#DirectAN

Le vote par correspondance pour les élections et la parité dans le bloc communal

Le vote par correspondance pour les élections et la parité dans le bloc communal

Ce jeudi 3 février était consacré à l'examen en séance publique de plusieurs textes du groupe MoDem, notamment une proposition de loi visant à "rétablir le vote par correspondance", déposée le 2 juin 2020 par le MoDem au lendemain des élections municipales qui ont vu le taux d'abstention exploser.

" 1/ A la suite des élections régionales de 2021 marquées par une abstention historique de 66,7 %, quelques parlementaires – j’en fais partie - ont déposé des propositions de loi visant à instaurer le vote par correspondance. Si l’abstention est multifactorielle – signe d’une perte d’intérêt pour la vie politique, expression citoyenne d’une perte de confiance, épidémie de Covid-19… - nous devons néanmoins nous interroger sur les moyens susceptibles de faciliter l’accès au vote. 

La forme de ma proposition différait, mais sur le fond, nous partageons les objectifs du texte aujourd'hui examiné pour une raison simple : mettre en place des alternatives au vote classique est une exigence démocratique. Il faut mettre en œuvre tout ce qui est possible pour faciliter l’expression de la volonté souveraine des citoyens. 

2/ Le souvenir des fraudes à l’époque où le vote par correspondance existait en France, pèse injustement lourd aujourd’hui sur les débats. La procédure aujourd’hui n'est plus du tout la même que celle en vigueur avant 1975. Ces alternatives sont souvent qualifiées de « fausses bonnes idées », créant de la méfiance due à la complexité de leur mise en place. Cet argument n’est pas entendable dans une démocratie, qui doit être en capacité de déployer les moyens nécessaires et d’apporter les garanties s’attachant au vote.  

Par ailleurs, le vote par correspondance existe déjà en France, pour l’élection des députés des Français de l’étranger, pour les élections consulaires que ce soit sous pli fermé ou par vote électronique, et pour les détenus. D'ailleurs, les élections consulaires ont eu lieu en 2021 et ça n’a pas semblé poser de difficultés. 

3/ En refusant de rétablir le vote par correspondance, la France est de plus en plus une anomalie parmi les démocraties libérales. L’Allemagne, les Etats-Unis, la Suisse, l’Espagne, le Royaume-Uni, l’Australie, et cette liste est non-exhaustive, s’y sont tous mis. Aux Etats Unis, pour la présidentielle de 2016, le vote par correspondance c’était 26% des voix, en 2020, 42%. En Allemagne, aux élections législatives de 2017, 28,6% des voix ont été exprimées par correspondance. Lorsque j'avais interrogé la Chancelière allemande dans le cadre de l'Assemblée parlementaire franco-allemande sur les raisons de cet écart au niveau de la participation électorale entre l'Allemagne et la France, elle a avancé le vote par correspondance.  

4/ Nous avons les moyens de proposer une alternative intéressante et pragmatique permettant à des personnes éloignées ou qui ne peuvent pas en mobilité s’organiser pour aller voter, ou qui doivent recourir à une procuration dont on connaît le cheminement compliqué. Le refus de considérer ces nouvelles possibilités, qui en passant ne sont pas si nouvelles que cela, est incompréhensible. D’autant que dans son avis du 10 novembre dernier, la Commission supérieure du numérique et des postes s’est prononcée favorablement. Nous avons bien dématérialisé nos impôts et nous allons de plus en plus vers la dématérialisation des services publics. Une dématérialisation à géométrie variable semble-t-il.  

5/ Enfin, le vote par correspondance ne sera pas la panacée de notre démocratie. Celui-ci doit être une alternative complémentaire dont des citoyens qui le souhaitent, puissent se saisir.  Dans cette recherche de la citoyenneté, il devra être complété par d’autres mesures, par exemple une vraie reconnaissance du vote blanc, ou l’inscription automatique sur les listes électorales. C’est le sens de l’un de nos amendements, qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution, alors que 8 millions de personnes sont non-inscrites et que 15% des inscrits sont « mal-inscrits ». 

6/ Oui, le vote par correspondance ne résoudra pas le sentiment de confiscation qui résulte de l'injonction au vote utile, du fait majoritaire, et des déséquilibres inhérents au semi-présidentialisme de la Vème République. Mais ce sera un premier pas, et une indéniable avancée démocratique. Si on ne peut pas imaginer au moins une expérimentation, qui est confortée par la poste, par le Conseil supérieur des postes et du numérique, et demandée par un groupe de la majorité, je reste perplexe sur la capacité de progressisme et d’innovation de cette assemblée.          

