Le Grand Atelier des Avocats

Le Grand Atelier des Avocats

Sur invitation du Conseil national des Barreaux (CNB), je suis intervenue lors du Grand Atelier des Avocats, sur la place de la profession dans le fonctionnement de la justice et des évolutions législatives actuelles.

Il est patent que nous avons une vraie culture à réinventer pour les avocats. Au même titre que les magistrats, ils font partie intégrante de la justice. Cette meilleure prise en considération de leur profession passe tout d'abord par une élaboration du budget de la justice plus transversale, la profession étant impactée très directement, tout comme les juges, les procureurs, les greffiers, par les moyens alloués à la justice.

D'ailleurs, le budget Justice de la France reste décevant par rapport aux autres pays européens, d'après le rapport 2020 de la Commission européenne pour l'efficacité de la Justice, basé sur les données de 2018. Dans les pays dont le PIB par habitant est compris entre 20 000 et 40 000 euros (tel est le cas de la France), la moyenne s’établit à 84,13 euros par habitant et à 0,32% du PIB. Or, la France dépense seulement 69,51 euros soit 0,20% du PIB. A titre de comparaison, l’Espagne y alloue 92 euros par habitant,  l’Italie 83 euros, la Grande-Bretagne 76.

La discussion s'est ensuite portée sur les réformes actuelles relatives à la profession.Sur le secret professionnel, l'un des grands principes de la profession, les avocats déplorent que celui-ci soit de plus en plus battu en brèche par des tentatives toujours réitérées des autorités judiciaires pour le contourner alors que le respect de ce principe conditionne le droit au justiciable à un procès équitable. Celui-ci est également mis à mal par des mesures fiscales.

Par exemple, la directive européenne 2018/822 du 25 mai 2018 impose aux intermédiaires, qui conçoivent, commercialisent ou mettent en œuvre un dispositif transfrontière, de déclarer à l'administration fiscale « les opérations de planification fiscale présentant un caractère potentiellement agressif ».Toutefois quand l’intermédiaire est un avocat, son secret professionnel lui interdit une telle déclaration. La directive est déjà transposée par voie d’ordonnance depuis le 21 octobre 2019, pour une entrée en vigueur au 1er juillet 2020.

De surcroît, l'affaire des fadettes du Parquet national financier (PNF) en est une autre illustration.

De très nombreuses personnalités considèrent désormais que le secret professionnel de l’avocat doit être inscrit dans la Constitution.

Sur le sujet de la justice des mineurs, il est indéniable que le Parlement a été dessaisi de la question, puisque par un amendement en séance publique, la ministre de la Justice a introduit la décision d’une réforme par voie d’ordonnance. Ceci signifie que cette question échappe au Parlement et aux acteurs que sont en particulier les avocats. Rien ne remplace le débat parlementaire. Les réunions à la chancellerie avec des députés et des avocats et l’administration, ne sont rien par rapport à la richesse du débat public, en présence du ministre. Il faut le dire haut et fort, tant la tentation est forte de passer par voie d’ordonnance et laisser ainsi à l’administration la main sur les dispositions à prendre.

Les avocats du CNB avaient été très actifs sur la justice des mineurs dans le cadre de la mission parlementaire que nous avions menée avec Jean Terlier. Des informations très nourries nous avaient été transmises à cette occasion. C’est un peu décourageant pour la profession qui se mobilise ainsi bénévolement.

D’une manière générale, la profession doit se faire entendre davantage, si possible aidée des parlementaires qui oeuvrent dans ce domaine de la Justice.

 

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