#Anti-corruption

Agrément des associations pour agir en justice : communication de la mission d'information flash

Agrément des associations pour agir en justice : communication de la mission d'information flash

En commission des Lois ce mercredi 8 décembre, j'ai présenté en tant que rapporteur, avec Bruno Questel, la communication de la mission d’information flash sur la capacité des associations à agir en justice, c'est-à-dire à se constituer partie civile dans le cadre d'une procédure judiciaire. L'accent a été mis sur les associations de lutte contre la corruption dont le renouvellement de l'agrément a suscité de vives polémiques dans la presse, en particulier s'agissant d'Anticor.

  • Le premier constat dressé par la mission d’information est celui de l’utilité de l’action en justice de ces associations.

Les bénéfices tirés de leur action devant le juge pénal sont réels tant pour le justiciable que pour l’institution judiciaire, cette action étant complémentaire de celle du parquet. 

Le risque de création d’un « parquet parallèle » ou d’un « parquet privé » est parfois brandi par les opposants à l’action civile des associations devant le juge pénal pour la défense d’intérêts collectifs. Mais les personnes auditionnées dans le cadre de cette mission, en particulier les magistrats de la cour de Cassation... ont  souligné de manière unanime l’utilité de l’action associative dans le procès pénal.

D’abord, les associations permettent de mettre en lumière des infractions que les parquets n’ont pas les moyens de constater. Cela est particulièrement vrai dans certains contentieux, notamment en raison de leur haute technicité. Dans des domaines tels que l'environnement, la santé, la cybercriminalité ou la lutte contre la haine en ligne, les associations peuvent non seulement aider le parquet à repérer des infractions qui auraient pu lui échapper, mais aussi sécuriser son action lorsqu’il se positionne en faveur des poursuites. Elles accompagnent également le juge dans l’appréciation du dossier par l’apport d’éléments utiles dont elles ont une très bonne connaissance. 

Les associations peuvent aussi jouer un rôle « d’aiguillon » face à une motivation faible du ministère public de s’attaquer à certains dossiers. Les associations permettent à des infractions d’être sanctionnées alors que des parquets avaient classé des plaintes. Les priorités de poursuites établies dans le cadre de la définition de la politique pénale ne permettent en effet pas de tout renvoyer devant une juridiction. Plusieurs personnes auditionnées ont également constaté que dans certains cas, des décisions de classement sans suite trouvaient leur origine dans une forme d’autocensure des magistrats du parquet, soit en raison de positionnements politiques délicats, sinon dans le but de préserver le déroulement de leur carrière. 

François Molins, Procureur général près la cour de cassation a ainsi souligné qu’il convenait d’envisager le rôle de ces associations dans une relation de complémentarité avec le parquet, et non de concurrence. 

  • La mission d’information a identifié des difficultés spécifiques touchant les habilitations conditionnées à la délivrance d’un agrément. 

L’agrément est requis dans des domaines très divers tels que la défense de la langue française, la lutte anti-corruption, ou encore la défense des victimes d’actes de terrorisme, et le nombre d’associations agréées est très fluctuant d’un domaine à l’autre. 

Les associations entendues ont insisté sur le rôle positif joué par l’agrément, qui assoit la reconnaissance de l’expertise des associations agréées, et joue surtout le rôle de facilitateur de l’action en justice. L’agrément sécurise l’action contentieuse des associations. 

Si l’utilité de l’agrément n’est pas contestée, les associations ont néanmoins souligné quatre difficultés

– la lourdeur et la lenteur des procédures ;

– le manque de transparence de l’instruction ;

– le problème d’impartialité de la décision d'agrément. 

Dans un domaine qui présente un risque accru d’instrumentalisation à des fins politiques, la soumission de l’habilitation à agir en justice à la délivrance d’un agrément permet de vérifier le sérieux de l’association et de garantir l’absence de dévoiement de l’habilitation. Il n’est donc nullement question de remettre en cause ce principe, par ailleurs approuvé par les associations en tant qu’elle les sécurise. 

Il est proposé d’harmoniser:

-le critère de la durée d’existence minimale de l’association avant de pouvoir sollicitier l'agrément, en le portant à trois ans. 

-la durée des agréments délivrés et de la fixer à cinq, voire sept ans, au regard de la réalité du temps judiciaire

Il est proposé de renforcer les exigences déontologiques des dirigeants d’associations habilitées à agir en justice.

A cet effet, l’obligation de soumettre une déclaration d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique pourrait être étendue aux équipes dirigeantes des associations habilitées à agir en justice.  

J'ai proposé de limiter cette proposition au seul domaine de la lutte contre la corruption, qui est celui dans lequel des risques de conflits d’intérêts ont été mis en avant. 

  • Concernant la procédure de délivrance de l’agrément des seules associations de lutte contre la corruption

Je propose de confier la délivrance de cet agrément à la HATVP. 

Au regard de la suspicion de conflits d’intérêts planant sur l’attribution, par le pouvoir exécutif, des agréments en matière de lutte contre la corruption, il me semble nécessaire d’extraire la décision d’octroi de l’agrément du ressort gouvernemental, pour le confier à une autorité indépendante.

Il ne s’agit pas seulement de répondre à l’attente exprimée par les associations, mais aussi de garantir la possibilité d’une prise de décision sereine, y compris si elle doit être défavorable. Dans le cadre du renouvellement de l’agrément d’Anticor, la très forte pression médiatique à laquelle était soumise le Gouvernement rendait pratiquement impossible une décision de refus.

  • La dernière proposition est celle tendant à prévoir un contrôle, par la Cour des comptes, des comptes des associations. 

Le précédent du renouvellement de l’agrément de l’association Anticor a montré combien l’appréciation du critère tenant au « caractère désintéressé et indépendant de ses activités, apprécié notamment eu égard à la provenance de ses ressources » était délicate. Ce critère pose à la fois la question des moyens du ministère de la Justice pour contrôler les comptes et celle de la protection de la confidentialité du nom des donateurs à ces associations. 

Confier l’exercice de ce contrôle à la Cour des comptes permettrait de bénéficier de son expertise en la matière. Je ne reprendrai pas ici tous les détails, mais ce contrôle pourrait prendre appui sur les compétences de la Cour relatives aux organismes faisant appel à la générosité publique. 

J’envisage ce contrôle comme une simple possibilité. Ce contrôle serait sollicité par l’autorité qui délivre l’agrément aux associations anti-corruption, si cela s’avère nécessaire au cours de l’instruction. 

A lire aussi