#Mineurs non accompagnés

Examen du texte renforçant le contrôle des déclarations de minorité des étrangers en commission des Lois

Examen du texte renforçant le contrôle des déclarations de minorité des étrangers en commission des Lois

La commission des Lois examinait cette semaine la proposition de loi du Rassemblement national visant à renforcer le contrôle des déclarations de minorité des étrangers. 

Le texte vise à généraliser la pratique des tests osseux pour vérifier la minorité des mineurs non accompagnés (MNA). Ces tests consistent en une radio de la main et du poignet afin de regarder si les os sont soudés ou s’il reste encore du cartilage de croissance. Plus le cartilage a disparu, plus il y a de chance que la personne s’approche des 18 ans. 

A ce jour, l’article 388 du code civil prévoit le recours à ces tests osseux sous plusieurs conditions validées par le Conseil constitutionnel en 2019 : ce test doit être réalisé de manière subsidiaire, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable. Seule l’autorité judiciaire peut décider du recours à ce test. L'accord de l’intéressé doit être recueilli. Les conclusions de cet examen ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur et le doute lui profite. 

La proposition de loi supprime les garanties qui s’attachent à ce dispositif : elle considère le test osseux comme « la seule technique fiable et disponible pour déterminer l’âge de ces personnes », alors que la fiabilité de ce dispositif est remise en cause par l’ensemble de la communauté scientifique. Elle établit une présomption de majorité et substitue l’autorité administrative à l’autorité judiciaire, garante des droits fondamentaux. 

Ce texte apparaît donc inconstitutionnel et contraire aux principes régissant l’Etat de droit

" Monsieur le Président, Madame la Rapporteure, Mes chers collègues, 

Pour nous, ce texte est le mirage d’une réponse à une question sérieuse et légitime que l’on ne doit pas ignorer, que l’on doit investiguer. 

Il stigmatise le recours au test osseux sans tenir compte du consentement de l’intéressé en l’absence de document d’identité valable et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable. Le recours au test d’office est contraire à l’analyse du conseil constitutionnel qui fait du consentement à ce geste invasif une garantie de protection des droits de l’individu.

Et, il précise dans sa décision de 2019 qu’il appartient à l’autorité judiciaire de s’assurer du respect du caractère subsidiaire de cet examen. Seule l’autorité judiciaire en effet, et non l’administration tel que prévu à l’article 1er, peut décider de la légalité d’un test. On comprend bien ici le conflit d’intérêt qui serait de confier à une administration supportant la charge de l’accueil, le soin de faire réaliser ces tests dans un objectif bien déterminé. L’autorité judiciaire est la garante des droits de la personne. Ces seuls motifs suffisent à rejeter une telle proposition de loi. 

Par ailleurs, rappelons que la fiabilité de ce procédé n’est pas avérée comme le précisent de nombreuses instances : l’Académie de médecine dès 2007, le Haut conseil de la santé publique en 2014, le Défenseur des droits, le Comité consultatif national d’éthique, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, de nombreuses ONG. Vous avancez la naissance d’une nouvelle technique à la suite de la crise sanitaire de 2020. Au demeurant, nous n’en avons pas trouvé trace. 

La présomption de majorité méconnaît la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), méconnaît notre Constitution - le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 2019, précise que « la majorité d’une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux » - et vous méconnaissez la jurisprudence constante du Conseil d'Etat qui établit une présomption de minorité. 

En somme, rien ne va dans ce texte. La complexité du sujet ne nous oblige pas à la démagogie qui est de laisser croire à une solution facile. Nous ne devons pas céder aux sirènes de la simplification mais rechercher justice, efficacité dans l’humanité et l’Etat de droit."

Les amendements de suppression des articles de la proposition de loi ont été adoptés, il n'y a donc pas eu lieu de procéder à un vote sur l'ensemble du texte. Elle sera examinée, selon la procédure législative, en séance publique, en l'état de son dépôt.

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