Projet de loi "Engagement et Proximité" : mon intervention en discussion générale

Projet de loi "Engagement et Proximité" : mon intervention en discussion générale

Monsieur le président,

Monsieur le ministre,

Monsieur le rapporteur,

Chers collègues,

Il s’agit par ce texte de dire aux maires qu’on les aime à un moment où éclate l’exaspération un peu partout. Une opération séduction, qui n’exclut d’ailleurs pas un travail sérieux,  qui se déroule ici, le jour de l’ouverture du Congrès des maires, comme si le gouvernement craignait que cette action législative dédiée passe inaperçue.  Il ne sera pas question ici des désaccords forts sur la fiscalité locale, la taxe d’habitation et la gestion de la compétence eau et assainissement.

Cinq observations sur le contexte et trois remarques sur ce projet de loi.

I – Observations

1) La Loi NOTRe dont le rapporteur était olivier Dussopt, actuellement membre du Gouvernement, adoptée à la suite d’une CMP conclusive qui s’est déroulée au Sénat, sous la présidence de Philippe Bas, a fait l’objet de longs débats centrés autour de l’intercommunalité. Nous étions quelques collègues à rappeler en vain  l’utilité de consacrer aussi notre réflexion à  l’échelon local si particulier que constitue la commune et son équipe de bénévoles que représente le conseil municipal.

La commune est à la démocratie ce que l’école est à la science disait Tocqueville.  C’est dire si nous devons prendre garde et sans conservatisme à ce patrimoine millénaire que l’Etat ne crée pas, mais qu’il trouve.

Son existence, c’est l’histoire des habitants d’un territoire donné, aimé et façonné. D’une nature différente de celle d’un département ou d’une intercommunalité résultant de lois et décrets et de cartes dessinées par une administration d’Etat.

2) L’intercommunalité doit offrir un espace adapté aux contraintes géographiques et aux habitudes de vie. Un espace suffisant, rendant possible, le développement des politiques publiques de proximité qu’attendent nos concitoyens : mobilité/transport ; environnement, culture.

Des fusions de communautés de communes intéressantes il y en a beaucoup et je ne pense pas qu’elles soient nombreuses à envisager de modifier leur périmètre. Mais, J’ai vu aussi des intercommunalités conserver un périmètre dérogatoire restreint avec pour seul objectif, de conserver un équilibre politique favorable et des vice-présidences, dans une intercommunalité d’un peu plus de 10 000 habitants alors qu’une agglomération de taille moyenne offrait une solution à moindre coût et efficace en terme de développement des politiques publiques de proximité.

3) La petite intercommunalité fait souvent perdre leur intérêt aux communes rurales rassemblées autour d’une ville centre dont elles constatent la volonté hégémonique. Beaucoup d’élus de ces communes rurales ont mal vécu ces conseils communautaires dominés par une ville centre dont le poids politique écrase la démocratie locale.

4) Il  n’y a pas eu de raz-de-marée de communautés de communes XXL. Et je crois savoir que les communautés de communes XXL telle que celle de M. Baroin fonctionne plutôt bien me dit-on.

Sur 1258 EPCI, 143 ont plus de 50 communes et 47 % en ont moins de 20.

Plus de 80 % des intercommunalités sont satisfaites. C’est la raison pour laquelle, sans doute, ce sont moins de 11 articles de la loi Notre en comptant 136, qui seraient modifiés et modifiés à la marge par le présent texte. Ceux qui espéraient un démantèlement de la loi Notre seront déçus.

5) La conférence des présidents de l’Assemblée nationale vient de décider d’une mission parlementaire sur la concrétisation des lois, qui a pour objectif de nous permettre de veiller au bon atterrissage du texte que nous avons voté. Le législateur doit pouvoir mieux que par le passé, dans un travail à la fois croisé et parallèle avec l’administration, les usagers et les élus locaux, suivre au plus près l’application du texte qu’il a adopté et constater par lui-même les manquements et les effets non maîtrisés de tel ou tel dispositif. Cela aurait été utile pour la loi Notre, cela continue à l’être pour d’autre textes de ce quinquennat, et celui-ci en particulier.