Ce texte aura évidemment tout notre soutien."

La séance publique s'est poursuivie par l'examen de la proposition de loi visant à "renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal", sur laquelle je suis intervenue lors de la discussion générale. 

"Le texte qui nous est soumis aujourd’hui à l’initiative de Mme Jacquier-Laforge et du groupe MoDem nous propose une nouvelle étape dans la mise en œuvre d’une parité obligatoire au sein des exécutifs locaux.

Une nouvelle étape et pas des moindres puisqu’il s’agit de modifier le mode de scrutin applicable dans plus de 25 000 communes, représentant 71% d’entre elles et près de 9 millions de nos concitoyens.

Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité de lois qui ont progressivement imposé la parité dans les scrutins de liste, dans les tableaux d’adjoints au Maire puis encore récemment, dans les conseils départementaux avec la loi portée par notre groupe instaurant un scrutin binominal paritaire garantissant une parité effective.

Je commencerais par évoquer ce qui ne pose pas de difficulté de notre point de vue, c’est-à-dire le dispositif de l’article 4 qui propose d’instaurer une représentation par sexe parmi les vice-présidents des intercommunalités en miroir de leur répartition au sein de l’Assemblée délibérante. 

Nous notons d’ailleurs avec satisfaction le dépôt d’un amendement n°9 qui permettra de répondre à la critique entendue en Commission sur tous les bancs sur la formulation inintelligible de l’article, qui risquait d’en affecter la portée. Nous soutiendrons cet amendement.

J’en reviens au dispositif principal de votre proposition de loi, qui prévoit d’étendre aux communes de moins de 1000 habitants le scrutin de liste proportionnel à deux tours en substitution du scrutin uninominal majoritaire existant. 

Vous faites le constat, comme nous, que si la place des femmes dans les exécutifs locaux de nos petites communes continue de progresser à chaque scrutin pour atteindre 37,6% des conseillers en 2020, celle-ci reste insuffisante. 

Vous proposez donc ce changement de mode de scrutin, imposant des listes où l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne pourra être supérieur à un, tel qu’il existe pour les communes de plus de 1000 habitants. 

Nous l’avons dit en Commission, nous avons une inquiétude quant aux conséquences de la mise en œuvre d’un scrutin de liste, y compris dans les plus petites communes, sur le nombre de candidatures et le maintien du nécessaire pluralisme démocratique. 

Nombre d’entre elles peinent déjà à trouver des candidats et pas moins de 106 communes n’ont ainsi eu aucun candidat au 1er comme au 2nd tour en 2020. Près de 700 autres se sont trouvées face à des conseils incomplets et dans 87% des autres communes un second tour n’a pas été nécessaire faute de combattants.

Il aurait été souhaitable qu’une telle modification fasse donc l’objet d’une évaluation préalable et d’une étude d’impact, ce que votre majorité aurait pu demander par l’entremise du Président de notre Assemblée.

Vous identifiez vous-mêmes des risques importants dans cette réforme, raison pour laquelle vous permettez la possibilité de listes incomplètes et adaptez la notion de conseils incomplets en conséquence.

Vos solutions apportent d’ailleurs d’autres difficultés potentielles. Ainsi votre article 2 aura pour effet de faire passer de 15 à 19 le nombre de sièges à pourvoir dans les communes de 1000 à 1499 habitants. 

On imagine bien que pour les plus petites de la strate, cette augmentation d’un quart du nombre de sièges à pourvoir pourra également constituer une difficulté dans l’émergence de listes de candidats. 

Notre groupe a sollicité par un questionnaire les maires concernés dans nos circonscriptions, lesquels émettent des réserves.

Notre groupe a donc mis en balance, une progression souhaitable et souhaitée de la parité au sein des exécutifs locaux d’une part et les difficultés posées par la solution proposée que je viens de lister.

Nous avons décidé de nous placer dans la continuité de notre engagement historique pour une plus grande place des femmes en politique en votant votre proposition de loi au constat qu'elle ne pourrait, dans le meilleur des cas, s'appliquer qu'en 2026 et que d'ici là un travail de fond pourra être mené en lien avec le Conseil d'État. Nous ne retirons donc rien des interrogations que je viens de formuler. 

Il nous semble également essentiel que votre texte prévoit dans la navette, un mécanisme d’évaluation de son impact a posteriori des élections municipales de 2026 afin de faire le bilan des conséquences de cette réforme sur la parité comme sur le pluralisme démocratique."

A lire aussi