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Examen de la proposition de loi sur l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques

Examen de la proposition de loi sur l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques

Quinze mois après son adoption par le Sénat, la proposition de loi "encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques" a été examinée ce mercredi 24 janvier par la commission des Lois de l'Assemblée nationale, avant d'être débattue dans l'Hémicycle la semaine prochaine.

C'est un texte important, qui a trouvé sa place dans la suite de l'affaire McKinsey et qui a pour objectif de redonner à la fonction publique et la haute fonction publique, la capacité de réaliser en interne et à un moinbre coût un grand nombre d'actions qui lui reviennent normalement. C'est ainsi que sur les sept amendements que j'ai proposés et qui ont été votés, celui interdisant le recours à un cabinet de conseil privé pour rédiger un projet de loi, revêt tout le sens que nous voulons donner à l'exercice d'une mission régalienne.

Le texte prévoit:

- "D'en finir avec l'opacité des prestations de conseil". Ainsi, les cabinets de conseil et les consultants n'auront plus le droit d'utiliser les "signes distinctifs" de l'administration sur "les documents qu'ils produisent". Par ailleurs, tout document rédigé avec la participation de consultants devra porter une mention spécifique.

- Il interdit, en outre, les prestations de conseil à titre gracieux, sauf dans des cas spécifiques, comme lorsqu'il s'agit, par exemple, de fondations reconnues d'utilité publique. 

- Les consultants auront pour obligation, avant chaque prestation de conseil, d'adresser à l'administration bénéficiaire une déclaration d'intérêts. La HATVP, qui sera chargée de "s'assurer du respect des règles déontologiques", pourra s'auto-saisir, mais aussi "procéder à des vérifications sur place". 

- Que la HATVP encadre les "allers-retours" entre les administrations et les cabinets de conseil. 

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"Monsieur le Président, 

Messieurs les Rapporteurs,

Chers collègues,

1/ Je voudrais en préambule saluer la qualité du travail parlementaire et le chemin législatif qui a conduit à la genèse de cette proposition de loi. En premier lieu, la commission d’enquête sénatoriale a fourni des conclusions alarmantes et parfois choquantes s’agissant de la force de frappe des cabinets de conseil et de leur influence grandissante dans les politiques publiques. En se saisissant d’un tel sujet, le Parlement prouve à nouveau sa capacité à légiférer seul, grâce aux apports des deux chambres, dans un esprit transpartisan et de compromis. 

2/ Le constat d’une nécessité de réguler l’intervention des cabinets de conseil dans l’action publique s’impose à nous. Depuis plusieurs années, l’émergence des cabinets privés intervenant auprès de l’Etat dans sa stratégie, dans l’élaboration des politiques publiques, son organisation ou sa gestion des ressources humaines ne cesse de s’accroitre. Dans l’opacité la plus totale, l’Etat a recours à des prestations pour des montants atteignant parfois plusieurs millions d’euros. Sur l’année 2021, les dépenses de conseil ont dépassé le milliard d’euros, dont 893 millions pour les ministères, des montants excessivement élevés pour des prestations parfois évitables et sans réels contrôles ni évaluations. En cela, la circulaire du Première Ministre du 19 janvier 2022 est la première pierre d’un arsenal juridique à consolider. 

3/ Précisons aussi que les cabinets de conseil ne sont pas les ennemis de l’action publique. Dans l’immense majorité des cas, ils répondent à des réels besoins de l’administration. Si l’enjeu de ce texte n’est pas d’interdire leur intervention, il en va de notre responsabilité de les réguler et à travers cela d’impulser une politique de réinternalisation des compétences, lesquelles font l’excellence de notre fonction publique, souvent enviée partout dans le monde.

4/ Sur le fond, ce texte répond à plusieurs objectifs :

- Dans un premier temps, il renforce les obligations de transparence avec la publication par les ministères d’un rapport comprenant la liste des prestations de conseil dont ils ont eu recours. L’exigence de transparence doit également s’imposer avant l’exécution de la prestation, en particulier pour les agents publics concernés qui doivent en être informés. Nous formulons cette proposition par voie d’amendement. 

- Ensuite, ce texte encadre davantage le recours à ces prestations, en renforçant leur évaluation à posteriori. Il nous semble également qu’en tant que législateur, nous sommes tenus d’interdire l’intervention des cabinets privés dans la rédaction d’un projet de loi et de son étude d’impact, tel que l’a révélé la commission d’enquête s’agissant de la rédaction de l’étude d’impact du projet de loi d’orientation des mobilités en 2019. Nous déposons un amendement en ce sens.

- Enfin, ce texte renforce les principes déontologiques applicables aux consultants, avec notamment la création d’une commission des sanctions au sein de la HATVP dont nous nous félicitons. Mais la prévention des conflits d’intérêts et du respect des principes déontologiques ne peut reposer que sur la seule Haute Autorité. Le référent déontologue, désigné au sein de chaque administration doit prendre toute sa part dans cette mission.

5/ Le champ d’application de ce texte nous interroge, en ce qu’il ne concerne pas les collectivités territoriales. Nous concevons que la charge administrative puisse être trop lourde pour des petites collectivités, mais si nous ne réussissons pas à l’intégrer d’une manière ou d’une autre, à minima par un devoir de transparence, nous faisons l’impasse sur un pan important de l’intervention des cabinets dans l’élaboration des politiques publiques et ainsi faisons le constat que ce texte est incomplet.

6/ Enfin, dire qu’au travers de nos débats, ayons l’objectif de remobiliser la fonction publique dans sa mission essentielle. Les politiques de ressources humaines doivent emporter avec elles un enthousiasme pour l’engagement au service de l’Etat et de l’intérêt général. Elles doivent travailler à l’attractivité des métiers, à l’évolution des carrières, aux niveaux de rémunérations des agents publics, puisque seules ces mesures seront efficaces pour réduire le recours aux cabinets privés."

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