II - Le texte

Ce texte issu du Grand débat et de la découverte par l’exécutif du ras-le-bol des élus locaux et de leur rôle essentiel dans la démocratie locale, est en quelque sorte un mode d’emploi simplifié et facilité à destination des élus locaux, de l’organisation territoriale actuelle. Il tente de leur redonner la main. La commune revient au cœur d’un bloc dont l’intercommunalité est un outil utile à son développement. Cette mise au point est bienvenue.

Trois remarques :

1) De même que nous avions omis de consacrer le rôle de la commune, ce texte omet de parler du citoyen. Etonnant quand on sait qu’il s’inscrit dans la suite du Grand débat, après les Gilets jaunes et de l’actuelle convention citoyenne pour le climat.

Nous devons à un amendement du rapporteur une incise dans l’article 1er qui traite du pacte de Gouvernance. Nous vous proposerons de compléter ce louable ajout intervenu en commission des lois et satisfaisant en partie d’ailleurs un de nos amendements.

Le maire est confronté au silence, voire au désintérêt de sa population. Avant l’irréversible, il nous faut prévenir ce mouvement de défiance, d’indifférence et partager avec les élus locaux, dans ce texte, l’idée que la consultation citoyenne peut se faire, à leur initiative,  par de multiples voies.

2) La formation. La voie de l’ordonnance est une erreur. Merci Monsieur le ministre de n’avoir pas fait valoir l’urgence comme raison d’un tel choix. En effet, il est constant qu’un texte par voie d’ordonnance n’est pas adopté plus rapidement. En revanche, il est incontestable qu’il l’est moins démocratiquement.

L’opacité entoure la formation. Elle sert d’autres causes souvent ;  elle connaît des excès parfois  (des élus de grandes villes ont ainsi pu bénéficier de formations de plus de 40 000 euros pour apprendre à parler en public…) ; elle connaît des insuffisances  (les élus ne peuvent bénéficier d’une formation dès les premiers mois de leur premier mandat) et les dossiers à constituer sont des usines à gaz.

Il nous faudrait associer l’université à la formation des élus, lui donner les moyens de proposer des diplômes universitaires permettant à ces derniers de bénéficier d’une prestation de qualité, à prix moindre, susceptible de construire leur vie professionnelle future, pourquoi pas.

3) Enfin la déontologie est absente de ce texte. Est-ce qu’elle constituera Monsieur le ministre,  le quatrième D de la loi 3D qu’on nous annonce ?...

Un référent déontologue a été institué par la loi de 2015 sur la fonction publique, mais il est exclusivement compétent vis-à-vis des agents. Il est temps d’étendre aux élus locaux, la compétence du référent déontologue, personnalité qualifiée indépendante, qui donne un avis sur des saisines individuelles et confidentielles, sans pouvoir de sanction.

Agents et élus prennent ensemble des décisions qui peuvent faire l’objet de poursuites. La jurisprudence judiciaire est très stricte et le délit facilement constitué. Il faut a minima un référent déontologue au service des élus pour les protéger contre le risque pénal en matière de prise illégale d’intérêt notamment. Ils paient chers une erreur alors qu’ils sont de bonne foi souvent.

En amont de la protection fonctionnelle que vous voulez étendre à juste raison, nous pourrions ainsi dans ce texte, par un amendement du rapporteur ou du gouvernement, prévoir cette extension, dans le droit fil de la loi de 2015, de manière opportune dans un texte cette fois consacré aux élus locaux.

Cette dernière disposition s’inscrit dans l’esprit du texte qui est de donner de nouveaux droits aux élus, les accompagner dans leurs missions délicates, sans les contraindre, à un moment où nombre d’entre eux se sentent livrés à eux-mêmes dans des dossiers de plus en plus complexes.

Nous attendons donc de ce débat, un travail constructif sur un texte qui se veut consensuel.

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