Fonctionnement des services départementaux d’incendie et de secours : mon intervention

Fonctionnement des services départementaux d’incendie et de secours : mon intervention

« Nous avons la chance, en France, de pouvoir compter sur des femmes et des hommes qui possèdent un sens supérieur du devoir et de l’intérêt général, et qui par conséquent n’hésitent pas à mettre leur vie en péril pour protéger celle de leurs concitoyens. » C’est avec ces mots que Bernard Cazeneuve avait tenu à remercier les sapeurs-pompiers pour leur dévouement au service de la vie et du bien commun le 29 janvier 2016.

Nous tenons à rappeler ici que les sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, effectuent un travail formidable sur l’ensemble du territoire. Engagés sur tous les fronts, ils ont cependant été mis à rude épreuve ces dernières années, au travers de crises exceptionnelles - attentats et catastrophes naturelles - mais aussi au quotidien.

1) Comme sous d’autres majorités, lors du précédent quinquennat nous avons cherché à améliorer leur situation à travers la loi du 27 décembre 2016, soutenue par l’ensemble des syndicats. D’une part, la prestation de fidélisation et de reconnaissance a été transformée afin de fidéliser et de reconnaître le volontariat. D’autre part, un nouveau cadre d’emploi de catégorie A+ a été instauré à destination des sapeurs-pompiers professionnels. Cette loi a ainsi tenu à préserver le modèle français reposant sur la complémentarité entre professionnels et volontaires, qui semble désormais mise à mal par une récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne. Dans un arrêt Matzak, en date du 21 février 2018, elle a en effet considéré que les sapeurs-pompiers volontaires ne pouvaient être totalement exclus de l’application de la directive du 4 novembre 2003 relative à l’aménagement du temps de travail.

2) La proposition de loi examinée aujourd’hui répond à l’objectif louable de valoriser l’engagement des sapeurs-pompiers. Certains articles vont dans le bon sens. A ce titre, nous soutenons les mesures visant à lutter contre le manque d’effectif constaté. La France a en effet connu une perte de plus de 11 000 volontaires en un peu plus d’une décennie. C’est ainsi que la proposition de loi prévoit, non seulement des allègements de charges patronales lors de l’embauche d’un sapeur-pompier volontaire, mais aussi la facilitation des absences en entreprise. Quant à l’article visant à ouvrir aux sapeurs-pompiers volontaires l’accès aux emplois réservés de la fonction publique, nous ne pouvons qu’être pour. Nous tenons cependant à rappeler que cette proposition aurait été rendue plus incertaine par la suppression des 500 000 postes de fonctionnaires défendue par Les Républicains durant la campagne présidentielle.

3) Cependant, l’ensemble des syndicats auditionnés a exprimé des réserves sur certaines des dispositions proposées. La bonification de trimestres de retraites posée à l’article 6 est apparue dangereuse dans ses effets, dès lors qu’elle assimile l’engagement volontaire du sapeur-pompier à un travail effectué. A un moment où l’on veut contredire la Directive européenne relative à l’aménagement du temps de travail, il convient d’être prudent. D’autres moyens doivent donc être mis en œuvre pour encourager et reconnaître l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires. De plus, la nomination à un certain emploi d’un sapeur-pompier professionnel  d’un autre grade, prévue à l’article 8, est dénoncée par les intéressés comme un recul de la réforme de la filière des sapeurs-pompiers professionnels mise en œuvre en 2012 et appréciée comme telle.

4) Enfin, certaines mesures méritent d’être encadrées et approfondies. La volonté de faciliter l’hébergement des professionnels à proximité des centres de secours part d’une bonne intention. Il faudrait  cependant garantir l’accès prioritaire des  personnes pouvant prétendre à un logement social. Par ailleurs, l’article 9 relatif à la possibilité pour des étudiants en médecine de faire un stage dans un SDIS, pour louable qu’il soit, nous semble compliqué à mettre en place. Les SDIS ne disposent pas toujours de médecins professionnels, ce qui posent la question de l’encadrement de ces étudiants. Et, enfin, ce dispositif devrait alors être élargi à l’ensemble des professionnels de santé.

En conclusion, cette proposition de loi porte l’intention que nous partageons de soutenir les sapeurs-pompiers dans leur dévouement à l’intérêt commun.  Il faut encourager l’engagement des sapeurs-pompiers dont le volontariat est le socle d’un dispositif d’exception, auquel nous sommes tous très attachés. Mais à ce stade, il me semble que des précisions ou modifications doivent être apportées à ce texte dont nous débattons.

A ce propos, je souhaite, par ailleurs vous alerter sur le mouvement de concentration des services de secours que nous constatons dans plusieurs départements et en particulier en Saône-et-Loire. Cette tendance à la suppression de services publics de proximité - ces centres de première intervention - se poursuit malgré les appels incessants de la population locale à les conserver au plus près. Ce n’est pas  le meilleur moyen de favoriser l’engagement de volontaires qui ont plaisir à se retrouver dans leur commune ou la commune voisine, partager des moments de convivialité, faire du sport le samedi ou en soirée,  dans un lieu de vie près de chez eux. L’engagement volontaire passe sans doute par cela et les autorités départementales devraient en tenir davantage compte. La loi ne peut pas tout.

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