier l’implantation par exemple.

Et ces incidence environnementales vont être de plus en plus difficiles à évaluer alors que l’article 23 rend possible le saucissonnage des études environnementales, ce qui pose un principe d’évaluation environnementale opération par opération. Outre que cet article est contraire au droit de l’Union européenne, chacun conçoit bien qu’on ne peut véritablement mesurer l’impact environnemental d’un projet ou d’un site qu’en intégrant l’ensemble des impacts et externalités.

Nous pourrions compter sur nos concitoyens pour jouer un rôle de lanceurs d’alerte sur ces questions, mais vous avez décidé également de restreindre celle-ci en simplifiant les procédures de concertation du public dans plusieurs domaines ou en les limitant à une consultation numérique.

Sur l’éolien en mer, vous avez acté que le Gouvernement pourrait lancer la procédure d’appel d’offres avant même que l’opportunité du projet n’ait été débattue dans le cadre de ces concertations.

Les citoyens se demanderont ce qu’ils font là ou, et c’est certainement l’objectif, considèreront que tout est joué et se détourneront de la procédure.

Vous réduisez également à l’article 24 bis, de 4 à 2 mois le délai durant lequel le droit d’initiative peut être exercé en l’absence de concertation préalable.

Nous avons porté plusieurs amendements de suppression de ces articles qui, sous couvert de simplification, engageaient un recul environnemental et démocratique que nous ne pouvons cautionner.

Certains ont été adoptés contre l’avis du rapporteur et du Gouvernement, témoignant d’un malaise même au sein de la majorité, d’autres n’ont été rejetés qu’à une poignée de voix près.

Alors bien sûr, tout n’est pas à jeter dans votre projet de loi. Il y a de nombreuses propositions de simplification de bon sens, certaines actant la caducité de plusieurs instances, d’autres issues du rapport rendu au Premier ministre par notre rapporteur, certaines mêmes issues de ma famille politique. C’est le cas par exemple des dispositions relatives à la résiliation des assurances emprunteur et introduites par le groupe Socialiste au Sénat en 1ère lecture.

Cependant, Madame la Ministre, Monsieur le Rapporteur, vous aurez compris que trop de dispositions nous paraissent défavorables en matière démocratique et environnementale, ou aller dans le sens d’une libéralisation que nous ne cautionnons pas. Notre groupe votera donc contre le projet de loi.

Les groupes de gauche de l’Assemblée nationale saisirons, par ailleurs, le Conseil constitutionnel afin que les dispositions contestées de par leur nature ou leur procédure d’adoption, soient retirées de ce texte. Je vous remercie.

Cécile Untermaier

Le 28 octobre 2020

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