Revenir à une police de proximité républicaine

Revenir à une police de proximité républicaine

Dans une tribune parue le samedi 13 juin dans le cahier "Idées" du journal Le Monde, un collectif de responsables de la sécurité publique et de chercheurs, dont le Bressan Michel Debost, regrette la récupération politicienne des questions de sûreté publique. Pour sortir de l’emprise du politique, il propose de revenir à une police de proximité républicaine :

Pour  plus de démocratie dans notre sécurité du quotidien

Notre police de sécurité publique incarné par le gardien de la paix a été longtemps banale et prosaîque. L’Etat et la société lui laissaient la charge d’affronter délinquance et violence en la dotant de chiches moyens et sans se priver de la brocarder. Tout a changé quand, au début du siècle, des politiciens y ont vu une possibilité de gains électoraux et ont utilisé la police à d’autres fins que la sécurité. Depuis quelques années, la situation a même empiré, la police est devenue un instrument dans la main du gouvernement pour appliquer des politiques sociales ou sanitaires et notre gardien de la paix est habillé en guerrier !

A ceux qui douteraient qu’il y ait eu ce passé de relative mais réelle neutralité, rappelons avec un peu de malice des exemples. Au début des années 1990, Charles Pasqua poursuivait les expérimentations de police de proximité de Paul Quilès. Le débat prévention-répression était à l’équilibre quand un « grand flic » venu de la police judiciaire comme Robert Broussard* lançait les polices urbaines sur les pratiques de l’ilôtage et de la sectorisation et acceptait un temps de formation continue de 40 heures annuelles pour chaque policier. Tout change en 2002 quand la Police Nationale devient, pour le Ministre de l’Intérieur, un tremplin pour la Présidentielle. Politique politicienne et sécurité se mêlent de façon trouble.

La situation actuelle est le résultat d’une dérive. Cette évolution qui a fait de la police une partie prenante du débat politique a  pendant quelques années largement profité aux policiers. Elle a amélioré les moyens collectifs - équipements - et les situations individuelles -salaires. Mais pour les plus malins et les plus souples, elle a aussi permis des carrières rapides et assuré aux corporatismes une place exorbitante. Pour une bonne partie des effectifs, le sens de leurs missions n’est plus clairement perçu, étant axées pour l’essentiel sur la police d’intervention  et laissant de côté la prévention et le service au public. Pour les plus extrêmes, elle  aboutit à légitimer des paroles ou des actes indignes de policiers. Le gouvernement a tant besoin de la police qu’il ferme les yeux sur ses dérives.

Maintenant, le prix à payer est lourd car le Politique qui ne voit dans la Police que la Force Publique et ne l’utilise, de plus en plus, que pour contrôler ses propres citoyens, contribue, quoiqu’il proclame, à l’éloignement d’avec la population. Il est temps de revenir à la neutralité et à la proximité de la police républicaine. Est-ce le rôle d’un ministre de définir les gestes d’intervention techniques appropriés ? Une gestion déconcentrée s’adaptant aux spécificités des territoires et aux attentes des citoyens pour refonder sa légitimité la libèrerait de l’emprise politique qui la mine actuellement et apporterait plus de démocratie. Il est urgent que le citoyen puisse faire entendre sa voix et que la police rende compte de son action dans des instances qui lui sont proches. .

Déconcentrons la conduite de la sécurité du public de la police urbaine et de la gendarmerie au niveau des territoires et conservons la conduite de la sécurité de la République au niveau central. Ainsi  la Police serait plus attentive aux recommandations du Défenseur des Droits, aux remarques des élus locaux, aux demandes des citoyens, aux intérêts des associations.

Libérer la police de sécurité publique du carcan que lui impose l’emprise actuelle du pouvoir exécutif central lui permettrait aussi de présenter elle-même ses attentes professionnelles au lieu de poursuivre de chimériques « priorités » comme vainement depuis cinquante ans le trafic du cannabis. La Police pourrait ainsi se faire juger sur des actions dont elle serait responsable. 

*directeur central des polices urbaines de 1986 à 1992, sous les ministères Pasqua, Joxe et Quilès

Signataires ( ordre alphabétique)

Boscher François Yves, contrôleur général honoraire, ancien sous-directeur à la Direction Centrale de la Sécurité Publique, ancien directeur de l' Institut national de la formation de la Police nationale,  président de l 'Association pour la sécurité dans la démocratie.

Debost Michel, ancien directeur adjoint de l'Ecole nationale de Police de Marseille, ancien directeur de la Tranquillité publique  et de la police municipale à Dijon.

Erbes Jean Marc, Inspecteur général de l'administration honoraire,  ancien directeur-fondateur de l'Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure.

Mouhanna Christian, chercheur au CNRS.

Nicolas Gilles, commissaire divisionnaire honoraire, adjoint au maire de Nantes chargé  de la Tranquillité publique.

Nicolle Yves,  commissaire  général honoraire, ancien  sous-directeur de la formation à la Préfecture de Police.

 

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