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Georges Duriaud, figure de la Résistance dans le Tournugeois, nous a quittés à l'âge de 102 ans

Georges Duriaud, figure de la Résistance dans le Tournugeois, nous a quittés à l'âge de 102 ans
Rémise de la médaille de l'Assemblée nationale à Georges Duriaud au Mémorial du Col de Brancion, le 4 juillet 2020.

Georges Duriaud, figure emblématique de la Résistance dans le Tournugeois, est décédé le 27 mai à l’âge de 102 ans. Lors de ses obsèques, samedi dernier à Mancey, j’ai été particulièrement touchée par l’hommage qui lui a été rendu par Gérard Morin, 1er adjoint de la commune et auteur du livre « Parcours d’un jeune de Mancey 1939-1945, Georges Duriaud ». Voici le texte de son discours :

« Un roc, un chêne, une force de la nature… ce sont les premiers mots qui me viennent à l’esprit pour parler de toi, Georges.
Quelques-uns des plus anciens se souviennent encore des sacs de blé de plus de 100 kilos que tu portais sur le dos jusqu’à l’étage où on entreposait les grains… ou de la locomobile et de la batteuse qu’il fallait caler à force d’homme. Impressionnant !
Mais au-delà les apparences physiques, il y avait l’homme et ses principes de conduite de vie, applicables en toutes circonstances.
Ces principes se résument en 4 verbes d’action : résister, maîtriser, partager, transmettre.

• Résister

Selon le dictionnaire, signifie : « qui résiste à une force contraire, qui résiste à l'effort, qui résiste à l'usure… »
- Georges tu as résisté durant toute sa vie à des forces contraires.
Dans ta jeunesse, tu as résisté aux exigences de tes parents lorsque tu as rencontré, Jeanne, ta future femme. Et cela t’a beaucoup coûté.
Ensuite, tout le monde connaît ton engagement dans la Résistance contre l’occupant, contre le nazisme. Tous tes compagnons, femmes et homme de l’Anacr sont là pour en témoigner. Il y a presque 79 ans, à 3 jours près, tu montais au maquis au Col du Navois avec tes copains Jean Travaillant, Edmond Coulas et d’autres encore…
- Tu as aussi résisté à l’effort quand tu as reconstruit ton mode de vie après ton accident dans lequel tu as perdu ton avant-bras droit. Peu auraient été capables de le faire avec la même énergie et la même ténacité.
- Enfin, tu as résisté à l’usure, si l’on peut dire, en restant en pleine forme jusqu’à ces derniers mois, avec une mémoire et une lucidité intactes. Cette mémoire qui t’a permis de lutter avec acharnement contre l’oubli, l’oubli d’une époque, l’oubli d’une vraie solidarité entre frères de combat, l’oubli de la liberté reconquise.
Permets-moi mon cher Georges de citer ce court extrait du « Chant des Partisans » qui lorsque tu l’écoutais te faisait fondre en larmes :

« Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe
Ami, si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes
Sifflez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute »

Liberté, premier mot de notre devise républicaine. Liberté, combien ce mot t’était précieux Georges !
Résister, c’est se battre pour la Liberté !

• Maîtriser

- Tu aimais avoir la maîtrise des événements, la maîtrise des situations dans lesquelles tu te trouvais. C’est un exercice souvent difficile. Mais à force de connaissance, d’expérience et de ténacité, tu y arrivais sans difficulté.
- Maîtriser, c’est aussi savoir trancher entre différents points de vue, savoir prendre des décisions. Ça, tu savais le faire Georges ! Et s’il fallait pousser un coup de gueule, tu n’hésitais pas ! Ta famille, tes camarades peuvent en témoigner.
Lorsque ta décision était prise, il fallait l’appliquer et si possible au plus vite. Il fallait ensuite l’assumer. Ce que tu as toujours fait.
Après ton accident, tu as acquis rapidement la maîtrise de ton nouveau poste chez La Mure, (tu n’avais pas de rival pour démonter une roue). Cela t’a permis de monter en grade.
Tu as su maîtriser ton handicap et en faire un atout !

• Partager

Tous ceux qui te connaissent savent que tu aimais partager les bonnes choses.
- Partager des bons moments entre copains, entre voisins, partager des parties de rigolade dans la cabane des chasseurs ou dans des banquets dont certains sont restés mémorables.
- Mais aussi partager des émotions à travers des souvenirs, à travers des commémorations, à travers la musique. La musique a joué un rôle important dans ta vie, elle a fait vibrer ton coeur, la musique vivante surtout, celle que tu jouais au saxo alto avec tes amis Pierrot Lagarde, Marcel Blondeaut et Jean Vincent les samedis soir dans les bals du coin, ou celle des chansons populaires entamées avec le choeur des Georgettes et accompagnées par ton orgue de barbarie.
Tu l’avais bien compris, la musique, c’est avant tout l’art du partage.

• Transmettre

- C’était d’abord transmettre tes savoir-faire auprès de plus jeunes que toi, qu’ils aient 20, 40, 50 ans ou plus, qu’il s’agisse du travail du bois, du travail de la terre, de la manière de tailler une vigne ou encore de poser des collets au bon endroit dans ces forêts magnifiques qui nous entourent et que tu connaissais dans le moindre détail.
- C’était aussi transmettre ton optimisme communicatif, avec ton regard vif et clair derrière tes lunettes et ton sourire malicieux, ta façon de prendre les choses du bon côté. Avec toi, Georges, on ne s’ennuyait jamais, tu savais nous « donner la pêche » !
- Ces dernières années alors que tes camarades disparaissaient les uns après les autres, tu considérais que ta mission sacrée au sein de l’ANACR était de transmettre les valeurs de la Résistance. Cette mission tu l’as réalisée avec force et vigueur en te rendant dans les écoles, en discutant avec les jeunes, en organisant de nombreuses commémorations, en écrivant des articles, en tournant une vidéo, en réalisant un podcast pour une radio locale et enfin en publiant un livre relatant ton parcours entre 1939 et 1945.
Transmettre, c’est préparer l’avenir pour éviter le retour des erreurs passées.

Comme tu en avais pleine conscience, Georges, notamment ces derniers jours, toute vie a une fin. On peut dire que malgré les malheurs et les drames qui t’ont frappé parfois très durement, tu as su faire de ta vie, une belle vie, une vie bien remplie.
Mais au-delà de la finitude des corps, il reste heureusement la continuité de la mémoire, qu’elle soit collective ou individuelle.
Tes filles, tes petits-enfants, tes arrière-petits enfants, toute la famille, tes compagnons de route, tes amis, sauront faire connaître et perpétuer ton exemple.
Merci Georges, pour celui que tu as été, pour ce que tu as fait, et pour tout ce que tu nous as apporté ! Et pour reprendre une de tes expressions familières : ‘’T’étais un champion, Georges !’’ »

Hommage Georges Duriaud
En 2021, lors d'une commémoration à Sennecey-le-Grand.

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