#Lutte contre les violences intrafamiliales

Renforcement de l’ordonnance de protection en séance publique

Après l’examen en commission des Lois la semaine dernière du texte visant à allonger durée de l’ordonnance de protection et à créer l’ordonnance provisoire de protection immédiate, les débats se sont poursuivis cette semaine en séance publique.

Rappel des mesures : 

-Allongement de la durée maximale de l’ordonnance de protection de 6 à 12 mois.

-Création de l’ordonnance provisoire de protection immédiate afin de protéger les victimes de violences intrafamiliales sous 24h au lieu de 6 jours, lorsque la situation des personnes en danger nécessite la mise en œuvre d’une protection très urgente.

Cette proposition de loi reprend en partie les dispositions du texte que j'avais déposé, visant à renforcer l’ordonnance de protection et voté à l’unanimité lors de la niche parlementaire de mon groupe en 2023. 

Pour autant, la disposition visant à supprimer la notion de danger lors de l’appréciation du juge au moment de la décision de délivrance de l’ordonnance de protection, pour ne retenir que l’appréciation de l’existence de violences, n’a pas été retenue. Pourtant, dès lors qu’il y a violence, il y a danger. Nous avons donc déposé des amendements visant à faciliter l’office du juge et donc à développer la délivrance des ordonnances de protection.

« Monsieur le Président, Madame la Rapporteure, Mes cher.e.s Collègues,

Nous voici réunis pour débattre du renforcement de l’ordonnance de protection près d’un an après les discussions sur la proposition de loi que j’avais déposée au nom de mon groupe et qui avait été adoptée à l’unanimité le 9 février 2023. Celle-ci visant à allonger l’ordonnance de protection de 6 à 12 mois et à faciliter sa délivrance en rendant plus aisée l’appréciation des juges aux affaires familiales.

Au regard de l’urgence de la situation, quelle ne fût pas notre incompréhension au moment de constater que la majorité avait fait le choix de déposer une proposition de loi reprenant en partie nos travaux – sans nous citer au passage – plutôt que de poursuivre la navette parlementaire et assurer ainsi une entrée en vigueur rapide. Votre majorité aurait pu l’inscrire sur une de ses niches au Sénat, ou bien votre gouvernement sur une semaine qui lui est réservée. En reprenant la navette à zéro avec un nouveau texte, un an plus tard, ce sont 12 mois de perdus pour les victimes qui attendent une protection renforcée.

Cette nécessité part du constat dramatique que nous faisons chaque année sur les victimes de violences intrafamiliales. En 2023, 94 femmes ont été tuées, cela représente une baisse de 20% par rapport à 2022, année qui avait vu une hausse de 15% des victimes de violences conjugales. Chaque année, nous faisons le bilan à raison de chiffres et de pourcentages. Ce sont derrière des vies perdues, des vies bouleversées. Nous ne pourrons nous satisfaire que d’un chiffre : 0.

Evidemment, cela va sans dire, nous soutenons l’allongement de la durée maximale de l’ordonnance de protection de 6 à 12 mois, car 6 mois, c’est très court pour organiser une séparation et repartir sur de nouvelles bases. Je crois qu’il est intéressant de laisser une plus grande marge de manœuvre au juge et de lui laisser la possibilité, lorsqu’il estime que cela est nécessaire, de prendre des mesures pour une année entière.

Par ailleurs, quitte à reprendre nos travaux, il aurait été pertinent de reprendre également notre disposition visant à faciliter la délivrance de l’ordonnance de protection. Ma proposition de loi initiale prévoyait la suppression de la notion de danger lors de l’appréciation du JAF, celui-ci n’étudiant alors que l’existence de violences vraisemblables. Selon le Conseil national de l’ordonnance de protection, la notion de danger complexifie la décision à rendre par le juge et conduit les magistrats à opérer une hiérarchisation dans les violences, en distinguant celles qui sont sources de danger, et celles qui n’en sont pas. Mais peut-on envisager des violences, portées devant le juge, qui ne mettent pas en danger la personne qui les subit ? Je crois au contraire que toutes les violences participent à mettre en danger celles qui les subissent, et que toutes les victimes de violences méritent d’être protégées.

Votre rapport, Madame la rapporteure, le préconisait d’ailleurs et cette disposition se combine parfaitement à ce que vous proposez : l’ordonnance de protection qu’on connait serait délivrée, sous 6 jours, dès lors que des violences sont vraisemblables, sans que le juge ait à se prononcer sur la notion de danger, considérant qu’il est intrinsèque à la violence. La nouvelle ordonnance provisoire le serait, elle, sous 24h pour les cas où il existe un danger spécifique nécessitant une protection plus immédiate. Rappelons que l’ordonnance de protection est outil de prévention, et non une sanction : le juge ne se prononce pas sur une culpabilité mais sur un risque potentiel.

Bien que notre groupe souhaitait la suppression de la notion de danger, nous étions parvenus à un accord avec la Chancellerie, allégeant ainsi cette notion. Le juge devait alors apprécier le danger « potentiel ». Quelle ne fût pas notre surprise de voir nos amendements de repli reprenant cette disposition adoptée à l’unanimité il y a un an, rejetés en commission des Lois.

Enfin, si la création d’une ordonnance provisoire de protection immédiate délivrée sous 24h, semble être un outil pragmatique, je m’interroge sur la capacité des juges aux affaires familiales déjà surchargés de traiter de telles demandes en 24 h. Cette interrogation est partagée par le syndicat de la magistrature pour qui ce nouveau dispositif « nécessiterait, outre des effectifs supplémentaires parmi les JAF et les magistrats du parquet, une réorganisation importante de ces services et plus largement des tribunaux judiciaires, étant donné que la nécessité de statuer dans les 24 heures impose notamment des permanences de week-end, qui n’existent pas actuellement s’agissant des JAF. »

Créer un tel dispositif, sans étude d’impact, dans les conditions actuelles dans lesquelles la justice est rendue, paraît déconnecté des réalités de terrain. Le traitement des VIF ne pourra se réaliser que si les magistrats ont le temps de se former et d’étudier ces dossiers avec toute l’attention qu’ils requièrent.

Pour conclure, je tiens enfin à saluer le Comité national de l’ordonnance de protection et sa présidente Ernestine Ronai, ainsi que toutes les associations qui accompagnent les victimes, pour leur travail sans relâche qui nourrit nos débats. Il est impératif de les écouter.

Je vous remercie. »

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