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Non au retour du cumul des mandats : mon intervention en commission des Lois

Non au retour du cumul des mandats : mon intervention en commission des Lois

La commission des Lois a examiné cette semaine la proposition de loi du groupe Horizons visant à renforcer l’ancrage territorial des parlementaires. 

Mon groupe s’est opposé à ce texte, qui a été rejeté en commission des Lois. L’interdiction du cumul des mandats votée en 2014 par la majorité socialiste est présentée par cette proposition de loi comme étant la cause de l’aggravation de la fracture entre les élus nationaux et les citoyens. Pour rappel, la réforme n’interdit que le cumul entre le mandat de parlementaire et l’exercice d’une fonction exécutive locale (maire ou adjoints, Président ou vice-président d’une collectivité) tout en permettant entre le mandat parlementaire et celui de conseiller municipal, départemental ou régional.

Aussi, le lien fait par cette PPL entre cette interdiction du cumul et la déconnexion d’avec les « réalités du terrain » ou la perte de vue des « conséquences des décisions prises au niveau national » ne saurait être établi. 

Au demeurant, le rôle local des députés peut être essentiel lorsqu’ils s’investissent localement notamment grâce aux ateliers citoyens permettant de préparer les débats législatifs avec ceux qui sont les premiers concernés. Hélas, cette proposition de loi néglige totalement cette voie du rôle local des parlementaires et ne propose qu’une régression qui serait très mal perçue par nos concitoyens.

« Ce texte par son titre « renforcer l’ancrage territorial des parlementaires » nous paraît une excellente idée et appelle de notre part collectivement une action dans ce sens. En revanche, notre approbation ne dépassera pas le titre de ce texte, car l’article 1er réintroduisant le cumul des mandats avec une fonction locale exécutive est quand même constitutif d’une régression. L’objectif est noble mais le moyen nous parait insuffisant. Mais nous pouvons nous rejoindre sur des dispositions qui servent cet objectif partagé par tous. 

Le cumul est une plaie. Le constitutionnaliste Guy Carcassonne l’a écrit en des termes tout à fait éloquents : « Que le cumul soit une plaie tient d'abord à cette évidence, que l'on connaît au moins depuis Goldoni : même Arlequin ne peut servir convenablement deux maîtres. La nation et les collectivités territoriales ont des intérêts qui peuvent être différents voire, à l'occasion, s'affronter. Celui qui est élu des deux penchera d'un côté et abandonnera l'autre. La confusion des genres nuit toujours à l'un d'entre eux au moins, quand ce n'est pas aux deux. Or représenter la nation est une occupation qui est bien digne d'un plein-temps et qui s'exercera d'autant mieux que l'on n'aura que cela à accomplir, ce qui est déjà beaucoup. Ne pas l'admettre est intrinsèquement choquant. » (Guy Carcassonne, « Cumul des mandats, le piège », Le Monde, 3 mai 2010)

Les intérêts peuvent s’affronter et nous sommes désormais dans une société soucieuse des conflits d’intérêts. Et la lisibilité de l’action de chacun serait amoindrie voire impossible. 

Nous avons déposé un amendement de suppression. 2014 a été une réelle avancée et nous avions eu le souci de la proximité. Et c’est à raison de cette volonté de couper dans le cumul pour mettre un terme à une forme de féodalité locale du député-maire, du sénateur-maire, qui faisait oublier finalement le rôle du Parlement que nous avons considéré extrêmement important de revaloriser le travail du parlementaire. 

En revanche, je vous rejoins sur le fait que nous nous sommes arrêtés au milieu du chemin. Derrière le non-cumul des mandats, il nous fallait poursuivre en investissant davantage le rôle local du député qui est un impensé juridique actuellement dans notre Constitution. Les sénateurs ont dans la Constitution le rôle de représentants des collectivités locales, pour nous, rien n’est dit dans la Constitution. 

Je ne suis pas sûre que nous puissions aller jusqu’à une proposition de loi constitutionnelle. En revanche, nous pourrions trouver des dispositifs permettant de clarifier ce rôle local du député qui doit s’assurer de la concrétisation des textes qu’ils votent. C’est cette proximité qui nous est demandée, c’est de ne pas apporter des textes qui soient déconnectés, mais aucun d’entre nous ne l’est. Chacun dans sa permanence est en relation constante avec les citoyens, les associations, les maires, les collectivités locales et nourrit sa réflexion de ce contact de terrain. Et ce service pendulaire me parait tellement précieux qu’il me parait difficile d’amarrer le député à un seul mandat local. Il doit être au service de toute sa circonscription et de la Nation. 

Nous avons des perspectives et je regrette que votre texte à son article premier se limite à ce travail. Vous auriez pu proposer des actions permettant au député d’assoir son rôle local et d’être reconnu comme un interlocuteur qui travail à la cohésion du territoire dans son travail législatif en s’assurant de la concrétisation des lois qu’il a votées, de leur bonne application, de leur utilité. Mon groupe vous propose de travailler en ce sens sur ce sujet. »

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