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L'élection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce discutée en séance publique

L'élection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce discutée en séance publique

La proposition de loi permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce a été examinée cette semaine en séance publique, après avoir été discutée en commission des Lois la semaine dernière. Le texte n'avait pas été modifié en commission.

Mon intervention en séance publique :

"Monsieur le garde des Sceaux,

Monsieur le Président, 

Madame la Rapporteure

Mes cher.e.s Collègues,

I/ La présente proposition de loi a une résonance particulière en ce qu’elle s’inscrit dans la continuité de la mission d’information que nous avions menée avec le député Marcel Bonnot, relative à la justice commerciale. 

Trente propositions avaient été formulées, permettant de conforter la légitimité des juges consulaires par leur mode d’élection, leur statut, leur formation et le renforcement de leur déontologie. Certaines de ses recommandations ont été reprises par des textes majeurs. 

La loi PACTE a ainsi supprimé le statut de délégué consulaire, afin de confier l’élection des juges consulaires directement aux membres de chambres de commerce et d’industrie. Il s’agissait de la proposition n°1 de la mission. 

La loi de modernisation de la justice du XXIè siècle, quant à elle, a instauré une obligation de formation initiale et continue au sein de l’Ecole nationale de la magistrature et une protection fonctionnelle des juges consulaires identique à celle des magistrats professionnels. Elle a par ailleurs accru les exigences déontologiques attenantes aux juges consulaires et que sont en droit d’attendre les justiciables.  L’établissement d’une déclaration d’intérêts lors de la prise de fonction et du renouvellement du mandat, issue de la recommandation 8 de notre rapport, est désormais obligatoire. 

Ces règles déontologiques sont fondamentales, puisque le jugement par des pairs, s’il permet de garantir une compétence de terrain, impose néanmoins un regard accru sur les conflits d’intérêts potentiels nombreux. L’article R721-11-1 du code du commerce créé par décret en 2016, impose d’ailleurs, comme le préconisait la proposition 6 de notre mission, que le Conseil national des tribunaux de commerce élabore un recueil des obligations déontologiques des juges des tribunaux de commerce, qui est rendu public. Ce recueil existe désormais. 

De toute évidence, il reste à traiter un certain nombre de questions concernant la justice commerciale. Par exemple, nous avions pensé à favoriser l’accès des juges consulaires au statut de magistrats professionnels, pour siéger en cour d’appel et constituer à ce niveau,  là aussi,  un vivier de spécialistes des affaires économiques et commerciales. Dans le même temps, nous avons mis en place  des formations pour les magistrats de l’ENM et suggéré d’organiser un cheminement de carrière dans cette voie des affaires économiques et commerciales pour les magistrats professionnels. 

Il importe aussi d’avancer sur l’expérimentation d’une organisation échevinée au niveau du premier ressort (c’est-à-dire magistrats professionnels et juges consulaires issus de l’entreprise et de l’artisanat), à l’instar de ce qui est une réalité en Alsace-Moselle et dans les territoires ultramarins, et cela se passe plutôt bien. 

II/ Le présent texte, qui vient réparer une erreur commise dans le cadre de la loi PACTE en rétablissant l’éligibilité des juges consulaires en exercice et des anciens membres des tribunaux de commerce, est évidemment une bonne chose. 

Cette erreur aurait eu pour conséquence le tarissement du vivier des juges consulaires, soit environ 500 sur les 3357 juges consulaires qui auraient été privés d’éligibilité. 

Le nombre de mandats dans un même tribunal de commerce est désormais strictement limité à 5, que ces mandats se succèdent ou non. A ce propos, il est utile de rappeler que la mobilité des magistrats et donc le renouvellement dans un même tribunal, est un des moyens de répondre à l’exigence d’impartialité objective attendue par les justiciables. Cela vaut pour la justice commerciale, d’autant que le jugement est rendu par des pairs. 

En somme, notre groupe n’émet aucune observation négative sur ce texte qui entend garantir un vivier de juges consulaires suffisant pour assurer le bon fonctionnement des tribunaux de commerce et renforce les conditions déontologiques entourant leur statut. Le groupe votera donc ce texte conforme. 

En conclusion

Derrière la justice commerciale dont il est question aujourd’hui, des emplois, des vies et l’impact social et économique dans nos territoires, sont en jeu. L’arrêt progressif des mesures d’accompagnement des entreprises dans le cadre de la crise sanitaire va couper la ligne de vie de nombreux commerces qui risquent de se retrouver devant ces tribunaux. Beaucoup de dossiers seront donc sur la table et il sera nécessaire de dissocier les entreprises structurellement faibles, de celles ponctuellement affectées par la crise mais viable sur la base de leur modèle économique.  Nous avons besoin d’une justice en ordre de marche. 

Il est d’ailleurs à ce sujet légitime d’espérer que les Etats généraux de la justice, qui se tiendront cet automne, traiteront aussi de la justice commerciale. Les enjeux dans divers domaines méritent notre intérêt et notre attention. 

Je vous remercie. "

Rappel contextuel: 

Les juges consulaires, qui sont ou ont été chefs d’entreprises, statuent en 1ère instance dans les tribunaux de commerce, à titre bénévole.

Depuis 1961, les juges des tribunaux de commerce ne sont plus élus directement par les commerçants, mais par un collège électoral composé de délégués consulaires (présents dans les chambres de commerce et de l’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat), ainsi que des juges consulaires en exercice et des anciens juges du tribunal concerné.

Toutefois, la loi PACTE, a supprimé le statut de délégué consulaire et donc réformé les modalités d'élection des juges consulaires, qui seront désormais élus directement par les membres des CCI et des CMA, en plus des juges et anciens juges du tribunal. En abrogeant ce statut de délégué consulaire - abrogation qui prendra effet cet automne - la loi a également supprimé involontairement, la possibilité pour les membres actuels et anciens des tribunaux de commerce de se représenter. 

Ce faisant, environ 500 des 3357 juges consulaires seraient privés d’éligibilité avec les conséquences qu’entraînerait la perte d’autant de juges expérimentés et les difficultés de les remplacer. Ce texte a donc pour objectif de corriger cet effet de bord de la loi PACTE. La proposition de loi a par ailleurs été enrichi au Sénat par des dispositions renforçant les critères éthiques relatifs aux tribunaux de commerce.

Rappel des principales dispositions: 

-Rétablissement de l'éligibilité des juges en exercice dans le tribunal et les tribunaux limitrophes ainsi que, sous condition d’ancienneté et de résidence, leurs anciens membres et ceux des tribunaux non limitrophes.

-Exclusion de l’éligibilité des personnes condamnées pénalement pour des agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ou frappées d’une peine d’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer un entreprise...

-Limitation du nombre de mandats des juges consulaires à 5, successifs ou non.

-Renforcement des critères déontologiques concernant le corps électoral des juges consulaires: obligation aux anciens juges d'avoir exercé pendant au moins six ans pour être électeur, ne pas avoir été déclarés démissionnaires, ne pas avoir été frappés d'inéligibilité, ne pas être inscrits sur les listes électorales de plusieurs tribunaux de commerce.

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