Intervention de Cécile Untermaier sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme - Discussion générale - lundi 15 septembre 2014

Monsieur le Président,


Mes chers collègues,

 
Le projet de loi que nous devons aujourd’hui examiner est un texte restreignant certaines de nos libertés publiques constitutionnellement protégées, et ce, pour contenir une menace terroriste. Comme vous le savez, un tel texte doit être justifié par un trouble à l’ordre public, et il doit prévoir des mesures permettant de mettre fin à ce désordre sans excéder ce qui est strictement nécessaire pour atteindre cet objectif.  Je pense bien sûr aux articles 1er et 9 qui ont donné lieu à débats en commission des lois compte tenu des atteintes aux libertés qu’ils contiennent.

 
L’article 1er de ce texte créé une interdiction de sortie du territoire qui peut être édictée par le ministre de l’intérieur à l’encontre de tout ressortissant français majeur s’il est établi qu’il projette des déplacements à l’étranger notamment pour participer à des activités terroristes. Cette décision entraine le retrait du passeport ou de la carte d’identité de la personne concernée. L’atteinte à la liberté d’aller et venir est au cœur de la mesure. L’article 9 créé une possibilité pour l’autorité administrative de demander aux hébergeurs de site internet de retirer de ces sites les contenus provoquant à la commission d’actes terroristes. Si ce n’est pas fait, l’autorité administrative pourra demander aux fournisseurs d’accès internet d’empêcher l’accès à ces sites internet. Cette disposition porte en elle le risque d’une atteinte à la liberté d’expression sur internet. Nous en sommes tous conscients.



Ces mesures fortes répondent à une menace contre laquelle nous devons nous défendre. Une menace qui provient aujourd’hui directement de concitoyens français qui, dans un premier temps, quittent le sol français pour participer au Djihad, actuellement surtout en Syrie ; puis, dans un deuxième temps, reviennent en France endoctrinés par de dangereux dogmes et traumatisés par la violence qu’ils ont vécue. Aujourd’hui, près de mille de nos concitoyens sont en Syrie pour faire le Djihad, et cette proportion grandit à vitesse grand V. La menace terroriste sur notre sol existe donc bel et bien. Cet embrigadement, cette utilisation, est un phénomène épidémique qui appelle une réponse forte. Ce n’est pas une question de religion, ce n’est pas le fait d’une communauté, mais bien une désespérance individuelle captée par  des égorgeurs qui surfent sur internet et capturent leurs proies. Il s’agit de lutter contre une capacité destructrice à la portée des individus, dispersée et difficile à mener.



Une interrogation que nous avons tous partagée était de savoir si les mesures étaient proportionnées au danger identifié. Ma réponse aurait pu être nuancée avant l’examen de ce texte par la Commission. Mais, à l’invitation du rapporteur et de la responsable, dont je tiens à saluer le travail, ce texte a été travaillé en concertation avec le Gouvernement. Une série d’amendements accroit les garanties des personnes visées par ces dispositions, sans pour autant déprécier l’efficacité du dispositif. Ainsi, le retrait du passeport ou de la carte d’identité, pris sur la base  de motifs contrôlés en référé, dans l’urgence donc, et au fond ensuite, par le juge administratif, dans une procédure contradictoire donnant à la défense tous les éléments de fait et de droit avancés par l’État, faisant suite à l’interdiction de sortie du territoire devra être assorti de la délivrance d’un récépissé ; la définition de l’incrimination pénale d’entreprise individuelle terroriste a été précisée, et donc réduite ; le blocage des sites internet est devenue une mesure subsidiaire par rapport au retrait du contenu par l’éditeur ou l’hébergeur, suivant en cela une partie de la recommandation du 22 juillet de la commission de réflexion et de proposition sur le droit et les libertés à l’âge numérique. D’autres garanties sont susceptibles d’être apportées durant l’examen en séance : je pense notamment à la durée maximale de l’interdiction de sortie du territoire qui pourrait passer de six à quatre mois.
 

Dans un Etat démocratique comme le nôtre, dans lequel les libertés personnelles constituent le fondement même de notre contrat social, nous avons été particulièrement vigilants à l’équilibre de ce texte, équilibre que permet  la place faite au juge administratif, garant des libertés.

Ma dernière remarque s’adresse plus particulièrement à nous, les députés, qui avons aux termes mêmes de la Constitution une obligation d’évaluation des politiques publiques et de contrôle de l'action gouvernementale. Nul besoin de mention de rapport dans la loi, cette évaluation s’impose de fait si nous en exprimons le besoin. Dans un texte qui est une réponse forte à une menace de terreur, à une barbarie hélas bien réelle,  il nous reviendra d’apprécier prochainement l’efficacité de ce dispositif, et le caractère opérant de l’arsenal que nous mettons en place. Il nous faut répondre à la menace terroriste, il nous faut légiférer ainsi que nous le faisons, il nous faut ensuite évaluer la portée et l’efficacité de ce dispositif.


Je vous remercie,

A lire aussi