Nationalisation des entreprises Luxfer et Famar : mon entretien avec le magazine "Lyon Capitale"

Nationalisation des entreprises Luxfer et Famar : mon entretien avec le magazine "Lyon Capitale"

J'ai été interrogée ce vendredi par le magazine "Lyon Capitale" dans la cadre d'un article sur les questions de souveraineté sanitaire dans le contetxe de l'épidémie de Covid-19, et plus particulièrement sur l'amendement déposé mardi par notre groupe relativement à la nationalisation des entreprises stratégiques Luxfer et Famar. Voici les éléments d'explication que j'ai transmis au journaliste :

L’amendement de notre groupe parlementaire, déposé le 16 avril dans le cadre du Projet de loi de finances rectificative pour 2020 (PLFR), visait à ouvrir 40 millions d’euros de crédits afin de permettre à l’État de nationaliser- temporairement- les sociétés Luxfer et Famar. Deux sociétés produisant des biens stratégiques en matière de santé. Ceci nous semblait correspondre aux préoccupation du Président de la République, lequel dans son allocution du 12 mars dernier avait affirmé : « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie, au fond à d’autres, est une folie ».

Si ce constat est terrible pour la sixième puissance mondiale et nécessitera la définition d’une nouvelle doctrine et une dynamique de relocalisations à moyen terme, la France dispose également, à court terme, d’outils permettant d’inverser rapidement la tendance.

Ces outils, ce sont des fleurons industriels qui produisent, ou produisaient jusqu’à récemment, du matériel médical de pointe essentiel pour faire face aux besoins induits par une telle crise.

1- C’est d’abord la société Luxfer, située à Gerzat dans le Puy-de-Dôme, qui était jusqu’en 2019 la seule entreprise de l’Union européenne à fabriquer des bouteilles d’oxygène à usage médical.

Alors que l’épidémie de Covid-19 fait d’abord appel aux capacités de réanimation et d’assistance respiratoire de notre système de santé, il s’agit là d’un actif stratégique majeur. Il est d’autant plus utile en temps de crise alors que les patients doivent être transférés en grand nombre par la route, le rail ou les airs, nécessitant une assistance respiratoire permanente avec un équipement aussi léger et maniable que possible.

Aujourd’hui, cette PME et ses 136 salariés sont à l’arrêt. Cependant, les machines et le savoir-faire humain demeurent présents, de même que la volonté, pour une partie des salariés, de reprendre leur activité. Ceux-ci ont d’ailleurs travaillé à un plan permettant de relancer la production en seulement neuf semaines.

Il est essentiel que la France puisse assurer son indépendance stratégique en conservant une capacité de production sur son sol.

2- Cet enjeu existe également pour la société Famar, entreprise spécialisée dans la production pharmaceutique et notamment de la Nivaquine, un antipaludique à base de Chloroquine, une des molécules dont l’utilisation est envisagée sérieusement pour le traitement du Covid-19, notamment en phase initiale de la maladie.

La société, basée près de Lyon, est actuellement en redressement judiciaire et si un repreneur potentiel s’est fait connaître le 3 avril dernier, son identité demeure inconnue. Il est essentiel de veiller à ce qu’eu égard aux enjeux, celle-ci ne soit pas liquidée ou reprise par un fonds vautour qui spéculerait sur le prix de vente de cette molécule ou par un repreneur qui chercherait à en délocaliser la production.

Au-delà du seul cas de la Chloroquine, le maintien sur le territoire national d’usines capables de fabriquer des molécules essentielles ou des vaccins redevient aussi stratégique que la capacité à assurer notre autosuffisance en matière alimentaire ou de production d’électricité.

C’est le sens de la proposition de loi portée par le groupe, qui proposait la nationalisation temporaire des deux entreprises précitées. Seule manière pour l’État de disposer d’un contrôle effectif de ces actifs stratégiques et de leurs productions afin d’assurer son indépendance sanitaire.

Du côté du Gouvernement, on met en avant les 20 milliards d’euros inscrits au Compte d’affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l’État », qui doivent servir à anticiper les nationalisations d’entreprises stratégiques. On ne connaît pas encore la liste de ces dernières, mais Luxfer et Famar ne sont visiblement pas considérées comme telles.

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