#Immigration

"Souveraineté, nationalité, immigration, asile" : débat sur la proposition de loi constitutionnelle présentée par Eric Ciotti

"Souveraineté, nationalité, immigration, asile" : débat sur la proposition de loi constitutionnelle présentée par Eric Ciotti

Alors que le projet de loi immigration est actuellement examiné à l'Assemblée nationale, le groupe Les Républicains présentait dans le cadre de sa journée parlementaire réservée une proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile.

Celle-ci a été rejetée la semaine dernière en commission des Lois et a donc été débattue dans sa version originelle en séance publique. Elle sera rejetée par une forte majorité dans l'Hémicycle.

Mon intervention

"Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Rapporteur,

Mes Chers Collègues, 

« Immigration de masse », « chaos migratoire », sont les mots d'ordre d'introduction de cette proposition de loi constitutionnelle qui fonde sa nécessité sur l'idée d'une submersion migratoire et agite les peurs. 

Si nous n'avons pas toujours su veiller à un meilleur accueil et à une meilleure répartition sur le territoire, et gérer plus efficacement l'immigration clandestine, il est extravagant d'en faire porter la responsabilité à notre Constitution. Comparaison n'est pas raison, mais en 2008, avec la révision constitutionnelle importante effectuée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il n'était pas question de perte de souveraineté de la France. Le défi migratoire ne peut justifier un tel changement de pied et pour nous il s'agit plutôt d'un appel du pied au Rassemblement national.

1/ Sur la forme, il s'agirait d'un texte d’appel de l’aveu même des collègues du groupe LR. En tant qu’élus, nous portons une lourde responsabilité républicaine et je m’inquiète de voir une partie de ce groupe, qui nous a habitué à des exigences d’ordre et de droit, répondre ainsi aux sirènes du populisme.

Si l’immigration augmente en raison des désordres géostratégiques, des guerres ou du réchauffement climatique, elle est loin de justifier les peurs qui sont agitées : pour moitié, l’immigration est liée aux migrations estudiantines ; pour un quart, elle est liée au travail et pour un dernier quart elle est liée aux demandes d’asile. Imposons-nous de faire la pédagogie de la complexité et non la démagogie de la simplification.

2/ Sur le fond, c’est un texte au mieux inutile, apportant de la confusion juridique et au pire, dangereux et mortifère pour les droits fondamentaux. 

A/ Inutile, en son article 1er qui interdit de se prévaloir de son origine ou de sa religion. Cet article vient par une formulation négative ajouter une disposition, alors que la Constitution pose déjà très clairement le principe de laïcité en son article 1er. 

B/ Un texte qui instaure de l’insécurité juridique. 

L’article 3 rend inintelligible le principe de la hiérarchie des normes, dont l’application n’a pas mis en évidence des excès.

Rester au sein de l’Union européenne sans faire primer les textes européens est incompatible en l’état du droit européen. Au lieu de se replier, la France doit être le fer de lance d’une coopération renforcée sur les questions migratoires. Enfin, la ratification des traités par les Parlements nationaux permet d’émettre des réserves sur des dispositions internationales.  Sans doute devons-nous exiger que le parlement soit davantage consulté sur l'engagement européen et international de la France. Ceci pourrait faire l'objet d'une disposition dans la Loi fondamentale, mais il n'est pas question de cela dans le présent texte.  

Nous comprenons aussi que ce texte est un frexit conventionnel et que l’une des motivations est de contrevenir à la Convention européenne des droits de l’Homme et son article 8 qui garantit le droit au respect de la vie privée familiale. C'est méconnaître le second alinéa de cet article qui prévoit déjà des limitations extrêmement fortes, et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est équilibrée et laisse déjà une très grande latitude à l’Etat.

C/ Enfin, c’est enfin un texte dangereux et mortifère pour les droits fondamentaux. 

L’extension du champ des textes pouvant être soumis au référendum (art 2), sur simple avis et non décision du Conseil constitutionnel, porte le risque d’atteintes aux principes, droits et libertés garantis par la Constitution. C’est tout l’esprit du constituant de 1958 puis de 1995 qui est remis en question ici puisqu’il s’agissait d’exclure les référendums susceptibles de susciter des tentations démagogiques. 

Ce n’est pas pour un motif démocratique que vous étendez le champ du référendum. Il s’agit davantage d’une utilisation de cet outil référendaire pour aller chercher le vote populiste. Vous n’entendez donc plus les propos de Jacques Toubon, ancien Défenseur des droits affirmant qu’: « A un référendum sur l’immigration, la réponse ne peut être que populiste », puisque la question ne peut être qu’ambiguë et floue. Il faudrait réfléchir sur un champ référendaire impliquant par ailleurs une autre organisation permettant aux citoyens de s'emparer de l'ensemble du sujet.

La priorité de mon groupe est davantage de faciliter l’accès au référendum d’initiative partagée dont les conditions d’activation sont très restrictives. Là encore une révision constitutionnelle est attendue mais ce n'est pas celle que vous proposez. 

Mon groupe votera contre ce texte avec le constat que l’extrême droite implante son vocabulaire et ses cadres de pensée au sein de la droite républicaine, et nous le regrettons sincèrement.

Enfin, en conclusion, je dirais que cette proposition de loi est un texte qui n'est ni fait, ni à faire, et c'est le résumé que j'en fait de la longue intervention du ministre de l'Intérieur. Je vous remercie."

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