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La loi "séparatisme" fait l'objet d'un recours auprès du Conseil Constitutionnel

La loi « séparatisme » a été adoptée le 23 juillet dernier à l’Assemblée nationale, en dernière lecture. Je n’ai pas voté ce texte au contraire d’autres textes que j’ai soutenus portant sur le Climat ou la Justice.

Il a fait l’objet de débats importants, d’un atelier législatif citoyen au cours duquel j’ai pu recueillir l’avis très réservé des représentants des cultes catholiques, protestants et musulmans. Responsable pour mon groupe politique de ce texte, j’ai participé au débat et fait valoir des réserves dont certaines ont été prises en compte et d’autres non. La question de la liberté d’association et de culte reste centrale, c’est la raison pour laquelle plusieurs recours émanant de toutes les oppositions ont été introduits devant le Conseil constitutionnel, lequel se prononcera très prochainement, sur le fond du texte et pourra le cas échéant en censurer quelques dispositions. 

Je vous fais part ci-dessous de mes observations faites en dernière lecture. Elles fondent le recours devant le conseil constitutionnel.

1/ Ce texte entend faire respecter le principe de laïcité. Pourtant, nous manions ce concept sans jamais avoir pris le temps d’en discuter véritablement les contours. Pour le professeur de droit public Ferdinand Mélin-Soucramanien, « définir la laïcité dans la Constitution est d’une grande importance pratique. ». Il nous paraît effectivement essentiel de saisir, en amont du texte, ce que recouvre la laïcité. Elle signifie d’une part, que la République assure la liberté de pensée, de conscience et de religion en garantissant le droit de manifester son appartenance religieuse comme son absence d’appartenance religieuse, ainsi que, le cas échéant, de changer de religion ; d’autre part, que la République garantit une stricte neutralité des personnes exerçant une mission de service public vis-à-vis de leurs usagers et réciproquement, qu’elle interdit à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers. Tel était notre amendement, lequel a été rejeté. Il ne faisait que rassembler l’ensemble des éléments constitutifs de la laïcité pour aider à la compréhension de la loi et l’application de ce principe, à savoir les deux premiers articles de la loi 1905 et la jurisprudence du Conseil constitutionnel. 

2/ Le Gouvernement fragilise par ce projet de loi lui-même, ce principe de laïcité, comme l’a alerté l’historien Jean Baubérot : « Le Gouvernement affirme renforcer la laïcité, alors qu’il porte atteinte à la séparation des religions et de l’Etat. Avec ce texte, il accorde un rôle beaucoup plus important à l’Etat dans l’organisation des religions et de leurs pratiques. » 

3/ Pour lutter contre l’islam radical, le texte porte la suspicion et la logique répressive sur l’ensemble des religions, il renforce les contrôles administratifs et la surveillance des cultes. La plupart des dispositions remettent en cause des libertés fondamentales avec tous les risques de violation de la Constitution que cela implique. Le Conseil d’Etat ne s’y est pas trompé dans son avis : « les mesures du projet concernent pratiquement tous les droits et libertés publiques constitutionnellement et conventionnellement garantis, et les plus éminents d’entre eux. » Plus d’un tiers des articles instaure des procédures de contrôle et plus d’un quart définit des peines d’emprisonnement selon la Défenseure des droits. 

Nous nous inquiétons des nouvelles contraintes imposées aux associations cultuelles et plus largement au monde associatif, qui portent atteinte à la liberté d’association et vont profondément modifier les relations entre l’Etat et la société civile. Le conditionnement des subventions au contrat d’engagement républicain entraine un réel danger pour les associations. Je pense à la Ligue des droits humains, qui se voit refuser une subvention à raison de son combat disruptif par rapport à des règles qui ne permettent pas toujours de progresser au soutien de l’humanité, je pense à des associations de protection de l’environnement qui nous éclairent sur des dangers d’actions publiques et  qui servent au contraire la République et de manière plus générale, je pense aux associations diocésaines qui font un travail remarquable, en responsabilité,  de soutien et d’insertion de personnes en situation irrégulière. 

4/ Le projet "tape à côté" de ses objectifs, ne touche pas à l’essentiel, et jette la confusion sur nos véritables ennemis. Nous devons combattre un fondamentalisme islamiste qui n’est pas la religion musulmane, qui n’est pas le fait des citoyens musulmans, qui font partie de notre République, qui font Nation avec nous parce que tous ensemble respectons l’Etat de droit. Que l’on demande au culte musulman de s’organiser comme l’ont fait par le passé d’autres cultes est indispensable et je soutiens totalement cette mesure, mais ce dispositif est en route et c’est le manque de volonté politique qui fait que nous n’avons pas encore abouti.  En revanche, mettre en place un système d’ingérence excessif de l’Etat dans les autres religions, ne répond pas à mon sens à l’objectif de lutte contre les séparatismes. 

Le régime d’autorisation imposé pour l’instruction en famille est le parfait exemple d’une mesure restrictive et liberticide. Les quelques familles qui font ce choix, le font pour répondre à des situations particulières relevant de leur responsabilité. Ne nous attardons pas sur ce sujet, ne restreignons pas cet espace de liberté de l’enseignement. En revanche, prenons les vraies mesures permettant qu’aucun enfant n’échappe à l’école de la République, comme c’est le cas actuellement dans les quartiers sensibles des villes et que les écoles coraniques sans contrat comme toutes les écoles sans contrat fassent l’objet de contrôles réguliers et stricts sur la qualité de l’enseignement concernant le respect des principes républicains. 

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