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Examen d’un texte faisant obligation d'un accueil physique dans les services publics

Examen d’un texte faisant obligation d'un accueil physique dans les services publics

Etaient examinées cette semaine en commission des Lois les propositions de loi LFI en vue de leur niche parlementaire prévue le 30 novembre prochain en séance publique. 

J’étais responsable pour mon groupe du texte tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics. Celui-ci visait d’une part, la création d’une obligation de l’administration de proposer un accueil physique pour chaque téléservice, et d’autre part, la mise en place de formation adaptées pour les agents publics. 

La dématérialisation à marche forcée laisse en effet de nombreuses personnes sur le quai pour diverses raisons : 

-les inégalités d’accès à internet touchant les campagnes : selon l’INSEE, 7,5% des ménages en France n’ont pas accès à internet en 2022, la France est en 14ème position des pays de l’UE. Entre les zones blanches où il n’y a aucun opérateur, les zones grises desservies par un seul opérateur, et les zones d’ombre où la connexion est de très mauvaise qualité, certains Français ne peuvent suivre le train de la dématérialisation

-l’illectronisme : 15,4% des plus de 15 ans sont en situation d’illectronisme en 2021, c’est-à-dire qui n’ont pas les compétences de base ou ne se servent pas d’internet. Sont touchés plus particulièrement les seniors, les plus modestes, les moins diplômés, les individus vivant seuls et les habitants d’outre-mer. 

Ces phénomènes nourrissent la fracture de la population et le sentiment d’abandon de territoires désertés (déserts médicaux, administratifs). 

Mon intervention :

« Vous avez identifié un problème récurrent qui a été maintes fois dénoncé, et les réponses données ne suffisent pas à réduire la fracture numérique. 

Ce n’est pas la dématérialisation qui pose problème, la culture du numérique est avec nous et devant nous. Elle n’est sans doute pas suffisamment diffusée, et nous n’avons pas mesuré toutes les conséquences qui s’imposent au regard du respect que nous devons avoir pour les usagers, mais aussi pour les consommateurs, car j’inclus aussi le secteur privé s’agissant du numérique, qui laisse le consommateur à la peine. 

Un présentiel doit être mis en place aux côtés d’un service numérique, nous n’avons cessé de le répéter. Les agences France Services tentent de répondre à ce problème mais elles le font d’une manière imparfaite [Les usagers ne sont pas au contact direct avec le service instructeur et les agents étant pour la plupart, des agents municipaux ou départementaux, ne peuvent intervenir directement sur les dossiers.]. La ruralité étant très concernée par ce sujet, nous devons aller, me semble-t-il, vers des cités administratives de la ruralité. Il n’est pas question que les métropoles puissent bénéficier de l’ensemble des services et que dans la ruralité, on voit les sous-préfectures se fermer ou se vider d’agents. 

Se pose derrière cela la question de l’attractivité pour la fonction publique et ce qui est devenu le service public. Est-ce que dans quelques années le service public sera la dématérialisation, c’est-à-dire la vision que l’on a d’une machine ? L’usager n’exige même plus le service public, il a fait son deuil du service public dans certains domaines, et c’est extrêmement préoccupant. 

Sur le texte immigration et l’accueil des étrangers dans les préfectures, qui est tout à fait symptomatique, nous voyons arriver dans nos permanences des étrangers qui ne savent pas à quelle porte frapper et qui sont dans l’impossibilité de faire une demande numérique. Il s’agit ici de renvoyer à la dignité du citoyen, quel qu’il soit, qu’il puisse faire valoir ses droits, obtenir une réponse par rapport à un droit auquel il pourrait prétendre. 

Sur ce sujet, il y a une dérive inquiétante : plus il est difficile d’avoir un accueil physique, plus celui-ci donne lieu à la mise en place de réseaux. On m’a même parlé de pots-de-vin versés à certains endroits de la République pour obtenir un rendez-vous que l’on ne peut pas obtenir facilement. Je ne sais pas ce qu’il en est, mais cette question est majeure, comme est majeur pour nous le maintien de la notion même de service public. »

Nous avons bien sûr voté pour ce texte. 

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